Ce samedi était la seule soirée du Heiva i Tahiti 2019 à présenter trois groupes de danse. Et c’est le tout jeune groupe O Punaauia, fondé en février de cette année et mené par Edwin Bernadino, qui a eu l’honneur d’entrer en premier sur scène
L’auteur du thème, Monoihere Harua, choisit de conter l’histoire de Hina et du premier banian. Hina bat le tapa a longueur de journée et agace Taaroa, qui envoie un messager pour la menacer, puis la frapper. Le coup la projette sur la Lune, d’où elle protège les voyageurs nocturnes.
Sur la Lune, elle trouve un banian, et fait du tapa pour les dieux avec son écorce. Un jour, elle brise une branche, qui tombe jusqu’à Raiatea. Ce sera le premier banian sur terre, et cette légende explique pourquoi le banian ne se reproduit que par bouturage.
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Malgré ses quelques mois d’existence, O Punaauia, créé à l’initiative du Tavana de la commune, montre une belle maîtrise de la scène. Avec par exemple cette Hina protectrice, dansant sur la Lune grâce à un jeu d’ombres chinoises.
Seuls deux groupes de chant se sont présentés samedi soir. A commencer par O Faa’a, mené par Pascal Mauahiti et son Ra’atira Adam Léon. Anniversaire oblige, le groupe commémore la rencontre entre James Cook et Tupaia, en célébrant surtout la mémoire et les connaissances du navigateur polynésien.
Puis arrive sur scène Heikura Nui, dirigé par Iriti Hoto. Première surprise : le groupe professionnel réunit très peu d’artistes. Son orchestre, multiple lauréat du Heiva, est bien là. Mais sur scène, à peine plus d’une trentaine de danseuses, et seulement trois danseurs ! Heikura Nui va subir une pénalité de 50 points, conformément au règlement… et avec trois fois moins d’artistes que des groupes comme Hitireva, O Tahiti e ou Teva i Tai, le groupe ne peut pas prétendre jouer les premiers rôles dans ce Heiva.
Et pourtant… Heikura Nui séduit. Une fois passée la stupeur de voir le groupe si peu fourni, on admire le reste. Une fois n’est pas coutume, les danseuses ne portent pas le même costume, mais celui de l’archipel qu’elles représentent. Et, libérées de la pression du concours, elles livrent un spectacle décomplexé et rafraîchissant.
Le thème, l’héritage, manque un peu de consistance, mais il se rattrape par la poésie qu’il dégage. Ta’uru Fau papa, au firmament, guide les hommes aux quatre coins du monde, les invitant à trouver la Lumière.
Heikura Nui ne présente pas de soliste au concours de meilleur danseur. Mais les trois seuls garçons de la troupe (contre près d’une centaine à Hitireva, par exemple) font bonne figure. Saluons leur courage !
Deuxième et dernier groupe de chant à se présenter à To’ata samedi : Tamarii Mataiea. Certains des chanteurs n’étaient pas nés à la création du groupe, en… 1978 ! Depuis 12 ans, le groupe est une machine à gagner, avec sept premiers prix en tarava Tahiti. Le thème de Mataiea cette année : les fêtes de juillet d’autrefois.
Arrive en fin de soirée un concurrent très sérieux au prix Madeleine Moua : Teva i Tai, dirigé par Heimoana Metua. Le groupe participe au Hura tau depuis 2004 ; il ne l’a jamais remporté, mais a réalisé plusieurs podium. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ?
Les danseurs, eux, y croient, et le public aussi. Le groupe nous paraît être le plus applaudi depuis l’ouverture du Heiva. Il faut dire qu’il soigne ses entrées, toujours spectaculaires… quitte à passer dans les tribunes !
To’ata s’est beaucoup tournée vers les étoiles samedi. Et Teva i Tai n’a pas fait exception. Steve Chailloux propose un thème à son image : subtil, profond et poétique, avec un texte qui manie l’oxymore et la parabole. Les étoiles guident les navigateurs, elles tracent aussi le chemin de la vie. Et parfois, nous sombrons « dans l’obscur scintillement du Matarii i raro, période où la famine nous frappe de son courroux mortifère ». Symbole d’une époque, « l’asphyxie d’une vie ébranlée par le désamour de nous-mêmes, façonnée par l’individualisme ». Comme Jacky Bryant avant lui, Steve Chailloux, engagé en politique, se sert de sa plume pour glisser des messages sociétaux.
Technique, chorégraphies, costumes, thème, énergie… difficile de prendre en défaut Teva i Tai cette année. Spectatrice, une danseuse d’un groupe programmé la semaine prochaine nous confiait son sentiment à l’issue de la soirée : « Ca fait peur ! »