Alors que la course aux métaux des grands fonds marins du Pacifique s’intensifie, et à quelques heures de l’ouverture de la Conférence des nations Unies sur l’océan à Nice, Moetai Brotherson et son homologue des Palaos Surangel Whipps Jr. ont signé ce jeudi une tribune dans la revue Nature, renouvelant leur opposition à l’exploitation minière, en l’absence de connaissances établies sur les risques qu’elle implique. Une position prise de longue date et répétée par le président du Pays, qui s’était entretenu sur le sujet avec le Guardian, début avril.
Lire aussi – « Nous jouons aux dieux avec le berceau de la vie » : Brotherson contre l’exploitation des grands fonds
« En tant que dirigeants de deux nations insulaires du Pacifique (…) nous portons une responsabilité profonde : celle de contribuer à la protection de cet océan (…). Bien plus qu’une ressource et qu’une composante essentielle de la planète, l’océan est intimement lié à l’identité spirituelle et au patrimoine culturel de nos communautés. Il est le berceau de la vie, et mérite respect et protection. Ce lien sacré, entre autres, nous oblige, en tant que gardiens collectifs, à nous opposer à l’intérêt mondial croissant pour l’exploitation minière des fonds marins. » , écrivent les deux présidents.
Ils soulignent que les technologies proposées pour extraire les métaux des grands fonds marins (notamment les nodules polymétalliques riches en cobalt, nickel et manganèse) n’ont pas prouvé qu’elles n’entraîneraient pas lesdits dommages. En outre, ils rappellent qu’il n’existe pas de données scientifiques suffisantes pour garantir une exploitation durable des abysses. « La santé des océans et la protection du climat doivent primer sur l’extraction risquée à court terme » , écrivent-ils.
– PUBLICITE –
Surtout, ils s’alarment de l’impact social potentiel d’une telle industrie, qui ne profiterait selon eux que marginalement aux populations locales, tandis que les répercussions, elles, seront subies de plein fouet par les îles et leurs écosystèmes. « La nature capitalistique de l’exploitation minière en haute mer nécessite de petites équipes spécialisées, ce qui limite les opportunités d’emploi local en raison du manque d’expertise pertinente dans les nations insulaires du Pacifique. Des programmes de formation, comme ceux proposés par les Îles Cook, pourraient s’avérer moins efficaces en matière de création d’emplois que des investissements dans d’autres secteurs, tels que le tourisme côtier ou la pêche, qui reposent davantage sur les compétences locales et emploient plus de personnes par dollar investi » , ajoutent-ils, citant l’exemple de la Papouasie Nouvelle-Guinée en 2019. Celle-ci, disent -ils, a perdu « la totalité de son investissement de 120 millions de dollars américains destiné à acquérir une participation de 15 % dans un projet d’exploitation minière en haute mer, Solwara 1, lorsque l’entreprise canadienne à l’origine du projet, Nautilus Minerals, a fait faillite. La dette qui en a résulté représentait environ 10 % du déficit budgétaire du pays » .
« Inacceptable »
Les présidents insulaires relient leur position à l’urgence climatique, soulignant que leurs pays subissent déjà les effets destructeurs du changement global. À Palaos, le typhon Haiyan a dévasté des infrastructures vitale. Au fenua, Moetai Brotherson s’inquiète de la montée des eaux et l’acidification des océans menaçant les littoraux, les récifs et les stocks halieutiques. « Les panaches de sédiments générés par les opérations minières suscitent de vives inquiétudes (…). Ils peuvent traverser les juridictions nationales et réduire les prises ou contaminer les produits de la mer, affectant potentiellement des zones de pêche cruciales pour les communautés côtières et menaçant la sécurité alimentaire. Les écosystèmes pélagiques, essentiels pour les espèces migratrices comme le thon et les baleines, le plancton et l’ensemble de la chaîne alimentaire marine, seraient également en danger » .
« Toute activité, telle que l’exploitation minière en haute mer, qui déstabilise davantage le système climatique est donc inacceptable » , lancent les co-signataire. Ils appellent, en outre, à renforcer la coopération internationale pour protéger le patrimoine marin du Pacifique. « Nous exhortons les nations du Pacifique et la communauté scientifique internationale à soutenir des économies océaniques durables, l’innovation, l’intégrité culturelle et une gestion mondiale responsable pour les générations futures » , écrivent-ils.