« Pour réaliser mon service militaire comme volontaire à l’aide technique (VAT), je devais partir aux îles Kerguelen sur le navire Marion Dufresne, pour une mission en Antarctique. Au dernier moment, je n’ai pas eu le poste et on m’a proposé Tahiti en lot de consolation… » . Vincent Simon, médecin-urgentiste au Centre Hospitalier de la Polynésie française, restera finalement à ce poste 40 ans. Une aventure qui a touché à sa fin la semaine dernière. Le médecin, à l’origine du SMUR à Tahiti s’apprête à prendre sa retraite. « C’est le cœur lourd que je quitte ce métier et des gens que je n’oublierai jamais » .
L’occasion pour lui de revenir avec Fabrice Jeannette, chef du service des urgences de l’époque, sur la réorganisation des urgences dans les années 80. « Nous avons créé un embryon de SMUR et rationalisé les évasans inter-îles. Nos missions nous ont emmené partout en Polynésie. Les amitiés nouées pendant cette époque sont précieuses » , raconte le médecin avec un petit clin d’œil à ses amis, VAT, Nedim Al Wardi et Charles Belli arrivés eux aussi à l’époque. En 1988, l’inauguration du nouveau service des urgences marque un temps fort dans l’offre de soin. Les effectifs sont alors renforcés pour faire face à l’augmentation d’activité.
Les années 90 : le crash de deux appareils en evasan
La décennie suivante sera ensuite endeuillée par le crash de deux avions en evasan, suivi de nombreux autres crashs (Air Tahiti aux marquises, Air France à Faaa en 1993, et Air Moorea en 2007 dans le chenal). « Un souvenir terrible » , raconte le médecin qui a aussi connu les émeutes de 1995. « Pour ceux qui étaient sur place dans le poste médical avancé que nous avions monté au milieu des pistes, c’était une expérience très spéciale avec une ambiance de guérilla » .
En 1997, l’hôpital récupère ensuite de nouvelles activités. Comme la prise en charge des brûlés, suivie de d’une grande partie des évasans à l’internationale pour accompagner les patients en métropole et en Nouvelle-Zélande. Enfin, en 2001, l’unité de médecin hyperbare voit le jour avec l’installation d’un caisson pour les accidents de plongée.
« Tout ceci a été rendu possible grâce à l’enthousiasme des équipes et à la bienveillance de nos directeurs de l’époque, qui ont toujours répondu favorablement à nos demandes, parfois un peu spéciales. Le service a pu se doter d’un équipement au top » , salue Vincent Simon.
Les années 2000 : Modernisation et développement
Les années 2000, l’offre de soin continue de se moderniser, avec la création du SMUR en 2005, suivi du CESU (Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence) en 2008, avec pour missions prioritaires la formation et la mise à jour des connaissances de tous les personnels soignants de la Santé Publique et du CHPF. « Le quotidien de notre activité aux urgences, en SMUR routier ou aérien, reste une expérience enrichissante pour tous les soignants ayant travaillé avec nous » , commente le médecin.
L’année 2009 sera ensuite marquée par le grand déménagement vers le nouvel hôpital du Taaone. Les équipes gardons un souvenir nostalgique de l’hôpital de Mamao. « En raison d’une ambiance de travail que nous n’avons pas retrouvé dans le nouvel hôpital, un environnement plus spacieux mais pas toujours fonctionnel » , raconte Vincent Simon.
Les années 2010 voient ensuite arriver « le règne des procédures, protocoles en tout genre et carcans administratif qui sont censés encadrer notre activité de soin » . De l’avis du médecin, « pas sûr que ce soit au bénéfice des patients » .
Enfin, les années 2020 démarrent sur un épisode sombre de l’histoire humaine avec l’arrivée du Covid-19 qui laissera sur son passage en Polynésie prêt de 600 morts. Une épreuve qui a contraint le CHPF a se réorganiser pour faire face à un afflux sans précédent de patients. « Cela a été une expérience douloureuse pour nous tous. Je pense personnellement que les séquelles psychologiques pour le personnel hospitalier sont réelles et probablement durables. Il y a un avant et un après covid, et ceci explique peut-être en partie le mal-être au sein de l’hôpital. Mais je ne doute pas qu’avec l’arrivée de nouvelles équipes, plus jeunes et motivées, le service va continuer son développement et ses missions » .
Après 40 ans au service des patients du fenua, Vincent Simon tire sa révérence avec émotion. « J’ai créé ma famille ici, mes enfants sont nés ici, mes mootua aussi. Aujourd’hui, je suis rempli de gratitude envers ce pays, envers les Polynésiens, à qui j’ai tout donné avec passion et qui m’ont tellement donné. Mauruuru pour tout » .