C’est avec la pudeur d’une confession que Femmes de Polynésie vous présente Moea Paiman. Illustratrice, masseuse, thérapeute, la jeune artiste a l’esprit libre. Entre esquisse et découverte de l’autre, elle nous guide dans ses pérégrinations identitaires, qui la mèneront à Tahiti, terre de son enfance, pour construire un avenir qui lui ressemble.
UNE IDENTITÉ PARSEMÉE
Originaire de Nouvelle-Calédonie par son père, et de Polynésie par sa mère, Moea Paiman grandit entre le fenua māohi et la kanaky.
« Mon identité, c’est quelque chose avec laquelle j’ai bataillé pendant longtemps. Je me sens de partout, et je ne viens de nulle part. »

Des années durant, elle refuse de se définir. Aujourd’hui, c’est en adéquation avec ses ressentis et ses valeurs qu’elle détermine son identité.
« Je suis une femme cis, queer, engagée, et je suis une artiste. »
Loin d’être gravée dans le marbre, sa singularité s’exprime en perpétuelle évolution.
« J’aime bien laisser un caractère aléatoire à ce que je deviens. »
EN QUÊTE DE SOI
« Mon chemin artistique a commencé quand j’étais très jeune. J’écrivais beaucoup de poèmes. Je voulais que les gens qui me lisent ressentent les émotions qu’ils ne peuvent pas ressentir souvent. Mon sujet, c’est vraiment l’humain. »

Malgré cette fibre créative, Moea Paiman vogue entre passion et curiosité. Après son baccalauréat, elle devient libraire, à 17 ans.
« J’avais qu’une idée, c’était partir. À 18 ans, j’ai pris un avion pour la France. »
Envolée vers de nouveaux horizons, c’est en région parisienne qu’elle attérit. Là-bas, elle passe une formation de sophrologue1. Jeune praticienne, elle se refuse finalement à cette vocation. Plus tard, elle se forme au massage. Et enfin, le naturel revient au galop…
« J’ai pris un stylo, j’ai dessiné une chaussure et je me suis dit : wow, c’est pas si compliqué. Je suis devenue artiste par hasard. »
À l’aubre bout du monde, loin de ce qu’elle a toujours connu, Moea est libre de devenir ce qu’elle désire.

« Pour moi, les îles, c’était la prison de ce que j’étais censée être. »
LA CRÉATION EN COMPERSION
Son art, Moea Paiman le décrit comme onirique, porté vers l’imaginaire, tout en tout en s’attachant à retranscrire la force du réel.
« Je cherche toujours à comprendre l’autre, et à me comprendre moi-même à travers l’autre. »

Profondément humaine, c’est au service d’autrui que se révèle sa créativité. De retour à Tahiti en 2024, elle réalise le potentiel de ses acquis.
« Je sais dessiner, je sais faire parler les gens et les écouter, comment est-ce que je peux lier tout ça ? »
MÊLER LE BIEN-ÊTRE AU SAVOIR-FAIRE
Moea se lance en auto-entreprise en tant que masseuse.
« Ça me permet d’être dans une position de thérapeute, mais dans le toucher. Cette proximité, elle me permet de me protéger des gens, afin qu’ils ne se déversent pas sur moi. »

Son diplôme de sophrologie dans une main, sa pratique artistique dans l’autre, elle propose des séances conceptuelles, alliant massage, discussions et portraits.
« Je voulais proposer quelque chose d’introspectif. Tu te pauses, tu es regardé, dessiné, tu es vu. C’est une expérience pour moi et pour l’autre. »

Les séances débutent par une esquisse de portrait. Puis, la personne se fait masser pendant une heure. En détente, le tableau peut reprendre, de manière plus personnelle. Moea se plaît à découvrir qui elle a en face d’elle, à offrir un peu d’elle également, tout en confiance et en pudicité.
« C’est hyper intime, mais en même temps très distant. »

Ces instants sont autant thérapeutiques pour la personne qui y participe que pour la praticienne.
« Les gens se livrent vraiment beaucoup. Créer un espace où la personne peut être libre d’être elle-même, je trouve ça beau. »
CULTIVER LA LIBERTÉ D’ÊTRE SOI
De retour sur la terre de son enfance, Moea Paiman se découvre de nouvelles facettes d’elle-même, qu’elle apprend à chérir.
« C’est vraiment beau ce que je vis depuis un an. On m’a offert une place que j’avais déjà et que j’ai pu cultiver. C’est un point d’ancrage dans cette vie que j’ai envie de créer. J’ai toujours du mal à savoir ce que je suis vraiment, mais je sais que je viens d’ici. »

Et dans ce flot de passions diverses et variées qui nous amènent constamment à célébrer qui nous sommes individuellement et collectivement, Moea nous invite à jeter un coup d’œil en arrière…
« Je me demande souvent si mon moi enfant serait fière, car je crois qu’il faut honorer l’enfant qu’on a été. »
…Pour enfin aller de l’avant.
« Il faut toujours se battre pour être soi-même. Dans tout ce que je fais, il y a cette revendication. »
1 Le sophrologue procède dans le cadre de séances (collectives ou individuelles) au cours desquelles il utilise différentes techniques pour harmoniser le corps et l’esprit : stimulation du corps, exercices respiratoires ou de relaxation, méditation, travail sur le mental, etc…
©Photos : Cartouche Louise-Michèle et Moea Paiman pour Femmes de Polynésie