Selon vous faire le ménage dans la sphère politique est indispensable. Pourquoi faut-il changer les choses ? Quelles sont vos motivations derrière cette proposition de résolution ?
Quand je me suis engagée c’était vraiment par conviction et j’ai toujours su que les élus devaient être représentatifs du peuple et j’ai vraiment l’impression qu’avec la nouvelle génération, il est impératif de prendre ce genre de mesure. Et ce, avec tout le respect pour ceux qui ont enchaîné quatre mandats. Je n’avais pas l’intention de les stigmatiser. Il faut instaurer ce renouvellement fréquent, c’est-à-dire deux fois un mandat de cinq ans pour continuer à être représentatif de notre société qui est en transformation perpétuelle. Je pense qu’avec le salaire qu’on a (558 000 francs par mois), le pouvoir peut monter à la tête et ça je vous le dis parce que je suis au cœur de tout ça.
L’objectif est de diminuer les risques liés à une vie politique trop longe, vous parlez de corruption, d’abus de pouvoir ou encore emplois fictifs. Ce sont des choses que vous constatez aujourd’hui au sein de l’hémicycle ?
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Moi je n’y suis que depuis 6 mois, donc non je n’ai pas encore vu ce genre de choses, mais on a tous vu en Polynésie sur les dernières décennies que pour beaucoup, le pouvoir est monté à la tête. On a souvent dit pendant le Covid avec l’épisode du mariage ou l’obligation vaccinale, qu’on a un gouvernement complètement déconnecté. Je pense que le fait de rester trop longtemps au pouvoir, ça peut arriver. C’est dans cette dynamique que s’inscrit ce texte et c’est d’ailleurs l’un des points qui a été mis en avant dans le programme du Tavini.
« Si j’avais demandé l’avis du parti (…) ce texte n’aurait jamais été étudiée en commission »
Cette proposition de résolution, vous le dite vous-même, vous l’avez écrite seule dans votre coin. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Ce n’était pas pour tourner le dos au parti, ni pour être irrespectueuse. Je vais être totalement franche avec vous : si j’avais demandé l’avis du parti je ne serais pas devant vous aujourd’hui et ce texte n’aurait jamais été étudié en commission. Je suis persuadée, je mets ma main à couper, qu’on ne m’aurait pas laissé faire si j’avais demandé un avis. Je m’excuse pour ceux qui prennent ça comme un geste irrespectueux, je suis quelqu’un de très respectueux. C’était un débat qu’il fallait avoir et aujourd’hui je dis à ceux qui n’ont pas apprécié ça que le débat est ouvert. Qu’on continue et qu’on travaille ensemble, qu’on en parle. Nous sommes 60% de nouveau élus, il est grand temps que ce texte voit le jour.
D’après nos informations, Oscar Temaru s’oppose à ce que votre texte passe en séance plénière à l’Assemblée. Avez-vous le sentiment de ne pas être soutenu par votre parti et craignez-vous d’être censuré ?
J’avais eu des consignes pour retirer ce texte, et avec de bons arguments, comme le fait d’en parler en majorité ou de demander l’avis du congrès et du Tavini. Mais moi je dis que rien ne nous empêche de demander l’avis du congrès et du parti ce week-end ou la semaine prochaine. En attendant, le débat est ouvert, pas seulement à la majorité, à tout l’hémicycle. Je n’ai pas été un bon soldat, ça c’est clair, mais ma démarche est bienveillante.
« Mes soutiens à l’assemblée se comptent sur les doigts d’une main »
Au niveau du soutien qui émane du parti, vous notez une réelle différence entre celui qui émane du gouvernement et celui qui émane de l’assemblée ?
Mes soutiens à l’assemblée se comptent sur les doigts d’une main. J’ai beaucoup de félicitations en revanche du gouvernement, et de bienveillance de la part du président en personne. Et ça fait du bien d’être encouragé, parce que ce n’est pas un métier facile. On vous met en permanence des bâtons dans les roues et il faut avoir les reins solides. Je remercie tous les ministres qui m’apportent leur soutien.
La situation fait état, une fois de plus, des divergences au sein du Tavini. De l’extérieur, on a l’impression que les divisions s’intensifient au cours des semaines. Mais d’un autre côté, on nous dit que tout va bien. Quelle est réellement la situation en interne ?
Je ne suis pas du tout bien vue par une grande partie des élus de l’assemblée. Je suis respectueuse, mais il y a beaucoup de gens qui ne me respecte pas du tout et c’est pas faute d’avoir essayer d’alerter les dirigeants.
Vous êtes inquiète pour l’avenir ?
Je me suis recentrée sur mes convictions, je reste une fervente indépendantiste, mais je reste un peu plus dans ma bulle, parce que j’ai été pas mal maltraitée depuis le début de ce mandat. On me met des bâtons dans les roues.
Si cette proposition parvient jusqu’à une séance plénière et qu’elle est adoptée. Avons-nous réellement les capacités en Polynésie de renouveler la sphère politique tous les 10 ans ?
Ah oui ! Il y avait énormément de candidatures au niveau du Tavini. On a ce vivier de jeunes, encore faut-il leur laisser la place. Et c’est pour ça que ce texte a vocation à s’engager dans une idée dès qu’on rentre on doit déjà préparer la relève et non préparer son siège pour y faire carrière.
Il y a un autre sujet, dans un tout autre registre, que j’aimerais aborder avec vous ce soir. C’est New York. Vous avez été sélectionnée pour recevoir à la fin du mois un prix pour votre combat contre le nucléaire. Votre militantisme a fait écho au niveau international… Qu’est-ce que ce prix représente pour vous ?
C’est une grande consécration et pas que pour moi, pour toute la Polynésie. Ça va mettre en lumière le fait que nous avons été des souris de laboratoires pour la France. C’est très fort pour moi, je remercie infiniment ceux qui m’ont permis d’obtenir ce prix. Et je suis fière parce que la voix de la Polynésie a été portée à l’internationale.