Michel Bourez : « J’ai tout donné. Maintenant, il faut passer à autre chose »

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Celui qui a fait briller le surf polynésien au plus haut niveau mondial ces 12 dernières années, annonce qu’il tire sa révérence. Alors qu’il espérait prendre sa retraite sportive après les Jeux Olympiques pour lesquels il ambitionnait de se qualifier, Michel Bourez tourne la page d’une carrière exemplaire plus tôt qu’attendu. « Lorsque tu arrives à un stade où tu te dis que ce n’est pas forcément toi le maître du jeu, que c’est ton corps qui en a décidé autrement, il faut l’accepter », dit-il avec philosophie. Mais il sera derrière Kauli Vaast et Vahine Fierro pour qu’ils « gagnent une médaille ». Interview d’un champion.

Publié le 19/01/2024 à 15:43 - Mise à jour le 19/01/2024 à 16:16

Celui qui a fait briller le surf polynésien au plus haut niveau mondial ces 12 dernières années, annonce qu’il tire sa révérence. Alors qu’il espérait prendre sa retraite sportive après les Jeux Olympiques pour lesquels il ambitionnait de se qualifier, Michel Bourez tourne la page d’une carrière exemplaire plus tôt qu’attendu. « Lorsque tu arrives à un stade où tu te dis que ce n’est pas forcément toi le maître du jeu, que c’est ton corps qui en a décidé autrement, il faut l’accepter », dit-il avec philosophie. Mais il sera derrière Kauli Vaast et Vahine Fierro pour qu’ils « gagnent une médaille ». Interview d’un champion.

TNTV : Vous venez d’annoncer la fin de votre carrière professionnelle. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Michel Bourez : « C’est une décision qui a été assez facile à prendre en fonction de mes blessures. Je me suis fait les ligaments croisés il y a deux ans et j’ai des problèmes au cou aussi. J’ai quand même essayé de me qualifier pour les Jeux Olympiques. C’était surtout ça mon objectif, pas forcément de re-rentrer sur le WCT. Mais à cause de mes blessures, je n’ai pas pu revenir à temps à 100 % et je n’ai pas eu les résultats au bon moment, donc je n’ai pas pu me qualifier (…) Il y a des jeunes qui ont fait beaucoup plus de résultats à plus haut niveau (..) J’ai tout donné. Je ne peux rien regretter. Maintenant, il faut passer à autre chose ».

TNTV : Pour un sportif professionnel, arrêter sa carrière peut être considéré comme une « petite mort ». C’est ce que vous ressentez ?

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Michel Bourez : « Ça a été très dur ces deux dernières années, parce que lorsque je suis sorti du Tour… je me suis blessé au moment où il ne fallait pas. Je me suis fait les ligaments croisés et il fallait que je passe une série dans les Challengers Séries pour revenir dans le Tour. À cause de ça, je n’ai pas réussi à remonter. Ensuite, je me suis fait opérer, et l’année qui a suivi, je suis retombé. Il faut deux ans pour que les ligaments se renforcent et que tu puisses retrouver ton niveau. Là, ça fait exactement deux ans, donc j’ai eu le temps de me dire que c’était forcément la fin, car mon objectif s’éloignait de plus en plus. J’ai pris le temps de réaliser. Ces deux dernières années ont été très difficiles mentalement. Tu penses que tu vas t’arrêter au moment où tu auras envie.  Toute ta vie, tu t’es donné les moyens pour réussir. Mais lorsque tu arrives à un stade dans ta carrière où tu te dis que ce n’est pas forcément toi le maître du jeu, que c’est ton corps qui en a décidé autrement, il faut l’accepter. Lorsque tu te donnes à 200 % à chaque fois et que tu vois que le corps ne suit pas, les résultats non plus ».

TNTV : Vous avez passé plus de 10 ans sur le Tour mondial avec trois victoires sur le circuit. Que retenez-vous de ce parcours ?

Michel Bourez : « Après 12 ans sur le Tour et trois victoires, pour moi, ça a été des années exceptionnelles. Des années très difficiles aussi (…) C’est comme un travail. Tu arrives. Tu surfes. Tu as fini. Tu rentres. En gros, c’est ça. C’est seulement quand il n’y a pas de compétition, pas de vague, que tu visites un peu les lieux. Les seuls moments où tu penses que tu as gagné, c’est quand tu gagnes. Quand tu es deuxième, tu es content du résultat, mais ce n’est pas bien. Les moments les plus hauts de ma carrière, c’est lorsque j’ai gagné. Quand j’étais dans le top 5, c’étaient les belles années ».

TNTV : 2014 a été votre meilleure année avec une victoire en Australie et une autre au Brésil. Vous espériez pouvoir être Champion du monde à cette période ?

Michel Bourez : « Juste avant Teahupo’o, j’étais deuxième au classement général. Je n’avais jamais rêvé d’arriver à ce stade (…) J’ai eu quelques problèmes en Europe où je n’ai pas fait les résultats qu’il fallait. Je suis redescendu à la 5ᵉ place. Ça a été très difficile de gagner deux étapes dans l’année et que tout le monde te voit gagner le titre mondial. Je serais bien retourné en arrière pour faire les choses différemment.  Il faut accepter la défaite, accepter ce qu’il s’est passé. Ça a été de bons moments ».

TNTV : Il n’y a plus de Tahitien aujourd’hui sur le Tour mondial. Vous avez pris Mihimana Braye sous votre aile. A-t-il ses chances sur le WCT ?

Michel Bourez : « Mihimana, c’est quelqu’un que je connais très bien, un jeune que je suis depuis longtemps et que j’apprécie beaucoup (…) Je ne suis pas son coach, mais plus un ami qui a de l’expérience et avec qui il peut parler ouvertement (…)  Je suis passé par les mêmes étapes. Je vois exactement sur quoi il doit travailler pour arriver au haut-niveau. C’est ce qu’on fait en ce moment. Ce sont des choses qu’on travaille tous les jours. Surtout, il faut le faire un peu sortir de sa zone de confort pour élever son niveau de surf. Pour pouvoir arriver au haut-niveau, il faut penser comme quelqu’un qui est au haut-niveau (…) Il doit penser comme quelqu’un qui est sur le WCT. Pour pouvoir y arriver, il y a des étapes qu’il doit franchir ».

TNTV : Il a fait une grosse fin de saison sur le QS et en Challengers avec une finale au Brésil et une autre à Hawaï…

Michel Bourez : « Je le sens très bien. C’est dur de repartir lorsque tu as très bien réussi. C’est dur de faire mieux. On a regardé chaque compétition et là où il pourra performer le mieux. On a tous les deux la même vision. On sait où il doit réussir. Le challenge le plus difficile pour lui, ça va être de se dire qu’il faut réussir coûte que coûte. C’est cette année ou jamais (…) Je ne vois pas pourquoi il ne se qualifierait pas. Il n’y a aucune raison. Sauf s’il se blesse. Son niveau de surf est là, son mental est là, donc, pour moi, c’est certain qu’il réussira ».

TNTV : Vous êtes également passionné de sports de combat…

Michel Bourez : « Ils m’ont toujours passionné. Le MMA, l’UFC…deux personnes qui se sont préparées toutes leurs vies pour essayer d’arriver à la ceinture. C’est un peu l’histoire de chaque athlète. Mais eux sont deux combattants qui se mettent sur la tronche. C’est un sport avec beaucoup de discipline, beaucoup de choses à apprendre. Il y a toujours quelque chose de nouveau. Quand je vais à la salle avec Raihere Dudes, à chaque fin d’entraînement, on s’assoit et il nous parle pendant 10 à 15 minutes. C’est quelque chose de très important. Tu as besoin de comprendre la mentalité de ce sport pour pouvoir pratiquer ».

TNTV : Vous entendez essayer d’entamer une carrière professionnelle dans cette discipline ?

Michel Bourez : « Non.  J’ai presque 40 ans. Il faut rester les pieds sur terre. Mais j’apprécie d’être là-bas. De travailler, de pousser mon corps à 200 % sur quelque chose de différent du surf (…) Surtout de se dire qu’il y a quelque chose de nouveau à apprendre. Dans le surf, j’ai pratiquement tout fait sauf essayer d’aller dans le gros. Mais ça, ça va se faire cette année ».

TNTV : On vous verra peut-être dans des compétitions localement ?

Michel Bourez : « J’ai des problèmes physiques à régler d’abord. Mais je l’espère ».

TNTV : Pour le surf de gros, vous souhaitez suivre les pas de Matahi Drollet ou de Tikanui Smith ?

Michel Bourez : « Avec mon petit frère, on a commencé à se lancer un peu dans le tow-in. Vu qu’on est ici, pourquoi pas se lancer là-dedans. Vu que je ne pars plus, je serai là pour les swells. Pour la première fois, dès qu’il y aura des vagues, je pourrai être présent pour le tirer et vice-versa. J’ai réussi à le mettre sur une très belle vague, l’année dernière. J’étais fier de moi. J’avais l’impression que c’était moi qui avais surfé. C’était même encore plus fort, car c’est mon petit frère. C’est une sensation que j’ai envie de retrouver ».

TNTV : Vous avez participé aux Jeux Olympiques au Japon. Pour un sportif, il n’y a pas mieux que les J.O…

Michel Bourez : « Pour les infrastructures, niveau médias et logistique, il n’y a pas plus grand que les J.O, ça, c’est sûr. C’est quelque chose d’incroyable. Il faut y être pour comprendre (…) C’est grandiose. C’est pour ça que lorsqu’on m’a dit que les J.O allaient être ici à Tahiti, pour le surf, je me suis dit : ‘ok, il faudra se qualifier et essayer de rester à l’intérieur pour pouvoir influer sur les décisions’. On sait que le spot de Teahupo’o est magnifique, qu’on ne veut pas le changer. On ne veut pas de grands buildings, on ne veut pas que ça change (…) C’est pour ça qu’on adore aller là-bas (…) Ce sont des choses qu’il ne faut pas que l’on perde ».

TNTV :  Comment allez-vous vivre ces Jeux ?

Michel Bourez : « Je ne sais pas encore. Je ne me suis pas posé la question. Ce n’est pas forcément important, au point où j’en suis dans ma carrière. Le truc, c’est de penser à comment faire pour que Kauli et Vahine gagnent une médaille. Comment faire pour qu’ils soient dans les bonnes conditions. Si je peux leur apporter quelque chose….que je sois présent dès qu’ils ont besoin de moi, que je sois là. Si jamais ils gagnent, ce n’est pas forcément la personne qui gagne, mais tout Tahiti, toute la Polynésie. Peu importe qu’ils portent le drapeau français. On n’a pas le choix, mais on sait d’où ils viennent. C’est ce qu’il faut retenir. Si Vahine est championne olympique, cela va ouvrir des portes partout dans le monde. Tahiti va être médiatisé partout dans le monde encore plus que jamais. Donc, les touristes vont arriver, les pensions de famille vont être prises (…) Pour le niveau économique, c’est grandiose. C’est pour cela qu’il faut pousser ces jeunes au maximum ».

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