« C’est injuste. » « C’est révoltant. » Les gérants de salles de sport sont dépités. Alors qu’ils traînent encore des séquelles financières du confinement, c’est un deuxième confinement qu’ils entament avec les nouvelles mesures mises en place par l’Etat et le Pays pour tenter de casser la chaîne de propagation de la covid-19.
Depuis lundi, toutes les salles de sport de Tahiti et Moorea qui possèdent un toit et quatre murs sont dans l’obligation de fermer. Soit une bonne vingtaine. Un coup dur pour les acteurs du secteur, qui ont tenté de plaider leur cause lundi au haut-commissariat.
« Qu’est-ce qu’on a pu obtenir ? Rien, lâche Christian Wang Sang, vice-président du Syndicat des salles de sport de Polynésie. Nous avons juste été entendus et aucune solution ne nous a été proposée pour la suite, pour demain. On est juste victime de cet arrêté et malheureusement on va devoir en payer le prix. »
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Aucune concession, aucune aide
Pourtant, on ne peut pas accuser les sportifs de ne pas avoir été force de proposition pour tenter de maintenir un minimum d’activité. « On a demandé de pouvoir ouvrir pour 6 personnes, on nous a dit non. On a demandé de pouvoir ouvrir nos salles pour que nos coachs puissent exercer avec une seule personne, on nous a dit non, poursuit Christian Wang Sang.
C’est incompréhensible quand on voit des écoles de danse qui peuvent continuer d’ouvrir avec plus de 6 personnes, quand on voit des bateaux qui peuvent circuler avec plus de 6 personnes, quand on voit des tables où ils peuvent accepter à manger 6 personnes… Pourquoi nous, on ne pourrait pas accueillir une seule personne ? »
« C’est incompréhensible quand on voit des écoles de danse qui peuvent continuer«
Christian Wang Sang
La réunion au haut-commissariat ne les a pas plus avancés en matière d’aides financières. « Ils nous ont orientés vers des mesures qui existent déjà : le premier volet qu’on a tous eu, mais ce n’est pas avec 178 000 Fcfp qu’on va pouvoir payer nos charges. Ce n’est même pas un tiers du loyer…, déplore le vice-président du syndicat des salles de sport. Ils nous ont orientés vers le 2e volet, qu’on attend toujours depuis 6 mois. Je pense qu’il y a beaucoup d’entre nous et dans les autres secteurs qui attendent cette aide du 2e volet. Et puis vers le PGE (prêt garanti par l’Etat, NDLR). Mais il a été refusé à plusieurs d’entre nous… Donc il faut nous expliquer, si on applique un décret national, à ce moment-là, qu’on nous octroie aussi des aides nationales. On ne peut pas nous fermer comme ça ! »
Prêts à tous les compromis pour survivre
« Ils ont bien pu adapter l’heure du couvre-feu à la Polynésie en le mettant jusqu’à 4 heures du matin au lieu de 6 heures, pourquoi ne peuvent-ils pas changer quelque chose nous concernant pour qu’on puisse maintenir l’activité ?, demande le coach sportif. On a besoin de travailler et nos adhérents sont prêts à venir. C’est même eux qui nous appellent pour proposer des solutions, comme mettre en place un système de roulement pour ne pas tous venir en même temps. »
Les salles de sport sont prêtes à tous les compromis pour leur survie, et l’ont déjà prouvé à l’issue du confinement. « On assure déjà les gestes barrières dans nos salles. Depuis qu’on a réouvert, on a tous été de bonne foi, on a joué le jeu en appliquant tout ce qu’il fallait. Même quand les mesures ont été resserrées, on les a appliquées, et malgré ça on se retrouve contraint de fermer… », regrette-t-il.
Être reconnu d’utilité publique
« Je ne comprends pas qu’on doive se battre pour notre survie alors qu’on devrait être considéré comme d’utilité à la santé publique, reprend-il. On est les premiers acteurs de la lutte contre l’obésité et les maladies cardio-vasculaires, parce qu’on ne s’intéresse pas qu’aux sportifs de haut niveau. En ouvrant une salle, on crée de nouveaux sportifs. C’est notre combat de tous les jours. On a tous choisi ce métier par passion parce qu’on savait que ça ne rapportait pas. Ça fait 8 mois que je n’ai pas été payé et je ne suis pas en train de râler pour mon salaire, mais pour qu’on puisse continuer de travailler. J’ai l’impression qu’on nous prend pour des animateurs. Pour faire bouger la population on sait où on est, mais pour nous aider à nous en sortir, il n’y a plus personne. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que nous, les gérants de salles de sport, sommes cautionnaires de nos emprunts et loyers, donc c’est nous qui allons payer le prix. »
Les salles de sport n’ont aucune visibilité pour l’instant. Surtout qu’elles n’ont pas l’assurance de pouvoir rouvrir au 16 novembre, date jusqu’à laquelle courent les mesures actuelles. « Ils nous l’ont dit, si les chiffres ne baissent pas, ils maintiendront les mesures… », souffle Christian.
« Là, ce sera l’abattoir… Toutes les salles ne survivraient pas, c’est sûr. Donc à eux de voir. Soit on condamne vraiment le secteur, on nous dit au revoir et merci ; soit ils essaient de sauver le secteur. On est en train de nous sacrifier alors qu’on devrait mieux nous considérer, et même nous utiliser pour lutter contre la pandémie. Le sport, c’est la santé, ne l’oubliez pas. »