Heiva Taure’a : Le collège Maco Tevane au firmament

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Délibération du jury et remise des prix au programme de cette dernière soirée du Heiva Taure’a. Les planches de To’ata ont vibré sous les pieds des danseurs tandis que les sons des percussions ont résonné aux oreilles du public venu en nombre. Les collégiens de tous les archipels assurent de main de maître la relève culturelle.

Publié le 13/03/2022 à 0:08 - Mise à jour le 16/03/2022 à 11:25

Délibération du jury et remise des prix au programme de cette dernière soirée du Heiva Taure’a. Les planches de To’ata ont vibré sous les pieds des danseurs tandis que les sons des percussions ont résonné aux oreilles du public venu en nombre. Les collégiens de tous les archipels assurent de main de maître la relève culturelle.

Collège La Mennais

Aux temps anciens, sur le marae de Taputapuatea, fut célébrée la cérémonie du pa’iatua. Tout à coup, un évènement étrange se produisit, le haut de l’arbre du tamanu fut arraché. Selon les révélations du grand tahu’a Vaita : « Des étrangers différents de nous, arriveront sur une pirogue sans balancier. Ils possèderont nos terres et notre croyance cessera. »

Des années plus tard, la prophétie de Vaita se réalisa. Les étrangers arrivèrent sur un bateau sans balancier et les changements furent nombreux. La vie des Polynésiens se retrouve bouleversée, les coutumes ancestrales sont interdites.

Mais aujourd’hui, la danse, le tatouage, le chant, la poésie, l’art oratoire sont à l’honneur. La culture et la religion sont en harmonie.

Collège Uporu de Taha’a

Venus de Taha’a, les élèves du collège Uporu ont choisi pour thème la pêche aux cailloux.

Un événement important va avoir lieu sur l’île et pour le célébrer, une pêche aux cailloux est organisée. Toute la population de l’île est prévenue. Il faut préparer les embarcations, les pierres à lancer, les rames ainsi que les perches qui serviront à frapper la surface de la mer, afin de chasser le poisson hors de son abri de corail.

Le jour venu, le prêtre fait résonner sa conque pour signifier à la population le départ de la pêche. Sous la direction de deux chefs, placés du côté mer et terre, les pirogues avancent à la même vitesse selon le rythme régulier des coups de rames. Les cailloux lancés à droite puis à gauche doivent tomber en même temps dans l’océan. Les poissons sont alors repoussés vers le parc jusque dans la nasse puis vers le rivage dans les eaux peu profondes où les attendent la population.

À l’arrivée des poissons sur le banc de sable, l’embouchure des filets maintenus fermement est vite refermée et les poissons sont pris au piège. La pêche est réussie et les festivités peuvent débuter.

Collège de Hao

C’est le destin scellé de Tuohea qui a inspiré les jeunes artistes du collège de Hao.

Tuohea, né avec quatre yeux, inspirait une telle peur à ses parents qu’ils l’abandonnèrent à Onikau, du côté Sud de Hao, espérant certainement qu’il allait mourir. Cependant les mauvais esprits, les poissons, l’élevèrent et devinrent alors comme ses parents. Il grandit et se nourrit alors de chair humaine. Ainsi son destin avait-il déjà été scellé, celui de sa mort, car manger de la chair humaine était désapprouvée.

Sa propre sœur fut chargée de trouver ce qui pourrait lui nuire et c’est Tuohea lui-même qui, en confiance, lui révéla son secret : manger du requin, de la carangue noire ou du thon provoquerait sa mort. Aussi réussit-elle à empoisonner son frère qui prononça ces dernières paroles : « C’est moi le Tuohea, le roi du grand Sud, du Sud où il n’y a pas d’arbres, où il n’y a qu’un récif. Mes vêtements sont la pluie, le vent, le soleil; mes quatre yeux regardent en haut, en bas, et je vois trouble maintenant, je meurs à Opokara. C’est à Opokara que j’ai marché en dernier lieu, c’est à Onikau que je vais rester en dernier lieu. […] »

Consécration et émotions

Au cours de cette troisième et dernière soirée du Heiva Taure’a, c’est le collège Maco Tevane qui s’est vu remettre le grand prix. Une véritable consécration pour les élèves de l’établissement qui arrivent enfin sur la plus haute marche du podium après avoir été deuxième, lors de deux éditions précédentes. « Je suis fier du travail qu’on a fait, de la sueur qu’on a gaspillé, du temps qu’on a mis à créer ce spectacle », s’émeut le jeune chef de la troupe, Hiromana.

Une joie partagée par ses professeurs. « Le flambeau n’est pas seulement transmis, il est complètement acquis. La victoire de ce soir vient renforcer l’envie d’apprendre de leur culture et de savoir qui ils sont », observe Francesca, enseignante de l’établissement. Et de l’amour pour leur culture, les jeunes en ont à revendre. Cette année, le collège Maco Tevane a même dû refuser l’inscription de plusieurs élèves qui souhaitaient participer au concours, par soucis de place.

La fierté de danser et chanter ses racines, les jeunes de Ua Pou la ressentent tout autant. C’est la première fois que le collège Terre des Hommes participent au Heiva Taure’a. « C’est beaucoup d’émotions ! On représente les Marquises et on est vraiment fiers de nous », confie l’un des jeunes artistes de la troupe. « Et surtout, on a réussi notre objectif : la transmission de notre culture et langue marquisienne ».

A Hao, les parents des élèves du collège de l’île ne cachent pas non plus leur fierté. Samedi soir, la commune a installé un écran géant à la mairie afin de suivre en direct la prestation de la troupe. Le collège ramène même un prix, celui du deuxième coup de cœur du jury.

Le Heiva Taure’a a de l’avenir. D’autant plus que le niveau s’améliore chaque année, observe la présidente du jury, Vaihere Pohue-Cadousteau : « Il y a des talents cachés dans les établissements et ils peuvent relever le défi de se préparer pour de grands spectacles comme le Heiva i Tahiti ».

Un outil contre le décrochage scolaire

Plus que permettre la transmission de la culture polynésienne aux jeunes générations, le Heiva Taure’a est devenu un véritable outil pour lutter contre le décrochage scolaire. Moana’ura Teheiura, professeur d’anglais, chorégraphe indépendant et membre du jury, l’a souligné : « il y a des statistiques, notamment à Maco Tevane, qui prouvent qu’au fil des Heiva Taure’a, on ramène non seulement les élèves en classe, on les amène vers la réussite et on ramène les parents au cœur même de l’éducation ».

Photos : Stéphane Sayeb / Tahiti Zoom

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