La filière porcine saignée par la hausse des prix

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Acculés par la flambée des prix et la concurrence, les éleveurs de porcs tirent encore la sonnette d’alarme. Et cette fois-ci pour se faire entendre, ils ont décidé de ne plus livrer leurs bêtes à l’abattoir de Papara pendant une semaine. Une décision exceptionnelle pour contraindre le Pays à revaloriser de 15% le prix de vente au kilo de leurs bêtes.

Publié le 25/04/2022 à 17:14 - Mise à jour le 27/04/2022 à 14:45

Acculés par la flambée des prix et la concurrence, les éleveurs de porcs tirent encore la sonnette d’alarme. Et cette fois-ci pour se faire entendre, ils ont décidé de ne plus livrer leurs bêtes à l’abattoir de Papara pendant une semaine. Une décision exceptionnelle pour contraindre le Pays à revaloriser de 15% le prix de vente au kilo de leurs bêtes.

Rarement l’abattoir de Papara aura connu une telle quiétude. Pas une bête dans les enclos ni de livraison. La cause ? Les éleveurs de la filière porcine ont décidé de ne pas livrer leur bête cette semaine pour crier leur désespoir face à l’augmentation de leurs charges.

Eric Coppenrath est éleveur et vice-président du syndicat des éleveurs de porcs. Il explique : « On a déjà eu une aide du Pays de 5% sur la production mais ce n’est pas suffisant. (…) Depuis la dernière augmentation du prix du porc en 2013, c’est-à-dire il y a presque 10 ans maintenant, on n’a pas eu de revalorisation du prix du porc et nos charges en aliments ont augmenté de 45 à 60%. (…) Cette semaine on a pris la décision de suspendre l’envoi des porcs à l’abattoir mais c’est à contrecœur (…) C’est vraiment un cri d’alarme au gouvernement pour qu’il agisse. »

Asphyxié par le coût de l’alimentation porcine et du transport, la dizaine d’éleveurs présents perdent jusqu’à 1,5 million par mois. « Je m’endette tous les mois de 1.5 million. Donc là on ne peut plus. On a maintenu les emplois salariés qu’on a dans nos exploitations mais là il faut que le ministre de l’Economie et des Affaires économiques prenne une décision cette semaine. (…) C’est toute une filière. Il y a l’abattoir de Papara qui compte une trentaine d’employés. Il y a les deux bouchers charcutiers et les grosses unités de transformation qui représentent beaucoup de personnel. Et même au niveau des particuliers, il y en a beaucoup qui vivent de la transformation de la viande locale. »

Crédit : Nicolas Perez / Tahiti Nui Télévision

Une filière en péril qui arrive tout juste à couvrir 20% de la demande locale et qui doit faire face à une concurrence internationale jugée déloyale : « On doit se développer mais si on n’a pas de trésorerie, on ne peut pas. (…) Ça fait plusieurs semaines que je ne dors pas la nuit parce que j’ai des charges qui augmentent, je m’endette auprès des fournisseurs et on en vient à se poser des questions : revendre notre activité, cesser complètement ou diminuer à plus de 50%. »

Ainsi les éleveurs attendent toujours du Pays une revalorisation de 15% du prix de revente au kilo et jusqu’à 30% pour les porcelets : « On rencontrait des soucis déjà depuis des années. (…) On n’a pas eu d’aides. Même pendant le confinement, on n’a pas eu les aides que les autres ont eues. (…) On est oubliés, estime Yohan Douet éleveur de Papara. C’est pour ça qu’aujourd’hui on tire la sonnette d’alarme. »

Une crise qui démontre à nouveau les difficultés du Pays à porter ses ambitions d’autonomie alimentaire. En rupture d’approvisionnement Remi-Célestin Begon, Directeur de l’abattoir de Papara soutient pleinement cette action : « Ça devient inquiétant parce que les éleveurs gagnaient un peu d’argent à une époque. Mais aujourd’hui, ils en sont de leur poche à payer pour continuer d’exister, pour continuer de produire, alimenter l’abattoir et que nous nous continuons à alimenter les chaines alimentaires comme Charcuterie, Salaison de Tahiti. Et ça, c’est un message qui pour moi est important à faire passer. (…) Il faut qu’on soit autonomes. On est loin de tout. (…) Il est sérieux à réfléchir sur ce point.(…) j’entends les gens dire on doit faire du ma’a local. c’est vrai. mais est-ce qu’on pourra tout produire ? Je ne suis pas sûr. Est-ce qu’aujourd’hui on peut tout produire ? Non. Quelles solutions à court terme, maintenant, on doit avoir, pour pouvoir aller vers cette direction ? On doit financer, on doit aider, structurer en fin de compte le ma’a importé en terme de coût et réguler celui-ci et le maintenir au minimum sur l’année pour pouvoir en fin de compte soutenir les éleveurs et avoir une proportionnelle. « 

Contacté par notre rédaction, le ministère de l’Economie nous assure suivre le dossier de très près et donnera prochainement des réponses aux éleveurs. Reste à savoir si elles iront dans le bon sens.

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