Pour suivre Terava, mieux vaut se lever de bonne heure et bien s’échauffer. Si elle n’est pas aux aurores sur le plan d’eau, prête à rider les plus belles vagues qu’offre le fenua, elle est peut-être de garde en maternité ou en route pour préparer un tournage. Car, en plus de pratiquer assidûment le surf depuis ses 12 ans, Terava anime le magazine Waaaaves, spécialisé dans les disciplines de glisse en Polynésie. Le reste du temps, c’est-à-dire la majeure partie, elle exerce le métier de sage-femme en libéral.
Formée au Taaone et fraîchement diplômée, en 2022, elle passe quelques temps en maternité au CHPF dans le service des grossesses pathologiques, exerce un peu plus d’un mois en libéral et enchaîne avec 3 mois au dispensaire des Tuamotu Gambier, en mission gynécologique et obstétrique. Elle part toute seule, avec son échographe et du matériel récupéré auprès de la direction de la Santé, pour rejoindre les infirmiers et aide-soignants des îles.
L’éloignement de Tahiti n’a visiblement pas refroidi Terava, pour qui le relationnel est le plus important, surtout dans les atolls les plus isolés. « La plupart du temps, on est deux ou trois. On est beaucoup en télémédecine, si on a des cas compliqués » , explique-t-elle. À 34 semaines de grossesse, 36 au plus, les mamans viennent accoucher sur Tahiti. Les accouchements aux Tuamotu demeurent rares, sauf personnes perdues de vue ou dénis de grossesse.
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Depuis qu’elle a repris le cabinet d’une sage-femme de Papeete partie à la retraite, elle n’a pas encore eu à faire face à de telles situations. Mais sa jeune carrière l’a parfois confrontée aux problèmes de violences conjugales et aux difficultés économiques des familles. C’est le côté plus dur de son métier, qu’elle gère avec professionnalisme. Pas une surprise, quand on sait que Terava rêvait d’être sage-femme en quatrième, déjà. « Quand tu es en libéral, tu communiques beaucoup, avec tout ce qui est assistants sociaux, gynécologues, structures de centre de protection maternelle et infantile…Tu es un peu plus seul, et il ne faut pas hésiter à appeler du renfort » .
« La plupart du temps, c’est un événement heureux. Tu accueilles un ou plusieurs enfants, c’est merveilleux, quoi ! »
Terava ne sait pas ce qui l’a décidée si tôt à devenir sage-femme. On devine que c’est probablement la force vive que lui procure l’accompagnement des mamans et de leurs bébés. « Je voulais travailler dans la santé, mais je ne voulais pas travailler avec la maladie. On a une façade de notre métier où il y a des pathologies, mais la plupart du temps, c’est un événement heureux. Tu accueilles un ou plusieurs enfants… C’est merveilleux, quoi ! » , sourit-elle.
Dans l’éventualité, peu probable, où elle aurait un coup de blues au travail, Terava connaît un endroit sûr pour se vider la tête : le reef. « Les jours off, je vais surfer, c’est simple. J’essaie d’y aller au moins trois fois par semaine. Taapuna en spot de prédilection, Sapinus, l’Embouchure ou Vairao… Je papillonne, je suis les houles » , s’amuse-t-elle.
« Ça me permet de me couper, de me détendre dans mon métier. Psychologiquement, quand tu surfes, tu es dans une bulle » , décrit-elle. Mais pas question de sacrifier sa carrière pour autant : la sage-femme se voit jouer un rôle pour la santé des femmes au fenua. « Chaque chose en son temps. J’aime mon métier autant que le surf. Bon, c’est sûr que quand les conditions sont parfaites et que ce n’est pas souvent, tu es un peu ‘Aaaaaah » (rires). Mais bon, mes patientes sont adorables, ça ne m’embête pas« .
C’est ce caractère volontaire qui la mène naturellement à rejoindre la team Waaaaves, en septembre 2022. Après le départ de son animatrice en métropole, le magazine cherche un nouveau visage pour passer devant la caméra. La production établit une short-list auprès de ses contacts, et Terava, qui connaît déjà bien certains membres de l’équipe, est recrutée après un test.
L’exercice n’est pas forcément évident au début. « Ce n’est pas inné d’être devant une caméra, de savoir bien s’exprimer et oublier l’appréhension, confie-t-elle. Mais Heiarii, avec qui je tourne, est devenu un pote, et je suis beaucoup plus à l’aise maintenant. On fait nos trucs, on rigole ! » . Et si certains commentaires sont désobligeants, ou carrément insultants, ils restent marginaux. Dans l’immense majorité, les retours sur ses premières émissions ont été encourageants.
Sans surprise, ce boulot supplémentaire exige une organisation au point. Avec la Tahiti Pro prévue du 11 au 20 août, elle doit pouvoir se rendre disponible, tout en gérant le suivi de ses patientes. Seulement « quelques jours de compétitions dans l’année, ça se fait » , assure-t-elle sereinement. Si l’événement est un incontournable du calendrier surf, elle estime ne pas être soumise à la même pression que les équipes de tournage. « Je vais profiter de cette année, mais évidemment, je dois être prête dès qu’on m’appelle pour tourner. On est bien organisés, on a une bonne entente. Ils ont confiance en moi, même si on ne prépare pas les interviews » .
Étant elle-même dans le milieu du surf compétitif, elle a l’avantage d’avoir le contact facile avec ses interlocuteurs. Elle connaît bien Vahine Fierro, qu’elle espère voir gagner du côté de Hava’e, et a toujours soutenu le surf féminin. Qu’il s’agisse d’analyser les conditions du plan d’eau ou d’évoquer un aspect technique avec les surfeurs, Terava avance confiante… même si elle ne maîtrise pas (encore) les tubes. « C’est le côté psychologique, les grosses vagues, j’ai encore peur. Il faut que le métier rentre, ça passe par des machines à laver » , sourit-elle.
Il faut dire que « bouffer » le récif n’est jamais très agréable. À Haapiti, elle s’est fait une belle frayeur. Alors qu’elle remontait au pic, une vague surprise s’est décalée avec la houle d’ouest, et un surfeur l’a percutée avec la quille de sa planche au moment où elle refaisait surface. Résultat, 5 points de suture au crâne, un hématome, quelques cheveux en moins et une belle frousse.
Quand les événements se compliquent à l’eau, sa casquette de sage-femme l’aide. Avec les mamans, elle effectue des séances de yoga prénatal et d’hypnose, pour gérer le stress de l’accouchement. Entre des grosses séries de vagues, c’est aussi ce qu’elle fait pour se relaxer et continuer sa session. Des tricks bien à elle, qui lui seront peut-être utiles lors de la prochaine Roxy Vahine Cup, prévue à Papara du 25 au 27 août.