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Antony Géros : « La France doit accepter d’organiser le processus qui va aboutir à un référendum »

Le vice-président du Tavini et président de l’Assemblée de Polynésie était l’invité du journal de TNTV, dimanche soir.

Antony Géros : « La France doit accepter d’organiser le processus qui va aboutir à un référendum »

TNTV : Vous revenez du séminaire de décolonisation de l’ONU qui s’est déroulé au Timor. Autonomistes et indépendantistes ont fait entendre leur voix. Qu’avez-vous pensé de cette présence des autonomistes sur place pour la première fois ?

Antony Géros : « Je pense que les autonomistes ont toujours siégé dans les commissions organisées par le Comité de 24. Peut-être pas, effectivement, dans les séminaires, mais au comité qui siège devant la quatrième commission. Ce qu’on peut dire, c’est que c’est un Comité qui est composé de 29 pays et d’états souverains. Tous ces états sont très friands des avancées relatives aux 17 pays qui sont encore non autonomes. Les 17 pays qui figurent sur cette liste dont notre pays. Ils sont très friands de voir comment le processus onusien avance dans chacun de ces pays et territoires ». 

TNTV : Les autonomistes estiment que le discours du Tavini est faux, caricatural. Ont-ils réussi à se faire entendre selon vous ?

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Antony Géros : « Vous savez, je leur ai dit : ‘ce n’est pas la bonne Commission devant laquelle il faut que vous plaidiez votre cause’. Parce que les 29 pays qui sont membres du Comité de décolonisation, ce sont des pays comme Timor-Leste, qui ont souffert. Il y a eu des guerres pour certains de ces pays et ils n’ont pas accédé à leur souveraineté aussi facilement qu’on le pense. Donc, quand ils entendent des gens venir plaider ce qui a été plaidé par les autonomistes, ils acceptent par courtoisie, parce que ce sont tous des diplomates, mais au fond d’eux-mêmes, ils auraient tellement souhaité que ces personnes comprennent que ce n’est pas devant cette Commission qu’il faut venir évoquer ce genre de discours ». 

TNTV : Quel bilan dresse le Tavini, lui, de ce déplacement ?

Antony Géros : « C’est un bilan qui est très positif, parce que nous avons pris fait et cause du positionnement de la France qui a été porté par l’ambassadrice de France dans le Pacifique. Elle a été claire. Elle refuse que puisse venir en Polynésie une commission spéciale de contrôle des actions du processus de décolonisation. Ensuite, suite à son intervention, il y a eu des pays comme Cuba, comme l’Algérie, comme la Syrie, Sainte-Lucie, etc., qui ont pris la parole pour dénoncer cette attitude parce que c’est une décision onusienne qui a valu notre inscription sur la liste des pays non autonomes. À partir de là, le processus, le dialogue, qui est une des étapes du processus, doit s’ouvrir, à défaut de quoi, on va se retrouver devant des situations comme celles que Timor-Leste a traversées, donc des guerres ».

TNTV : Vous avez annoncé vouloir déposer une plainte au nom de l’Assemblée contre l’État pour entamer le dialogue de décolonisation. Où en est-on ? 

Antony Géros : « J’ai fait cette déclaration parce que le Comité des 24 nous, on demandait : ‘ Où est-ce que vous en êtes ? La France a dit, nous, on arrête tout, on ne parle pas, on ne reconnaît pas’. Nous, on a dit : ‘soit, mais nous, on dépose un recours devant le tribunal, la justice locale, pour obtenir de l’État qu’il s’assoie à la table de négociation pour ouvrir ce dialogue. Il faut attendre la décision du juge parce qu’on a respecté le délai de recours gracieux. Deux lettres ont été adressées, une au président de la République et l’autre au ministre des Outre-mer. Le délai de recours gracieux étant épuisé, n’ayant pas reçu de réponse, on est en droit d’ouvrir le délai de recours contentieux par le dépôt de la plainte. C’est ce qui a été effectué ». 

TNTV : Le président Brotherson, qui était sur notre plateau hier soir, a indiqué, sur cette plainte, qu’il fallait essayer de ne pas en arriver là.  Pourriez-vous être d’accord, même si vous venez de le dire, c’est entamé ? 

Antony Géros : « Jusqu’à preuve du contraire, s’il avait été au Timor-Leste, il aurait entendu de vive voix l’ambassadrice de France dans le Pacifique qui a porté la voix de la France en disant qu’elle refusait de reconnaître, que la France refuse de reconnaître le processus de décolonisation. Elle ne reconnaît pas la réinscription de la Polynésie, elle refuse l’envoi d’une mission spéciale en Polynésie et elle n’accepterait pas que le séminaire puisse se tenir en Polynésie parce que ça a été une annonce qui a été faite par Mareva Kitalong-Lechat qui représentait M. Brotherson à ce séminaire. Bien entendu, nous sommes venus soutenir cette demande et les pays que j’ai cités : Cuba, Algérie, Indonésie ont tous emboîté le pas pour dire que c’est une bonne proposition et il faudrait qu’on le fasse ». 

TNTV : Vous parlez indépendance au Timor. Dans le même temps, l’État fait ses comptes au Fenua et évoque 223 milliards de francs investis. Est-ce que votre discours de souveraineté reste cohérent dans ce contexte ?

Antony Géros : « Très cohérent, parce que c’est justement la manière dont s’impliquent les puissances administrantes pour faire peur, pour contraindre, et pour dire à tous ceux qui sont colonisés, qui veulent rester colonisés, qu’il n’y a pas d’autre solution que de vivre avec les transferts de la puissance administrante. Ce n’est pas comme ça que ça marche en réalité. On a été se ressourcer auprès de ce Comité représenté par 29 pays qui nous ont tous assuré, parce qu’on leur a dit : ‘actuellement en Polynésie, il y a l’État qui présente 220 milliards’ et donc ils ont un peu ironisé en disant : ‘ben demandez à quoi correspondent ces 220 milliards parce que c’est des dépenses pour eux, mais en face il doit y avoir des recettes’ (…) Les recettes qui sous-tendent ne viennent-elles pas de Polynésie également ».

Pensez-vous que Polynésiens sont d’accord avec cette démarche de souveraineté ?

Antony Géros : « Pour qu’ils puissent dire oui ou non, il faut que la France accepte d’organiser le processus qui va aboutir à un référendum. Si la France refuse, on ne peut pas avoir de référendum. On reste soumis et nous, on refuse ».  

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