Va’a Motu veut faire renaître la navigation traditionnelle

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Publié le 05/07/2015 à 12:18 - Mise à jour le 05/07/2015 à 12:18

En juin 2011, Julien Girardot, photographe, est en vacances à Fakarava, aux Tuamotu. Il s’étonne de ne voir aucune pirogue à voile naviguer sur le lagon. C’est en discutant avec Ato Lissant, propriétaire d’une pension de famille, que l’idée de réintroduire les pirogues à voile émerge. Ato Lissant, le Polynésien, rêve de naviguer sur la pirogue de ses ancêtres. Julien Girardot, le Breton, rêve de photographier les navigateurs.
 
L’année suivante, en janvier 2012, Julien Girardot revient en Polynésie et crée l’association Va’a Motu  avec Ato Lissant, Gahina Bordes (trésorière), et Vaiete Bodin (secrétaire). Les objectifs sont multiples : permettre aux habitants des Tuamotu de renouer avec leurs racines maritimes, éduquer, développer un tourisme écoresponsable et même réaliser la première cartographie 3D à bord d’une pirogue.

Mais pour construire l’embarcation, il faut du savoir-faire, et des financements. Après trois ans de recherche, la petite équipe boucle le budget du projet. Et pour les matériaux, Va’a Motu fait appel au projet Te Rangi. Il s’agit d’une réplique des grands va’a ayant permis le peuplement des îles du Pacifique. Le projet Te Rangi consiste à transporter du fret et des personnes entre Tahiti et les Tuamotu, sans utiliser l’énergie fossile. 
Te Rangi livre donc les matériaux et l’outillage nécessaires pour la construction de la première pirogue. Il faut maintenant du savoir-faire. 

Va’a Motu fait appel à Alexandre Genton comme chef de chantier. Connu dans la construction navale, il forme deux jeunes polynésiens, James et Toko. Ceux-ci sont embauchés pour travailler à la construction de l’embarcation. Plus tard, ils pourront également apprendre à naviguer à bord de la pirogue qu’ils ont construite. Un troisième jeune, Hugo, se prend de passion pour la pirogue et vient régulièrement aider. 

Le chantier de Te Maru O Havaiki ( L’ombre de Havaiki, nom donné à la pirogue en souvenir de l’ancienne appellation de Fakarava) a débuté en avril. L’association Va’a Motu espère pouvoir la présenter pour le défiler du 14 juillet à Fakarava. Cette année, un grand Heiva est organisé avec la venue de personnalités d’autres atolls. « Une superbe occasion de suggérer à d’autres d’en faire de même. Ensuite, une inauguration officielle aura lieu fin juillet avec baptême de la pirogue et présence de nos partenaires et sympathisants. Ça va être un grand moment ! Ça fait quatre ans que nous attendons ça », se réjouit Julien Girardot.

Pour la suite, Va’a Motu recherche « un capitaine diplômé avec une bonne expérience de la voile ». Pour emmener des passagers sur cette pirogue de 10 mètres, Va’a Motu aura besoin de l’approbation des affaires maritimes. Une personne d’expérience devra diriger l’embarcation. 

Te Maru O Havaiki servira dans des projets pédagogiques, permettra de transporter la population locale comme les touristes et même les scientifiques. Mais l’association Va’a Motu ne compte pas s’arrêter là. « Pour le moment, il n’y a pas d’école de voile à Fakarava. Mais si nous menons notre « barque » de la meilleure façon avec la première partie du projet, nous avons en tête de créer un petit centre nautique avec des embarcations 100% polynésiennes. Pourquoi pas revisiter l’Optimist et en faire une version à balancier… », confie Julien Girardot. « Si on veut réussir le pari de revoir les pirogues à voile dans les lagons, il faut intéresser les jeunes ! »

Le navigateur Laurent Bourgnon, disparu il y a peu aux Tuamotu, avait visité le chantier de la pirogue de l’association Va’a Motu. « Laurent était passé nous voir sur le chantier quelques jours avant sa disparition… », raconte Julien Girardot. « Il était super heureux de voir que notre projet aboutissait et on aurait tellement aimé qu’il puisse naviguer avec nous. Imaginez le consultant de premier choix, lui qui aimait tant développer les bateaux ! Nous penserons à lui très fort le jour de la mise à l’eau et nous lui rendrons hommage comme il se doit. C’était un homme plein de gentillesse, de force tranquille et de joie de vivre. Va’a Motu est très touché par sa disparition et nous tenons à apporter à sa famille tout notre soutien moral. »
 

M.K

INTERVIEW. Julien Girardot, porteur de projet

En quoi consiste le projet Va’a motu ?
« Le projet Va’a Motu consiste à réintroduire des pirogues à voile traditionnelles sur les lagons des Tuamotu par le biais de programmes culturel, pédagogique, scientifique et eco-touristique. On commence par Fakarava, qui, avec sa réserve de biosphère, coïncide parfaitement avec l’éthique de ce projet. On espère que le modèle sera duplicable pour d’autres atolls / îles. »

Comment est né ce projet ?
« Va’a Motu est né d’une rencontre avec Ato Lissant propriétaire de pensions de famille avec sa femme Corina à Fakarava. J’étais alors en vacances avant d’embarquer aux Gambier sur le navire de recherche scientifique Tara à bord duquel j’étais à la fois cuisinier et photographe.
En arrivant à Fakarava en juin 201,1 j’ai constaté qu’aucune embarcation à voile ne sillonnait le lagon et j’en ai été choqué car l’endroit s’y prête tellement bien. D’autant plus que j’avais dans l’idée de réaliser un reportage sur les pirogues à voile… En en parlant avec Ato, il s’avérait que lui, rêvait de naviguer à bord de ces bateaux dont ses anciens, pour lesquels il a beaucoup de respect, lui parlaient très souvent.
On s’est donc lancé un pari d’en construire une et quelques mois plus tard (janvier 2012), je revenais en Polynésie et on créait l’Association Va’a Motu avec Gahina Bordes (trésorière), et Vaiete Bodin (secrétaire). Depuis, je suis installé en Polynésie par passion pour ce projet mais aussi parce que j’aime ce pays, ses traditions et les Polynésiens. »

Comment  allez-vous rendre disponibles les pirogues à la population (passage dans les écoles, club de voile, événements…) ?
« Nous recherchons actuellement un capitaine diplômé avec une bonne expérience de la voile car afin d’emmener des passagers, il nous faut être approuvé par les affaires maritimes et une personne d’expérience doit diriger l’embarcation.
Bien évidemment, dès que la pirogue sera mise à l’eau, la population sera vivement convié à naviguer à bord de Te Maru O Havaiki, (nom que nous avons donné à la pirogue (l’ombre de Havaiki) en souvenir de l’ancien nom de Fakarava). C’est un des gros objectifs du projet de faire profiter les habitants et les sensibiliser à ce mode de transport lagonaire.
Pour le moment, il n’y a pas d’école de voile à Fakarava. Mais si nous menons notre « barque » de la meilleure façon avec la première partie du projet, nous avons en tête de créer un petit centre nautique avec des embarcations 100% polynésiennes. Pourquoi pas revisiter l’Optimist et en faire une version à balancier… Si on veut réussir le pari de revoir les pirogues à voile dans les lagons, il faut intéresser les jeunes ! »

La construction de votre première pirogue a débuté en avril. Quand pensez-vous pouvoir la terminer ?
« Nous espérons pouvoir au moins la présenter pour le défiler du 14 juillet à Fakarava qui organise un grand Heiva cette année avec la venue de personnalités d’autres atolls ! Une superbe occasion de suggérer à d’autres atolls d’en faire de même. Ensuite, une inauguration officielle aura lieu fin juillet avec baptème de la pirogue et présence de nos partenaires et sympathisants. Ça va être un grand moment ! Ça fait quatre ans que nous attendons ça.
Pour le moment, nous attaquons la phase finition, le gros oeuvre est fait et Alexandre Genton, notre chef de chantier, fait un excellent travail avec deux jeunes, James et Toko embauchés en CAE pour un an dans notre association. Un autre jeune nous aide depuis le début et se prend de passion pour le va’a motu, il s’agit de Hugo. »

Votre association était proche du navigateur Laurent Bourgnon disparu il y a peu. S’était-il impliqué dans votre projet ?
« Laurent est un bon copain. Je le connaissais depuis la Tahiti Pearl Regatta 2013 où nous avions amené un va’a tri, petite pirogue trimaran à voile issue d’un Va’a Hoe que nous avions amené pour l’occasion avec Alexandre Genton pour faire des démonstrations. Nous avions eu des petits ennuis techniques et Laurent qui n’est pas insensible aux multicoques, ça va de soit, m’avait gentiment prêté des outils et donné des conseils pour réparer.
Dernièrement, Laurent était passé nous voir sur le chantier quelques jours avant sa disparition… Il était super heureux de voir que notre projet aboutissait et on aurait tellement aimé qu’il puisse naviguer avec nous, imaginez le consultant de premier choix, lui qui aimait tant développer les bateaux ! Nous penserons à lui très fort le jour de la mise à l’eau et nous lui rendrons hommage comme il se doit. C’était un homme plein de gentillesse, de force tranquille et de joie de vivre. Va’a Motu est très touché par sa disparition et nous tenons à apporter à sa famille tout notre soutien moral. »

Propos recueillis par Manon Kemounbaye

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