TNTV : Vous l’avez vu dans le reportage précédent. Une marche contre la maltraitance animale a réuni environ 500 personnes, ce samedi. Les violences sur les animaux ou sur autrui font elles appel au même mécanisme ?
Gwenola Joly-Coz : « Cette manifestation montre que les Polynésiens et les Polynésiennes sont mobilisés contre toute forme de violence qui se déploie dans les foyers ».
TNTV : Vous donnerez ce lundi une conférence à l’Université de la Polynésie française sur le traitement judiciaire des violences faites aux femmes. Pourquoi cette conférence ?
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Gwenola Joly-Coz : « La Cour d’appel de Papeete et le Barreau ont souhaité mettre en place cette conférence sur la lutte contre les violences faites aux femmes, car il est vrai que ce sujet est fondamental partout dans le monde, mais aussi en Polynésie française. Il faut dire aussi que c’était l’occasion du passage sur le territoire de Me Guillaume Barbe, qui est un avocat spécialisé dans la question de la lutte contre les violences faites aux femmes et qui a été désigné par la France comme étant en charge d’évaluer les politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes partout en Europe. Donc, on a trouvé qu’une conférence à deux voix était une bonne idée ».
TNTV : Ce sera aussi l’occasion de mettre un nom sur des situations qui pourraient arriver dans la vie courante et qu’on n’identifie pas forcément. Je prends l’exemple du contrôle coercitif, dans la vie comment cela se manifeste ?
Gwenola Joly-Coz : « Parler maintenant de contrôle coercitif, c’est utile pour nous pour penser les violences faites aux femmes. Le contrôle coercitif, qu’est-ce que c’est ? C’est en fait un mécanisme de domination par le contrôle et la surveillance. Par exemple, surveiller les vêtements, les sorties, le travail, les amis, le lieu de vie. Globalement, avoir des micro-contrôles et des micro-régulations de la vie qui finalement pris isolément peuvent sembler anodins. Mais lorsqu’ils sont listés et mis en cohérence, on comprend que ce sont des outils au service de la domination des hommes sur les femmes ».
TNTV : A propos de ce contrôle coercitif, d’autres pays ont ouvert la voie. Ce type de violence est dans les discussions judiciaires depuis plusieurs mois en France. Où est-ce qu’on en est concrètement ?
Gwenola Joly-Coz : « J’ai rendu des arrêts qui ont fait jurisprudence le 31 janvier 2024 pour montrer que les magistrats français pouvaient s’emparer d’un concept psychosocial pour faire jurisprudence et pour faire avancer le contrôle et la surveillance de ces actions masculines sur les femmes. Le législateur a voulu s’en emparer, ça n’est pas encore achevé, mais c’est bien l’intention de la France de légiférer sur le contrôle coercitif ».
TNTV : D’autres sujets seront évoqués lundi, comme le sur-meurtre par exemple. De quoi s’agit-il ?
Gwenola Joly-Coz : « Le sur-meurtre, c’est l’idée que les cadavres de femmes ne sont pas les mêmes que les cadavres d’hommes. Parce qu’en réalité, lorsqu’un homme tue une femme, une sorte d’acharnement meurtrier fait que les coups portés seront multiples et qu’il y aura souvent deux modes opératoires ».
TNTV : Les mots sont importants. Les médias ont longtemps qualifié ces faits divers concernant les femmes de drames familiaux, mais ce sont des féminicides. Vous avez été la première à utiliser ce terme. Quels changements y a-t-il eu depuis dans le code pénal, s’il y en a eu ?
Gwenola Joly-Coz : « Il n’y a pas eu de changement dans le code pénal, mais il y a eu un changement sociétal majeur depuis que nous utilisons ce mot féminicide. Pourquoi ? Parce que féminicide, s’il n’est pas nécessaire judiciairement, est un mot qui a eu une force mobilisatrice incroyable dans la société. Ce mot a permis tout à coup de rendre une réalité visible. Ce sont bien des hommes qui tuent les femmes parce qu’elles sont des femmes et notamment parce qu’elles n’obéissent pas à ce qui leur est demandé par leurs compagnons. Donc féminicide est un mot très mobilisateur. C’est aussi un mot qui, en dehors du fait d’avoir un sens propre, a une sorte de direction. Il nous dit qu’il faut faire stopper ces violences ».
TNTV : La Polynésie détient un triste record national avec l’un des ratios les plus élevés de violences intrafamiliales. Les chiffres sont deux fois supérieurs à la moyenne nationale. Comment l’expliquer ?
Gwenola Joly-Coz : « Je crois surtout que nous avons besoin de travailler sur ces chiffres. Je crois que la Polynésie française a besoin de mieux connaître les réalités et c’est pour cela qu’avec la vice-présidente Madame Galenon, nous avons décidé ensemble de nous engager dans la création d’un Observatoire des violences faites aux femmes en Polynésie française afin précisément de fournir des chiffres. Nous sommes en train de fabriquer des chiffres inédits qui vont nous permettre de réfléchir ».
TNTV : Les chiffres jusqu’à présent n’étaient pas stabilisés…
Gwenola Joly-Coz : « En tout cas, ils n’étaient pas assez solides pour permettre d’avoir des analyses et donc il nous a semblé indispensable de travailler plus et mieux pour fournir désormais de nouvelles connaissances à la Polynésie et, notamment, je dois le dire, des chiffres judiciaires afin de mieux comprendre ce qui se passe dans les tribunaux en Polynésie ».
TNTV : Certains diront : ‘un outil de plus’. Que va-t-on en faire concrètement ?
Gwenola Joly-Coz : « Cela va servir à fournir des actions de politique publique. Nous ne pouvons pas mener de politique publique sans avoir de chiffres fiables, sans être solides dans nos connaissances avant de pouvoir avoir des analyses qui serviront ensuite à mener des politiques publiques ».
TNTV : Quelle est le calendrier dans ce travail ?
Gwenola Joly-Coz : « L’idée, pour nous, est de travailler sur une date symbolique, bien sûr le 25 novembre qui est la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Ainsi, nous souhaitons pour le 25 novembre 2025, en Polynésie française, pouvoir pour la première fois éditer un document qui sera une sorte de référence désormais en matière de chiffres sur les violences faites aux femmes en Polynésie ».