La Nouvelle-Calédonie choisit une nouvelle fois la France, mais le oui à l’indépendance progresse

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La Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique de 270 000 habitants dans le Pacifique-sud, a choisi une nouvelle fois de rester dans le giron français dimanche, malgré une progression du vote pour l'indépendance, lors d'un deuxième référendum d'autodétermination marqué par une mobilisation sans précédent.

Publié le 04/10/2020 à 7:28 - Mise à jour le 04/10/2020 à 17:59

La Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique de 270 000 habitants dans le Pacifique-sud, a choisi une nouvelle fois de rester dans le giron français dimanche, malgré une progression du vote pour l'indépendance, lors d'un deuxième référendum d'autodétermination marqué par une mobilisation sans précédent.

Emmanuel Macron a dit accueillir le résultat « avec un profond sentiment de reconnaissance » et d' »humilité » lors d’une allocution solennelle depuis l’Élysée.

Le non à l’indépendance est arrivée en tête avec 53,26 % des voix, mais perd plus de trois points par rapport au premier référendum du 4 novembre 2018, où les pro-France l’avaient emporté avec 56,7% des voix, un résultat qui était à l’époque considéré comme plus serré qu’anticipé.

Ces résultats confortent les indépendantistes, et leur font espérer une victoire lors d’un troisième référendum, qui en vertu de l’accord de Nouméa, peut être organisé d’ici 2022.

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Malgré le souhait des non-indépendantistes de ne pas s’engager dans une nouvelle consultation, synonyme de « fracture de la société », selon le député Philippe Dunoyer (Calédonie Ensemble, centre droit), Roch Wamytan, le président du Congrès (Union calédonienne-FLNKS) l’a assuré : « nous irons à ce troisième référendum »

Car « si ce n’est pas aujourd’hui (que l’indépendance l’emporte, ndlr), ce sera au troisième référendum », a assuré Pascal Sawa, maire (UC-FLNKS) de Houaïlou (cote est).

La tendance ce soir « met en évidence à nouveau le clivage profond qui sépare la société calédonienne sur cette question fondamentale de l’indépendance », a déclaré le président du gouvernement, Thierry Santa (droite, loyaliste).

Un taux de participation historique

Dans ce territoire à 18 000 km de Paris, qui représente l’un des derniers bastions de souveraineté européenne dans la zone après le Brexit, le scrutin a été marqué par un taux de participation historique de 85,64%, largement supérieur à celui du premier scrutin (81%).

Pour la présidente de la province sud Sonia Backès (loyaliste), cela prouve que chaque camp a atteint un « plafond de verre ». 

« Les résultats sont assez surprenants, avec des chiffres qui attestent d’une vraie progression du camp du oui, en hausse dans toutes les communes », nuance le docteur en géopolitique, Pierre-Christophe Pantz. « Les indépendantistes ont transformé l’essai. Ça vient contrebalancer les analyses qui disaient que tout était gelé ».

Dans la capitale Nouméa, fief loyaliste, le oui a ainsi augmenté de près de 4 points, pour atteindre 23,31%. 

Près de 180 598 électeurs de cet archipel français, colonisé en 1853 et disposant d’importantes réserves de nickel, étaient invités à répondre à la question : « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».

Dans les rues de Nouméa et les quartiers populaires à majorité kanak, les indépendantistes ont défilé toute la journée et la soirée avec drapeaux et concerts de klaxons. Après les résultats, ils sont partis en cortège faire un ultime pied de nez aux loyalistes. 

L’ambiance était plus calme du côté des partisans de la France, mais Gil Brial, directeur de campagne, a dénoncé des « pressions » des indépendantistes, devant les bureaux de vote, pour « empêcher de voter ».

Dans un bureau du quartier populaire kanak de Montravel, au nord de Nouméa, Chanié, en robe orange et coiffe en feuille de maïs, a fait le choix du oui, « parce que je veux que ceux qui vont diriger notre pays, ce soient nos enfants, et plus la France ».

Tous les habitants du Caillou n’ont pas pu s’exprime r: le corps électoral est conditionné à plusieurs critères, comme justifier d’une résidence continue en Nouvelle-Calédonie depuis au moins le 31 décembre 1994, être natif de l’archipel ou relever du statut civil coutumier kanak.

Une consultation sans mesures barrières ni masques

Christophe, 57 ans, dont parents et grands-parents sont nés sur le Caillou, a choisi la France, estimant que « la Nouvelle-Calédonie n’était pas prête à être indépendante financièrement ».    

La consultation s’est déroulée sans mesures barrières ni masques, puisque l’archipel est exempt de Covid-19, grâce à une réduction drastique des vols internationaux et une quarantaine obligatoire pour tout arrivant.

Ce référendum, comme le premier, s’inscrit dans un processus de décolonisation entamé en 1988 par les accords de Matignon, signés après plusieurs années de quasi guerre civile entre Kanaks, peuple premier, et Caldoches, d’origine européenne, qui avaient culminé avec la prise d’otages et l’assaut de la grotte d’Ouvéa en mai 1988 (25 morts). 

Ces accords, consolidés en 1998 par l’accord de Nouméa, ont institué un rééquilibrage économique et géographique en faveur des Kanaks et un partage du pouvoir politique, même si les inégalités sociales restent importantes.

« Nous savons aujourd’hui que nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons devant nous deux années pour dialoguer et imaginer l’avenir et pas seulement l’avenir institutionnel », a souligné Emmanuel Macron, alors que le Premier ministre Jean Castex doit rapidement réunir tous les acteurs politiques calédoniens pour évoquer la suite.

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