Plusieurs représentants syndicaux du centre hospitalier du Taaone ont été reçus à la direction de la Santé ce mardi. Le but : faire un état des lieux des besoins du personnel soignant. Car il y a urgence : « on est épuisés, mais on sait très bien qu’il faut mettre tous les moyens avec ce dont on dispose, ce qu’on peut nous donner. Parce qu’il n’y a plus rien, il faut dire les choses, pour assurer les soins, déclare Mireille Duval, secrétaire générale du syndicat SPCHDT- CSTP/FO. J’ai appris par un médecin qu’on risque de fermer des blocs puisqu’on ne va plus avoir de matériel pour opérer. Donc c’est très inquiétant. Ça fait 23 ans que je travaille à l’hôpital. C’est la première fois qu’on arrive à une situation aussi catastrophique. »
Des blocs qui risquent de fermer, des roulements difficilement assurés, un personnel épuisé, et une vraie difficulté à attirer le personnel soignant : « On n’arrive pas à avoir des contrats attractifs et la mentalité du nouveau personnel, elle est autre. Ils ont d’autres attentes, d’autres besoins, donc nos textes, notre statut, est obsolète. Il faut le changer. Par exemple, il y a une solution : ce serait un seul texte pour toute la santé. Là, on en a tellement qu’on se perd. Et il faut simplifier les recrutements. Il faut simplifier les concours, simplifier beaucoup de choses. (…) Le personnel dit qu’il faut remettre de l’humanité dans tout. C’est ça qu’ils demandent. Et il faut très vite agir, travailler avec le ministère de la Fonction publique. Il faut mettre en place un travail pluridisciplinaire. (…) Un personnel qui est en mal-être, c’est le patient qui en pâtit. »
« Il faut vraiment replacer le soignant au coeur du soin et avoir de meilleurs moyens, meilleures conditions de travail », estime aussi Rainui Richaud, cardiologue.
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Les syndicats espèrent que le Pays agira, et vite. Si possible « avant les fêtes » de fin d’année. Sans quoi : « il y a déjà un incendie qui est déclaré. Après je ne sais pas ce qui va se passer, déclare Mireille Duval. Ça va peut-être exploser. »
Comme beaucoup d’autres, Rainui a décidé de quitter l’hôpital. Il exerce désormais à son compte. « Il est vrai qu’on a été plusieurs à quitter l’hôpital. Ça a toujours été le cas mais c’est vrai que le phénomène s’accentue ces derniers mois, ces dernières années. (…) C’est vrai que ces derniers temps, on est tous soumis à des difficultés assez importantes pour plein de raisons. Déjà la charge de travail a énormément augmenté en 10 ans. C’est vrai que le covid a compliqué les choses mais déjà avant le covid la charge de soins avait augmenté. Et on n’a pas fini puisque les pathologies liées au vieillissement augmentent de plus en plus. La dépendance est un challenge. On doit faire de plus en plus vite et de plus en plus tout court avec souvent les mêmes moyens (….) »
Lui aussi estime que le statut du CHPF devrait être revu : « l’hôpital est un EPR, un établissement public administratif, explique-t-il alors qu’il devrait être un EPS (établissement public de santé, NDLR). Ça, c’est un fait. (…) En métropole les statuts ont évolués et on est toujours sur un cadre statutaire qui date de 30-40 ans. Ça c’est un frein pour beaucoup de personnes parce qu’il faut le voir de manière mondialisée. Il y a pénurie de soignants dans le monde entier donc forcément les jeunes qui sortent vont vers ce qui se fait de mieux sur tous les plans : rémunération, statut, conditions de travail. »
Le cardiologue se dit « inquiet » pour l’avenir : « On voit ce qui se passe en France et on a toujours 5 à 10 ans de retard. On a bien peur de prendre le même chemin. Je suis inquiet parce qu’on sait très bien qu’il va y avoir un creux. Ça se passe déjà en métropole : un manque de soignants. Il va falloir composer avec ça pendant au moins 10-15 ans avant que les nouvelles générations, plus nombreuses, reprennent le flambeau. »