« Mentalement c’est assez dur, mais heureusement qu’il y a le collègue qui est là pour me soutenir et qui s’occupe bien de moi. C’est lui qui me fait le ma’a », sourit Kevin Boulard. Le « collègue », c’est Vehia Chand. Tous deux pilotes de ligne, le Calédonien et le Tahitien officient à Hong Kong.
Et depuis quelques jours, Kevin arbore un bracelet particulier au poignet. « Toute personne qui arrive à Hong Kong est obligée de porter ce bracelet pendant 14 jours, explique-t-il. J’habite en Thaïlande mais je travaille à Hong Kong, donc j’ai été mis en isolement comme tous ceux qui arrivent sur le territoire. On n’a pas le droit de sortir, pour quoi que ce soit. »
« Et si on voit des gens à l’extérieur avec ce bracelet, il y a un numéro à appeler pour les dénoncer. Et il faut le faire », enchaîne Vehia. « Si je sors dans la rue avec ce bracelet, reprend Kevin, je peux aller en prison. » Et la peine peut aller jusqu’à 6 mois de prison. « Donc il vaut mieux rester 14 jours à la maison et se faire livrer à manger par le collègue », sourit le Calédonien.
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15 secondes pour justifier sa position
Chaque jour, les autorités prennent contact avec Kevin. « Ils m’appellent pour savoir comment je me sens. Si je me sens bien, si je n’ai pas de la fièvre, de la toux, tous les symptômes. J’ai un dossier à remplir que je dois tenir à jour et à la fin je vais devoir leur remettre, détaille-t-il. Mais s’ils ont un doute sur ma position, ils m’envoient un message sur mon téléphone pour me demander de prendre en photo le code barre qui est sur le bracelet. On a 15 secondes pour ça, et les secondes défilent sur le téléphone, donc il faut vite prendre en photo le code barre et ça envoie la position GPS aux autorités. »
Cette mesure stricte est récente et a dû être mise en place suite à l’évolution de la situation à Hong Kong. « On avait bien stabilisé pendant un mois, raconte Kevin. C’était resté à 100 contaminés sur plus de 7 millions de personnes. Et en deux semaines, c’est monté à 500-600 parce que tous ceux qui étaient en Europe, en Amérique et ailleurs sont revenus. Là on est arrivé à 1000. Mais il y a toujours 4 morts depuis 2-3 mois, ça n’a pas changé. »
« Ce sont les gens de l’extérieur qui ont ramené le virus, voilà pourquoi tous ceux qui arrivent ont un bracelet maintenant », complète Kevin.
Seulement quelques restrictions
Car à Hong Kong, il n’y a pas de confinement. « Moi je peux sortir, aujourd’hui il fait beau, donc je vais peut-être faire une randonnée, confie Vehia pour taquiner son ami contraint à l’isolement dans un petit appartement. Les bars et boîtes de nuit sont fermés, mais les restaurants sont ouverts. Par contre, il n’y a que 4 chaises par table et elles sont séparées de 1,5 mètre à peu près. Les regroupements de quatre personnes maximum sont autorisés. Et il ne faut pas que le restaurant soit rempli de plus de 50%. »
Il faut dire que « par rapport au virus, ils ont déjà eu l’expérience du SRAS, donc ils sont déjà un peu préparés, poursuit Vehia. Ils sont très méticuleux ici, ils sont tout le temps en train de laver leurs mains, même sans le virus. »
« Je ne veux pas comparer à Tahiti, Tahiti c’est la maison, dit-il encore. Mais je sais comment les Tahitiens sont et je pense que le gouvernement n’a pas d’autres solutions. On ne peut pas trop faire confiance au ta’ata tahiti, indique Vehia sur le ton de l’humour. Le confinement, c’est pas pour lui ! »
Un dernier message
Au terme de ses 14 jours d’isolement, Kevin pense garder son bracelet en souvenir. « Sinon ils nous ont dit qu’on peut aussi le jeter à la poubelle », précise-t-il.
En attendant, il a profité de cette interview pour s’adresser « à toute la Nouvelle-Calédonie, à Tahiti et au Pacifique : prenez soin de vous, essayez de respecter les consignes et fa’aitoito ! »
« Pareil pour Tahiti ma, et arrêtez de vous plaindre sur Facebook, lance Vehia avant d’éclater de rire. Essayez de vous occuper pendant le confinement. Tous les copains qui font du sport, la cuisine et tout, ça permet de rester en famille, se ressourcer, se remettre en question. Bisous à toute la famille, les copains, les copines et… manuia ! »