La cérémonie, présidée par le Haut-commissaire, René Bidal, s’est déroulée avenue Pouvana’a a Oopa. À ses côtés, Edouard Fritch, le président de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, président de l’Assemblée de la Polynésie française, les députés Nicole Sanquer et Moetai Brotherson, Michel Buillard, le maire de Papeete, le contre-amiral Laurent Lebreton, commandant supérieur des forces armées en Polynésie française et Kelly Asin, président du Conseil économique social et culturel de la Polynésie française.
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Les descendants des Poilus tahitiens ainsi que les élèves du lycée Saint Joseph et de Notre Dame des Anges étaient également présents. Après le traditionnel dépôt de gerbes, tous se sont rendus à la Présidence, qui accueille, jusqu’à la fin du mois, une exposition sur le centenaire de cette guerre. Exposition qui revient sur les grands moments de ce conflit, pour nos Poilus Tahitiens, et qui expose les portraits d’une partie d’entre eux. Au-delà de la Présidence, l’avenue Pouvanaa a Oopa et les rues des Poilus tahitiens et du Bataillon du Pacifique ont été pavoisées avec les portraits de ces héros. Parmi eux, on peut citer notamment : les frères O’opa, Bambridge, Coppenrath, Juventin, Le Caill, Manutahi, Pito, Putoa, Quesnot, Sanford, Tarahu…
Le Haut-commissaire René Bidal rappelle que « personne n’a oublié l’engagement de ces Poilus du Pacifique, et de ce Bataillon du Pacifique, que constituaient également les Wallisiens et les Calédoniens. Personne n’a oublié, car pour une majorité d’entre eux, ils sont morts sur une terre française qu’ils ne connaissaient pas avant de partir. C’était très important, encore plus ici qu’ailleurs, d’honorer l’engagement de ces Poilus. Ce furent de grands soldats : tout le monde, y compris le Maréchal Foch à la fin de la guerre, a noté l’engagement exceptionnel du Bataillon du Pacifique, et des Polynésiens en particulier. Ce qui d’ailleurs correspond à leur nature en général : quand ils s’engagent ils s’engagent à fond. C’est important de ne pas oublier, et de ne pas oublier, comme l’a dit le Président de la République, d’imaginer que cela était constitutif d’une réflexion beaucoup plus large sur la Paix. C’est aussi important de constater l’attachement des familles, des enfants, des petits-enfants et arrières petits-enfants polynésiens, à ce glorieux grand-père qui est allé combattre en France et qui, de fait, les rapproche affectivement de la nation.
La Paix est fragile. On voit très bien qu’en Europe, en ce moment, les nationalismes, le vent de la division peuvent exister. En lisant le message du Président de la République, vous avez pu entendre combien l’unité Européenne étaient importante pour préserver cette paix, car chacun des pays est faible par rapport aux mouvements du monde, et il est essentiel que nous ayons toujours en tête que la guerre est une horreur, et comme justement nous sommes en paix depuis très longtemps : nous avons un peu tendance à oublier l’horreur qu’ont subi les Poilus pendant 4 ans. Le message essentiel c’est celui de préserver la paix, et pour cela, de préserver l’unité européenne ».
Le président du Pays, Edouard Fritch, appelle tous ceux qui ont des connaissances sur cette période, à les partager : « Il y a cette jeunesse qui ne connaît pas toujours son histoire, et je crois que ce centenaire de l’Armistice de 1918 est vraiment une bonne occasion pour transmettre à nos jeunes ce pan de notre patrimoine que nous connaissons nous, mais dont nous ne connaissons pas tout ! Monsieur Shigetomi l’a rappelé, c’est à force de glaner des informations à gauche et à droite que l’on a une idée de ce qu’il s’est passé, aujourd’hui, mais il serait bon que vous veniez, tous, vers cette exposition. Vous qui avez des souvenirs, des informations, que vous pourriez faire connaître aux autres. La Présidence est un lieu symbolique et je salue l’initiative qui a été prise en son temps, pour que ce bâtiment soit reversé au domaine du Pays, et qu’il devienne, aujourd’hui, la Présidence. Beaucoup de Polynésiens qui ont servi la métropole et qui ont fait leur service militaire pour aller sur les champs de guerre ou servir l’Etat français sont passés par ici… oui, c’est un lieu qui porte l’histoire de notre Pays. Cette histoire d’amour avec cette Mère -Patrie, et elle est réelle. Je voulais rappeler l’origine de ce lien. Je rappelais que « Hau Metua », la « Mère-Patrie » est une pure création de ces poilus qui se sont investis pour se battre et protéger ce qu’ils appelaient, à l’époque, la « Mère-Patrie ». En d’autres termes, le lien avec l’État français n’était pas que financier : il était affectif, il était culturel, il était dans le sang de nos ancêtres. C’est important de le dire: ce lien s’est construit, lors de ces deux guerres mondiales. Il faut se rappeler que nous ne pouvons pas remettre en cause l’engagement, l’implication de nos anciens aujourd’hui ».
Parmi les familles de Poilus Tahitiens présentes : Les Tarahu, descendants de Laurent Tarahu. Laurent Vanaa a Tarahu est né à Faa’a le 10 août 1898. Il est le fils de Puta et de Marie Ganivet. Manœuvre, résident de Tahiti, appelé de la classe 1918, il est incorporé le 1er mai 1917 et embarqué pour Nouméa le 10 mai 1917 puis débarqué le 16 juin 1917. Dirigé sur Marseille le 10 novembre 1917, il passe au bataillon mixte du Pacifique le 16 février 1918, monte au front le 7 juin 1918, cité : « Très bon soldat, agent de liaison a été blessé en exécutant son service sous un violent bombardement pendant toute la journée du 20 juillet 1918 ». Laurent est évacué et est convalescent à l’hôpital complémentaire auxiliaire n°206 de Cannes aux bons soins de l’infirmière américaine Nichols. Sa blessure lui occasionne une invalidité de 40%.
Le jour de leur départ avec ses frères d’armes qui restent derrière lui, ils improvisent une petite fête d’adieu et composent une chanson de circonstance. Laurent Tarahu en a écrit les couplets.
Aue Hoi i te mauiuirahi I temoeraaiamatouatoa To matou fare, o teinohohia E matouteotonei a matou I to matoutaaeraa |
Hélas la grande peine Que ça été pour nous De quitter notre maison Où nous avons demeuré Cette séparation nous a causé beaucoup de chagrin |
Ils entonnent ensuite une chanson qui vante leur pays natal.
Charmante terre de Tahiti O douce mère ! O doux pays ! O douce terre de fraternité ! O doux pays, O doux pays de liberté ! Refrain : O Tahiti ! pays d’amour Tu règnes dans nos cœurs O Tahiti, O doux séjour A toi les couronnes de fleurs ! Pays de ma naissance, Pays chéri de France, Tu fus ma royauté Garde toujours ta liberté |
Là-bas sous le ciel bleu Tout près des cieux Noyé par le soleil Brillant, vermeil Terre de verdure Où la nature est un trésor C’est un jardin fleuri Où tout sourit Les femmes et les fleurs Ont des couleurs Fraîches et jolies Qui font envie à tous les cœurs Refrain C’est la terre tahitienne Le pays des amours Et cette terre est la mienne Je l’aimerai toujours. |
Sa famille a entonné cette chanson lors de la grande cérémonie de commémoration, ce dimanche 11 novembre, à la Présidence. Cécile Tarahu, sa petite fille, explique : « C’est important pour les familles et toutes les familles. C’est rendre hommage à ceux qui sont partis, à ceux qui sont revenus, et un grand respect pour ceux qui sont restés. On sait que notre grand père est parti faire la guerre de 14-178, qu’il a été blessé, mais pas plus. Il y a des chansons qui ont été composées par notre grand-père qu’on ne connaît même pas… la seule que l’on connaît, c’est « là-bas sous le ciel bleu », que l’on vient d’interpréter, et que nos poilus ont chanté avant de quitter la France. Je ne sais pas si c’est lui qui l’a composée où si ça date d’avant, mais ils l’ont chantée il y a 100 ans. On est dans un pays où tout fleurit, les femmes et les fleurs ont des couleurs, et ça appelle à l’amour. Heureusement que Jean-Christophe Shigetomi a écrit son livre, pour que l’on connaisse notre histoire, parce-qu’on ne savait pas tout ».
Laure Philiber
Discours du Haut-commissaire à l’occasion du centenaire de l’armistice de la Grande Guerre
Discours du président du Pays à l’occasion du centenaire de l’armistice de la Grande Guerre