Russie : l’opposant à Poutine, Alexeï Navalny, est mort en prison

Publié le

L'opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, est mort vendredi, selon les autorités, dans sa prison de l'Arctique, un décès dont les Occidentaux tiennent les autorités russes pour responsables.

Publié le 16/02/2024 à 7:52 - Mise à jour le 16/02/2024 à 9:53

L'opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, est mort vendredi, selon les autorités, dans sa prison de l'Arctique, un décès dont les Occidentaux tiennent les autorités russes pour responsables.

Sa disparition à 47 ans après trois années de détention et un empoisonnement dont il accusait le Kremlin prive une opposition déjà exsangue de sa figure de proue, à un mois de la présidentielle qui doit encore une fois cimenter le pouvoir de Vladimir Poutine après des années de répression de toute contestation. La femme de l’opposant, Ioulia Navalnaïa, a appelé la communauté internationale à reconnaître que le chef de l’Etat russe est « personnellement responsable » de la mort de son mari.

« Si c’est la vérité, je voudrais que Poutine, tout son personnel, tout son entourage, tout son gouvernement, ses amis, sachent qu’ils seront punis pour ce qu’ils ont fait à notre pays, à ma famille et à mon mari. Ils seront traduits en justice et ce jour viendra bientôt« , a-t-elle déclaré en retenant ses larmes à la tribune de la Conférence de Munich.

Les autorités russes n’ont fourni que peu de détails sur le déroulement des évènements, se limitant à un communiqué lapidaire pour assurer avoir tout fait pour réanimer cet homme, à la santé fragilisée par son empoisonnement et son emprisonnement, après un malaise.

– PUBLICITE –

« Le 16 février 2024, dans le centre pénitentiaire N°3, le prisonnier Navalny A.A. s’est senti mal après une promenade et a presque immédiatement perdu connaissance« , a dit le FSIN (l’administration pénitentiaire russe) de la région arctique de Iamal, affirmant que les secours avaient tenté de le sauver. « Tous les gestes de réanimation nécessaires ont été pratiqués mais n’ont pas donné un résultat positif. Les médecins urgentistes ont constaté la mort du patient. Les causes de la mort sont en train d’être établies« , a-t-il précisé, dans ce communiqué.

Appelé par la prison, l’hôpital voisin, dans la bourgade de Labytnangui, a fait savoir que des secouristes étaient arrivés sur place en sept minutes et avaient poursuivi « plus de trente minutes » les opérations de réanimation entamées auparavant par des médecins du camp de prisonniers. L’agence de presse d’Etat Ria Novosti a raconté vendredi qu’Alexeï Navalny avait participé par vidéo la veille à deux audiences devant un tribunal de la région de Vladimir et qu’il ne s’était pas plaint de sa santé.

Sa mère, Lioudmila Navalnaïa, a déclaré avoir vu son fils le 12 février dans sa colonie pénitentiaire et qu’il était alors « en bonne santé et d’humeur joyeuse« , dans un message sur Facebook cité par le journal indépendant Novaïa Gazeta.

Poutine silencieux

Alexeï Navalny purgeait une peine de 19 ans de prison pour « extrémisme » dans une colonie reculée de l’Arctique, dans des conditions très difficiles. Les multiples procès qui lui avaient été intentés avaient été largement dénoncés comme étant une manière de le punir pour son opposition à Vladimir Poutine.

Bien qu' »informé« , selon son porte-parole Dmitri Peskov, le chef de l’Etat russe, en déplacement dans l’Oural vendredi, est resté silencieux. Les autorités de Moscou ont de leur côté mis en garde les Russes contre toute manifestation, tandis que des personnes faisaient la queue dans la soirée pour déposer des fleurs dans plusieurs villes russes sur des monuments à la mémoire des dissidents politiques.

Des interpellations ont été signalées dans plusieurs villes dont la capitale russe par des chaînes Telegram russes spécialisées dans le suivi de la répression des actions de protestation. A divers procès auxquels il participait par vidéo ces derniers mois, Alexeï Navalny, un grand blond au regard bleu perçant, apparaissait amaigri et vieilli mais toujours combatif.

Empoisonné en 2020

Selon la politologue russe Tatiana Stanovaïa, la menace qui pesait sur la vie d’Alexeï Navalny était « évidente » depuis son retour en Russie début 2021, sa santé étant minée par des problèmes liés à une grève de la faim en 2021 et à l’empoisonnement dont il avait été victime en 2020 et auquel il avait miraculeusement survécu. « La question est maintenant de savoir si les autorités vont aller trop loin dans la répression. Si elles agissent par peur et commencent à réprimer durement, elles porteront atteinte à la stabilité et à la solidité du régime« , dit-elle à l’AFP.

Dans un film qui lui était consacré sorti en 2022, M. Navalny avait laissé un « testament » aux Russes dans l’éventualité de sa mort, y lançant : « ne vous laissez pas faire ! ». Les dirigeants occidentaux ont dénoncé la responsabilité du pouvoir russe dans sa mort, suscitant la colère du Kremlin.

« La Russie est responsable« , a ainsi martelé le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken. Le Français Emmanuel Macron a accusé Moscou de « condamner à mort » les « esprits libres« . L’ONU a réclamé la « fin des persécutions » en Russie.

« Il est évident pour moi que (Alexeï Navalny) a été tué comme des milliers d’autres qui ont été torturés à mort à cause d’une seule personne, Poutine« , a lâché le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Des accusations occidentales « absolument inacceptables« , a réagi le Kremlin.

A Moscou, des jeunes interrogés par l’AFP était atterrés. Valeria, une guide touristique de 28 ans, estime qu’Alexeï Navalny était « un symbole de l’espoir d’un avenir meilleur« . « J’ai l’impression qu’avec sa mort, cet espoir meurt aussi« .

Dernières news

Activer le son Couper le son