René Bidal , vous vous êtes exprimé sur les personnes fichées S dans un communiqué: combien sont-elles et se situent-elles toutes actuellement à Nuutania?
Elles sont trois à ma demande. Après les attentats de Nice, j’étais allé visiter les services de sécurité de l’aéroport. J’avais dit qu’il n’y avait pas de fichés S pour phénomène ou parcours de radicalisation en Polynésie française… mais depuis, on a eu dans la prison de Nuutania des propos un peu prosélytes, revendiquant un islam politique. Ce qui est important en matière de radicalisation,même si c’est toujours difficile de définir la radicalisation : c’est d’interpréter les signaux faibles pour éviter que les parcours de radicalisation ne se transforment en intentions terroristes. On en est là aujourd’hui.
La Polynésie française est un territoire épargné par rapport aux phénomènes dramatiques que rencontrent les territoires métropolitains en ce moment. Pour autant, il faut rester très vigilant sur ces signaux faibles, et c’est pourquoi, lorsque des gens revendiquent leur attachement à Daesh, lorsque des gens crient « Allah akbar » dans les locaux pénitentiaires, il faut être vigilant par rapport à ces signes là, et accompagner la volonté des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire en ayant une surveillance particulière.
La surveillance particulière, lorsqu’on est incarcéré, elle est opérée tous les jours par les personnels pénitentiaires. L’intérêt de la fiche S, c’est lorsqu’ils seront libérés, d’avoir un suivi un peu plus individualisé par les services de sécurité. Je vous confirme en effet que s’agissant de ces atteintes à la sûreté d’Etat potentielle – parce-qu’évidemment, la radicalisation est un parcours qui est très long, et qui peut aller de la détermination terroriste précise, aux premiers signes d’une adhésion à un islam politique… – entre les deux, il y a tout un cheminement. La fiche S ne caractérise pas un moment précis de ce cheminement. Simplement, s’agissant des trois personnes concernées, c’est avant tout un sujet de prévention, et c’est pourquoi les services spécialisés qui ont demandé l’inscription de ces trois personnes sur le fichier S concernant la radicalisation à l’islam politique ont en effet été suivis. On m’a fait connaître que ces trois fiches S allaient être décidées pour ces trois personnes.
Allez-vous demander l’extension de l’Etat d’urgence à la Polynésie ?
Lorsqu’on a dit ça: on a tout dit. Ce n’est pas parce-qu’on a des fiches S que l’on est tombés dans un vecteur de menace directe et très imminente. Loin de là!
Pas tous, mais il peut y avoir un prosélytisme. C’est un des sujets qui fait que l’administration pénitentiaire a été vigilante sur ces trois cas : comme vous le savez, Nuutania n’est pas un espace où l’on peut isoler les détenus, et cette densité carcérale est une difficulté supplémentaire. Lorsque vous avez un prosélytisme en faveur de Daesh, ou que vous avez des gens qui crient, par goût de la provocation sans doute, « Allah akbar » de temps en temps, l’isolement est un peu compliqué. Alors le fait de bien sérier ces trois personnes est important y compris en milieu pénitentiaire. Après, les mouvements qui se passent entre les centres pénitentiaires de la métropole et de la Polynésie ne sont pas forcément complètement liés. C’est le cas pour l’un des trois individus, mais pas pour les deux autres. Les deux autres avaient déjà manifesté, à la prison de Nuutania, quelques velléités sur la revendication d’un islam politique. A l’heure actuelle, ce sont des signes faibles. Et le fait d’avoir trois fiches S ne caractérise pas du tout ce que l’on sait du territoire en matière de terrorisme.
Faut-il arrêter d’envoyer des détenus polynésiens en détention en métropole, par mesure de prévention?
Je crois que l’on ne va pas tirer des généralités de faits particuliers! Fort heureusement : on peut aujourd’hui être dans les prisons françaises et ne pas se radicaliser! Dans les centres de détention métropolitains, les détenus ne sont pas, loin s’en faut, tous radicalisés. Et surtout, dans les centres pénitentiaires métropolitains, dans la plupart des cas – notamment pour les peines longues – l’isolement est tout à fait possible. On peut également, la plupart du temps, isoler les gens qui rentrent dans un discours et une posture radicalisée.
L’interview de René Bidal sur les fichés S