Vidéo – Père Christophe : « On est sur la bonne voie, il ne faut pas désespérer »

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Publié le 18/11/2018 à 11:17 - Mise à jour le 18/11/2018 à 11:17

On parlait en 2015 de 400 personnes à la rue ; 700 aujourd’hui. C’est votre impression ?
« Non, cette polémique des chiffres varie en fonction de différents constats. Sept cents, c’est un chiffre qui a été annoncé à l’assemblée de la Polynésie française, mais il s’agit en fait de 300 personnes à la rue de façon permanente. Après il y a les intermittents de la rue. »
 
Vous qui les côtoyez au quotidien, pouvez-vous nous dire qui sont ces personnes ? Est-ce qu’il y a beaucoup de femmes, beaucoup d’enfants ? Est-ce que ce sont plutôt des jeunes, plutôt des vieux ? Et surtout est-ce que ce sont des personnes qui rejettent un peu le fonctionnement de la société et ont envie de vivre en marge, ou alors ce sont des gens lambda à qui il arrive des accidents de la vie ?
« C’est tout cela, en fait. C’est-à-dire qu’il n’y a pas un portrait type de SDF. Sur les 300-400 que l’on rencontre, on en a une bonne cinquantaine qui relèvent de problèmes psychiatriques, qui sont identifiés comme tel et qui sont à la Cotorep. L’année dernière et cette année, on a eu une cinquantaine qui étaient en CAE ; soit qui l’étaient avant d’arriver dans la rue, soit qui ont trouvé des postes en CAE. On a un peu moins de retraités. La majeure partie, ce sont des hommes, quelques femmes, quelques enfants. Et selon nos statistiques, c’est davantage des hommes entre 25 et 45 ans. Bien sûr, on voit surtout les jeunes parce que ceux-là sont souvent un peu plus délinquants, font plus de bêtises, mais ce n’est pas eux qui sont majoritairement dans la rue. »
 
Vous dites qu’il y a des travailleurs, donc le fait de travailler ne met pas à l’abri d’être un jour dans la rue ?
« Non, parce qu’il y a un gros souci de logement. Les logements sur la zone urbaine sont trop élevés en loyer et les moins élevés sont plus loin, mais du coup on perd une partie du salaire dans le transport, donc le résultat est toujours le même… »
 
Et les capacités d’hébergement pour ces personnes qui sont actuellement à la rue, on peut dire qu’elles sont insuffisantes ?
« Tout à fait. Maintenant, il y a le centre de Tipaerui qui accueille une cinquantaine de personnes, après on a nos foyers de Emauta pour des familles, des hommes, des femmes. En gros, entre 120 et 140 personnes maximum peuvent être hébergées. »
 
Vous vous êtes réunis avec le ministre de la Santé et la ministre des Solidarités au mois de septembre pour essayer de définir des types de structures appropriées et définir également des parcours de réinsertion adaptés. Nous avons l’impression que les SDF font partie du discours politique mais que finalement peu d’actes suivent ces discours. Est-ce aussi votre impression ? Est-ce que, selon vous, la classe politique prend suffisamment le problème à bras le corps ?
« C’est à nous de les mettre face à la réalité. C’est le collectif Te Ta’i Vevo, des associations qui s’occupent des personnes en grande précarité et à la rue, qui a voulu ces rencontres. On en a fait plusieurs. Je pense qu’actuellement il y a une réelle volonté de bouger, on a des personnes qui sont là, qui le désirent. À nous de ne pas les lâcher, c’est ça surtout. Les promesses des hommes politiques n’engagent que ceux qui les écoutent, donc on écoute et on ne va pas les lâcher. Mais il y a de vrais projets. Il y a un projet de reconstruire le centre de jour in situ, où il est. Il y a un projet de construction ou de reconstruction ailleurs du centre d’hébergement d’urgence de Tipaerui pour qu’il soit davantage aux normes et peut-être accueillir un peu plus de personnes. Il y a un projet qui me tient particulièrement à cœur, c’est la mise à disposition du terrain de l’ancien Cercle des marins pour reconstruire l’accueil Te Vai-ete avec, incorporé en accord avec la Santé, un dispensaire pour les personnes en grande précarité. »
 
On a un calendrier ?
« Je pense qu’on va faire le forcing pour que ça passe dans l’année. En tout cas, mon idéal pour l’accueil Te Vai-ete, c’est que ce soit fait pour le 23 décembre l’année prochaine. Ce sera les 25 ans, donc ce sera symboliquement quelque chose de fort. »
 
Est-ce que ce sont des projets qui correspondent à vos préconisations ? Je pense par exemple au centre qui est prévu sur les hauteurs de La Mission, qui se situe face à un quartier social un peu difficile avec une population qui entre parfois en conflit avec des SDF. Selon vous, c’est une bonne idée ?
« On en a parlé avec le collectif Te Ta’i Vevo. Il y a une recherche effectivement d’un site qui soit plus adapté. »
 
Ça doit se passer selon vous en zone rurale ou urbaine ? On a tendance souvent à faire des projets sur la zone de Papeete mais peut-être quand on parle de réinsertion au travers de l’agriculture, il serait intéressant d’avoir des projets en zone rurale ?
« C’est cela, mais il est important d’abord d’avoir des structures là où les personnes vont venir. Parce que si on veut les emmener à se réinsérer en fonction de leurs compétences, de leurs besoins, il faut d’abord être là où ils arrivent. Or c’est la ville qui attire, forcément, parce que c’est dans la ville qu’il y a du passage, c’est dans la ville qu’il y a toutes les possibilités, c’est aussi dans la ville que tout se fait. Qu’après, des structures plus petites soient mises ailleurs oui, mais d’abord il faut qu’on soit en capacité d’accueillir, d’entendre et d’élever. Je crois qu’en tout cas, on est sur la bonne voie, il ne faut pas désespérer. Mais les hommes politiques, il faut les tenir et ne pas les lâcher jusqu’à ce qu’ils osent franchir le pas. »
 

Rédaction web avec Tamara Sentis

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