Rames polynésiennes, le talent local contrefait

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Publié le 28/09/2016 à 13:09 - Mise à jour le 28/09/2016 à 13:09

Sur cette image, à gauche des rames 100% fenua, peintes et personnalisées par des artistes locaux. A droite les rames chinoises aux couleurs et aux motifs quasi identiques! En découvrant la collection 2017 d’un des leaders du marché asiatique, cet entrepreneur a eu une bien mauvaise surprise. Sans s’en rendre compte, le géant chinois a envoyé par mail sa collection, aux créateurs victimes de cette contrefaçon.

Quelle n’a pas été la surprise de Matthieu Puigsarbe, de la société Monboovaa, en ouvrant le mail. « J’ai été surpris. Comme on peut l’être quand on voit que le travail sur lequel on œuvre depuis quelques années, fini par être copié… Salement copié. »

La surprise passée, l’entrepreneur se renseigne sur les actions qu’il peut mener. « On s’aperçoit très rapidement que la propriété intellectuelle n’est destinée qu’aux grosses sociétés. C’est très compliqué pour nous de bloquer des images, des dessins. » S’il a déposé des brevets sur les embarcations qui sortent de ses ateliers, sur les dessins, « Cela reste très lourd financièrement, administrativement et juridiquement c’est compliqué de protéger ses œuvres.(…) On est sur une voie sans issue. » S’il devait breveter chaque dessin, le prix des rames s’enflammerait. Et ce n’est pas le but.

Un mail a été envoyé au constructeur chinois, lui demandant de respecter le travail qui a été fait par les graphistes. Pas de réponse.
Ce qui a surtout fait réagir Mathieu Puigsarbe, c’est que les rames sont des symboles de la culture polynésienne. « Si on nous avait copié des casquettes, des leachs, la réaction n’aurait pas été la même. » Il suffit de voir les commentaires des internautes polynésiens sur cette affaire pour s’en rendre compte.

Très actif sur les réseaux sociaux, Mathieu a rapidement mis en ligne la photo. Elle a été partagée 300 fois et a provoqué de nombreuses réactions parfois incisives envers le copieur. « Cela a fait réagir. On a eu beaucoup de commentaires, pas souvent agréables et assez agressifs envers le fabriquant chinois ». Les rames sortant de chez Matthieu sont fabriquées localement, développées par des artisans locaux travaillant dans les règles de l’art depuis des années.

Heiarii Metua, est le graphiste à l’origine des motifs copiés. « C’est rageant de voir que l’on nous copie à l’extérieur et que l’on ne peut rien faire pour contrer cela ». Chaque dessin est unique. Ce sont des rames personnalisées et donc difficile de déposer un brevet pour chaque motif. Heiarii sourire aux lèvres, relativise. « Cela prouve qu’on est meilleurs qu’eux, vu qu’ils nous copient. » Effectivement, seuls les bons sont victimes de plagiat.

Ingrid Izquierdo, chef du bureau de la propriété industrielle à la Direction Générale des Affaires Economiques (DGAE), nous éclaire. Pour cette spécialiste, tout dépend de la nature de la création. Si elle est artistique ou technique. « Dans le cas qui nous concerne, il semble que l’on soit dans le domaine artistique. C’est un domaine pour lequel, pour être protégé, il n’est pas nécessaire de déposer un brevet ou quoique ce soit. L’auteur de la création est protégé, charge pour lui de prouver qu’il en est bien l’auteur en cas de litige ». Ce qui veut dire, mettre l’affaire devant les tribunaux. 

Autre solution évoquée, déposer l’ensemble de sa gamme à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et demander l’extension de cette protection à la Polynésie. « Cela serait effectivement coûteux, mais présenterait l’avantage de lui donner un titre de propriété industrielle qu’il pourrait utiliser ensuite pour demander auprès des douanes d’intervenir en cas d’importation illicite de ses produits en Polynésie française ». La démarche auprès des douanes est gratuite et se renouvelle tous les ans. Comme on le voit il est plus simple et moins coûteux de copier que de se protéger.
 

Rédaction Web avec Thomas chabrol

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