Institut du cancer de Polynésie française : quid du financement de L’Etat ?

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L'Etat va-t-il vraiment financer l'Institut du cancer de Polynésie française ? C'est la question posée par l'élue Tavini, Eliane Tehavitua, au président du Pays, Edouard Fritch. Dans sa réponse, l'intéressé précise le motif du "refus" de l'Etat pour financer la construction du bâtiment et le matériel du laboratoire d’anatomo-cytopathologie. De son côté le haut-commissaire dément un refus de financer alors que les discussions sont en cours. Il rappelle par ailleurs : "il n'a jamais été question de financer les murs".

Publié le 07/03/2023 à 12:00 - Mise à jour le 08/03/2023 à 17:10

L'Etat va-t-il vraiment financer l'Institut du cancer de Polynésie française ? C'est la question posée par l'élue Tavini, Eliane Tehavitua, au président du Pays, Edouard Fritch. Dans sa réponse, l'intéressé précise le motif du "refus" de l'Etat pour financer la construction du bâtiment et le matériel du laboratoire d’anatomo-cytopathologie. De son côté le haut-commissaire dément un refus de financer alors que les discussions sont en cours. Il rappelle par ailleurs : "il n'a jamais été question de financer les murs".

« Nous allons bâtir un partenariat nouveau en matière d’oncologie qui permettra avec le Centre hospitalier de Bordeaux, Unicancer, l’INCa, de développer un pôle de cancérologie sur les cancers nouveaux. Pas forcément un lieu unique d’ailleurs, mais qui permettra avec de l’hospitalisation à domicile, peut-être des multisites, de répondre aux besoins de la population, et de pouvoir mieux prévenir, mieux diagnostiquer et mieux traiter les cancers. Je m’y engage ». La déclaration d’Emmanuel Macron le 27 juillet 2021 à la présidence avait été accueillie par un tonnerre d’applaudissement.

Un an et demi plus tard, l’élue Tavini à l’assemblée s’étonne de ne pas voir la participation de l’Etat au financement de l’Institut du cancer de Polynésie française. Soit 385 millions en fonctionnement, 235 millions d’investissement pour les études et la construction de l’ICPF et 60 millions pour l’acquisition de matériels spécifiques au laboratoire d’anatomo-cytopathologie. Des montants adoptés sur le budget 2023 du Pays.

« Qu’en est-il de la participation financière de l’État français, qui faut-il le rappeler par la voix de son Président en exercice a une dette inaliénable à l’égard de la Polynésie et des Polynésiens atteints de cancers radio-induits ? » interroge l’élue Tavini dans une question écrite au président de la Polynésie française. Celle-ci rappelle au passage que « l’argent des contribuables polynésiens sont d’ailleurs mis à contribution pour assurer le fonctionnement de cet établissement public », opérationnel depuis l’année dernière. Lors de la commission de l’économie fin novembre à l’assemblée, Eliane Tevahitua, s’était déjà inquiétée du financement du projet.  

La réponse du président Fritch est sans appel. « Par courrier du 1er décembre 2022, le haut-commissaire de la République m’a fait part du refus de l’Etat de financer tout projet de soins en oncologie porté par l’institut du cancer de la Polynésie française » note le président. Pas de financement donc au moins pour les coûts d’études et le matériel spécifique du futur labo.

Les recommandations du rapport de l’INCa

Mais le président gouvernement révèle surtout que ce sont les recommandations du rapport de l’INca (Institut National du Cancer) diffusé en novembre 2022 qui a changé la donne et motivé ce refus. Un rapport « qui remet en cause le projet porté par le Pays d’organiser l’offre de soins ambulatoires de la filière oncologie à l’ICPF, plutôt qu’au CHPF. »

L’INCa avait effectivement souligné que « les missions de l’ICPF devraient en effet davantage se concentrer et être priorisées vers la prévention, la coordination et l ’observation sans intégrer une activité de soins qui présenterait le risque de fragiliser le CHPF et d’engendrer des prises en charge défaillantes de patients ».

Des arguments qui ne sont « pas recevables » pour le président du Pays, « puisque l’ICPF priorise d’ores et déjà la mise en place de ces missions ». Il rappelle également que « le CHPF a de trop nombreux défis à relever à la fois financiers et organisationnels et doit se concentre sur ses missions premières : Médecine-Chirurgie-Obstétrique (MCO) ».

Un dialogue « très limité » avec l’INCa

Édouard Fritch souligne que la création de l’ICPF avec des activités de soins ambulatoires, « c’est dédier une structure agile et à taille humaine pour donner sa place à l’oncologie ». Un projet qui a également vocation à rendre la Polynésie « plus attractive pour les oncologues et permettrait de stabiliser les équipes de soin (passage de 17 médecins sur 3 ans) grâce à la mise en place de la Recherche Clinique et de conditions de travail améliorées. »

Si le haut-commissaire encourage le Pays à poursuivre le dialogue avec l’Inca, celui-ci a été « très limité » ces dernières années selon le président du Pays, citant ainsi les nombreux courriers restés sans réponse de la part de l’Inca. « Le dialogue avec l’INCa n’a toujours pas pu se mettre en place de manière constructive et aucun financement n’est prévu pour accompagner l’Institut du Cancer de Polynésie française dans ses missions de soins » résume Edouard Fritch.

Il rapporte enfin que malgré l’absence de financement de ces projets au contrat de développement et de transformation, « l’Etat continue d’accompagner le Pays en matière d’oncologie, notamment l’ICPF mais uniquement sur le périmètre validé par l’INCA, et le CHPF pour les soins ».

Eric Spitz, haut-commissaire : « Il n’a jamais été question de financer les murs »

De son côté, le haut-commissaire Eric Spitz, fait d’abord remarquer qu’ « il n’a jamais été question de financer les murs« . Par ailleurs, il rappelle que l’institut a vocation à « faire de la prévention primaire, secondaire et tenir le registre des cancers qui doit être sa mission prioritaire ». Le représentant de l’Etat a d’ailleurs précisé l’annonce d’Emmanuel Macron. « Le président de la République avait annoncé une mission de l’Inca, et qu’ensuite on suivrait ces préconisations. Cette mission à eu lieu, le rapport a été rendu. Nous souhaitons bien évidemment améliorer l’offre de soin au sein du CHPF et que l’ICPF se concentre sur la coordination, la prévention et la tenue du registre des cancers ». Il dément ainsi un refus de financer alors que les discussions sont en cours. « Nous verrons ce que la Polynésie nous propose en termes de financement. Je rappelle que pour l’instant il n’y a que les études qui sont lancées et que ce sont des sommes relativement modestes. La construction sortira du sol sans doute dans pas mal de temps et les discussions sont toujours engagées avec le gouvernement pour des financements ultérieures ». Enfin le haut-commissaire souligne par ailleurs que l’Etat finance l’oncologie à hauteur de 1,4 milliard par an depuis 2015. « Ce que nous ne finançons pas, c’est une unité de soin au sein de l’Icpf, mais nous continuons de financer l’oncologie au sein du centre hospitalier.« 

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