Tehani Robinson, faire voyager la culture polynésienne

Femmes de Polynésie présente à nouveau Tehani Robinson, une artiste polynésienne internationale à l’imagination intarissable. Dans la douceur de l’après-midi rafraichi par l’arrivée du hupe1elle nous conte son aventure en tant que créatrice du projet Aito Hine2.

Depuis quelque temps déjà, mûrit en elle l’idée de créer un film qui parlerait de danse et des femmes polynésiennes. Au cours d’un workshop3 en 2019, Tehani croise la route de Krysten Resnick, une réalisatrice londonienne et fondatrice de l’école de danse London School of Hula and ‘Ori. Leur rencontre donne à la jeune femme la volonté de démarrer ce projet ambitieux.

« Je voulais cumuler tout ça : mon amour pour le fenua, pour le ΄ori tahiti et pour toutes les femmes fortes qui nous entourent. »

Krysten Resnick sur le tournage de Aito Hine

Par la suite, elle est mise en contact avec le studio de production Lucid Dream, ainsi que Selelina Pakaina, qui devient sa coproductrice. Tehani commence à recruter les danseuses qui incarneront les guerrières polynésiennes au centre de l’intrigue.

« Quand on entend le mot ΄aito, on pense beaucoup aux hommes. Aito Hine, c’était une manière de se réapproprier ce terme, parce qu’il a existé des femmes guerrières et qu’on a toutes ce côté-là en nous. » 

Réelle ode aux femmes, Aito Hine les place intentionnellement au cœur de son message. À travers cette œuvre, Tehani espère offrir une représentation forte de celles qui peuplent la terre de nos ancêtres, mais aussi porter un message universel sur l’importance des femmes à travers les temps et les sociétés.

« Je voulais parler de toutes les femmes, au sens large. Cette puissance, ce mana. J’ai toujours été entourée de femmes et je voulais leur rendre hommage. »

Tant dans l’histoire que dans sa mise en forme, le film célèbre les femmes en tout genre.

« Toutes les cheffes de poste étaient des femmes. On les met donc à l’honneur devant et derrière la caméra. Évidemment, il y avait des hommes dans notre équipe, tout le monde était important. Aito Hine n’aurait pas vu le jour sans toutes ces personnes. Ça s’est fait grâce à une équipe incroyable qui a cru au projet et qui a donné de son temps pour le réaliser. »

De ses longs doigts, Tehani écarte une feuille qui lui chatouille le visage. Elle nous confie :

« Ce que j’ai préféré, ce sont les journées de tournage. Je n’oublierai jamais quand on est allés dans cette forêt de māpeà la presqu’île, c’est comme si la nature nous accueillait. Il y avait quelque chose de mystique, presque spirituel. »

Le projet Aito Hine a réuni plus d’une centaine de personnes afin de voir le jour, une épreuve qui n’était pas des plus aisées.

« Le plus gros challenge, ça a été de ramener 150 personnes au fin fond de la vallée de la Papeno΄o (rires). »

Puis, émue par cette évocation, la danseuse poursuit, nous laissant voyager à travers sa mémoire, où est gravé chaque moment de cette aventure.

« Tout était silencieux sur le plateau. D’un coup, les mamies se sont mises à chanter leur hīmene5. C’était irréel, j’en avais des frissons et les larmes aux yeux. Il y avait une dimension intergénérationnelle. On était connectés au monde présent mais lorsqu’elles ont commencé leur chant, c’est comme si elles nous reliaient au passé de la vallée. »

Après trois ans de travail acharné, le projet Aito Hine est enfin prêt à voir le jour. Et nous sommes impatient(e)s de le découvrir.

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1 Brise nocturne froide et humide qui descend des vallées vers la mer

2 Femme guerrière

3 Atelier collaboratif

5 Inocarpus, aussi appelé châtaigner tahitien. Présent de l’Indonésie à la Polynésie orientale, le māpē a été introduit lors des migrations polynésiennes. Il se rencontre fréquemment dans toutes les iles hautes à proximité de cours d’eau et dans les fonds de vallées.

6 Chant traditionnel

©Photos : Cartouche Louise-Michèle

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