TNTV : La direction de l’environnement vient d’instaurer une nouvelle réglementions pour l’observation des baleines. Certains prestataires s’en plaignent, alors que parmi la population, d’autres estiment qu’elle ne va pas assez loin. Quel est votre avis ?
Agnès Benet : « C’est très bien qu’il y ait une réglementation parce que les baleines ont besoin d’être protégées, que ce soit ici ou ailleurs. Pourquoi elle divise ? Tout simplement parce que les objectifs de chacun ne sont pas les mêmes, les besoins ne sont pas les mêmes. Je pense que si on était au clair sur ce que l’on veut, si l’on veut un sanctuaire ou si l’on veut une zone d’activité, on n’aurait pas à se poser autant de questions. Depuis 2002, on est dans un sanctuaire. La base d’un sanctuaire (…), c’est quand même, qu’à un moment donné, les baleines soient au repos, qu’elles aient des moments de quiétude, c’est-à-dire sans activité humaine. C’est la définition d’un sanctuaire ».
TNTV : Le fait d’avoir instauré de nouveaux horaires, de 7h30 à 17H30, cela n’est pas suffisant selon vous ?
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Agnès Benet : « Déjà, ça met un cadre parce qu’on s’est aperçus, et on a eu des appels, notamment l’année dernière, qu’il y avait aussi des observations la nuit. Maintenant, il va falloir aussi faire respecter la réglementation, surtout. Les horaires correspondent plus ou moins aux horaires de travail des gens. Donc par rapport à l’activité professionnelle, ça ne changera pas grand-chose. Pour les baleines, du coup, non plus, puisqu’en fait, elles ne sont pas dérangées non plus le matin ni le soir ».
TNTV : Les distances d’observation ont été étendues à 300 mètres pour le public et 100 mètres pour les prestataires. Il y aura également moins de bateaux et de mises à l’eau. Cela suffit-il, selon vous ?
Agnès Benet : « Cela va être important, surtout sur les îles comme Moorea. Tahiti a été assez épargnée jusqu’à présent. C’est surtout à Moorea où il y a eu une explosion de l’activité depuis quelques années. Nous, on a sonné l’alarme depuis 2015. On alerte. Si on avait réglé ce problème en 2015, on n’aurait pas cette effervescence aujourd’hui. C’est toujours plus facile d’éviter un problème que de le régler… »
TNTV : Quand vous dites ‘régler le problème’, c’est finalement faire respecter cette réglementation. Il n’y a pas assez de contrôles sur l’eau…
Agnès Benet : « Voilà. Il faut des contrôles efficaces, neutres, avec vraiment une patrouille, surtout dans les zones sensibles. Quand je dis régler le problème, c’est éviter cette effervescence. Si on avait fait il y a 10 ou 15 ans ce que l’on fait aujourd’hui, les prestataires n’auraient pas autant investi, et ils ne se retrouveraient pas aussi bloqués économiquement parce que ce sont des investissements. Si ça avait été évité, ça aurait été beaucoup plus simple à gérer pour tout le monde. Donc maintenant, chacun doit faire un peu attention et prendre un peu son mal en patience, j’ai envie de dire ».
TNTV : Vous parliez tout à l’heure de Moorea, où l’activité est vraiment dense. Cette année, il y a eu 46 autorisations pour des prestataires. Pourquoi un tel chiffre ? Dans les autres pays d’outre-mer, il y a vraiment une réglementation beaucoup plus stricte à ce niveau-là…
Agnès Benet : « Tout à fait. La réglementation est beaucoup plus stricte, notamment chez nos voisins en Nouvelle-Calédonie, où la mise à l’eau est interdite depuis longtemps. L’observation des mamans accompagnées d’un baleineau est aussi interdite. On doit rester à 300 mètres. Le temps d’observation est limité à 20 minutes. On peut toujours se plaindre, mais ailleurs, la réglementation est beaucoup plus stricte et elle est respectée ».
TNTV : On n’ose pas franchir ce pas en Polynésie ?
Agnès Benet : « Je ne peux pas trop répondre à la place du Pays. Je veux vraiment préciser que la réglementation, elle est mise en place par le Pays. La gestion des espèces protégées, c’est de la compétence du Pays. Nous, en tant qu’association, on alerte, on est sur le terrain, on sensibilise, mais on ne peut pas gouverner, qu’on soit bien clair. En fait, aujourd’hui, ce que l’on peut faire, c’est encore sensibiliser, expliquer pourquoi, surtout, il faut respecter les baleines ».
TNTV : Les baleines longent principalement les récifs et un danger se dessine, selon vous : celui de la desserte maritime entre Taravao et Papeete. Les premières rotations auront lieu le 4 juin prochain.
Agnès Benet : « C’est un gros danger parce que tout le récif est la zone de nursery des baleines. C’est ici que les mamans viennent mettre bas et viennent se mettre à l’abri. Donc là, ça va dégommer, en fait, pour être clair. Si le bateau passe à cet endroit-là pendant la saison des baleines à plus de 30 nœuds, on va avoir des alertes de collision à chaque passage parce qu’il y a les baleines à cet endroit-là ».
TNTV : Il y a eu des échouages massifs de globicéphales aux Marquises. Une vingtaine de cétacés ont été retrouvés morts fin avril et plusieurs autres, début mai. Ces échouages seraient dus à la désorientation du chef du groupe. Comment cela peut-il arriver ?
Agnès Benet : « On aimerait bien comprendre. On s’est aperçu qu’il n’y avait pas eu de prélèvement ni d’autopsie. Sans analyse, c’est compliqué de lever les hypothèses. Elles sont assez nombreuses. Quand le chef, effectivement, est désorienté, tout le groupe suit. C’est pour ça que ce sont principalement des échouages massifs. Mais là, ce qui est inquiétant, c’est que ce sont des séries répétées au même endroit. Il y aurait moyen quand même de se poser la question : ‘pourquoi toujours au même endroit, depuis quelque temps, cette espèce-là s’échoue ?’ Est-ce qu’il y a des ondes ? Est-ce qu’il y a une perturbation, quelle qu’elle soit ? Est-ce qu’il y a une pollution particulière ? Là, il y a vraiment une question à se poser ».