Quel avenir pour la filière coprah

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Publié le 11/11/2017 à 14:02 - Mise à jour le 11/11/2017 à 14:02

La Polynésie, ses atolls, ses plages et ses coco, que l’on peut boire frais, ou bien en brique, tout droit importé d’Asie. Car ici seulement 1 % des noix de coco sont consommées pour leur eau, 2 % servent à la fabrication du lait de coco, le reste est dédié à la production de l’huile de coprah. Notre troisième meilleur produit à l’export.

Alors comment se fait-il, que cette huile, dont le cours mondial a pourtant doublé ces trois dernières années, coute plus de 2 milliards de francs par an au Pays ?

Tout simplement parce qu’en Polynésie, la coprahculture a d’abord et avant tout un but social. Le prix d’achat du coprah sur le cours mondial est très bas, car il est essentiellement produit en Asie du Sud Est, là où le cout de la vie est faible.

Si l’huilerie de Tahiti achetait le coprah à ce prix-là, plus personne ne pourrait vivre du métier de coprahculteur en Polynésie. Assurer un bon revenu aux travailleur des cocoteraies permet de maintenir les populations dans les îles. C’est la raison pour laquelle le pays impose à l’huilerie d’acheter le coprah au double du cours mondial, soit 140 Francs le kilo.

Ce prix, fixé par le Pays, est censé assurer à un coprahculteur une rémunération équivalente au Smig, 150 000 francs par mois environ, pour une tonne de coprah produite. Mais la réalité est bien différente. Le revenu mensuel moyen d’un coprahculteur tourne davantage autour de 15 000 francs par mois, 10 fois moins. Car rares sont les travailleurs qui possèdent leur propre cocoteraie, ils versent un loyer au propriétaire. Ainsi, pour 1 kilo de coprah, le travailleur perçoit au minimum 50F quand le propriétaire peut toucher jusqu’à 90 F.

Une fois le coprah acheté, il est acheminé aux frais du Pays vers l’huilerie de Tahiti, pour être transformé. L’entreprise produit 6 à 8 mille tonnes d’huile, dont 400 tonnes d’huile raffinée qui sert à la production de monoi local. Le reste, l’huile brute, est exportée en France pour l’industrie cosmétique et agroalimentaire.

Notamment en raison des cyclones qui ont frappé l’Asie du Sud Est ces dernières années, le cours de l’huile a doublé ces dernières années. Une bonne nouvelle pour les finances du Pays, puisque le gouvernement se base sur le prix de revente de l’huile de coprah pour compenser le prix d’achat du coprah. Il verse donc moins de subvention.

Pourtant, ce n’est pas une bonne nouvelle pour le marché local, car l’huilerie pour rester rentable doit aligner ses prix sur le cours mondial, même lorsqu’elle vend à des entreprises locales. L’utilisation de l’huile brute de coprah en Polynésie comme biocarburant, n’est donc désormais plus du tout intéressant. Son prix est devenu plus cher que le diesel.

Ce que confirme le directeur de l’Huilerie de Tahiti, Henri Leduc. « On a atteint des sommets incroyables, on était à plus de 2 000 Dollars la tonne, soit 200 Fcfp le kilo, alors que le diesel est à 128 Fcfp. J’ai fait arrêter l’utilisation de notre huile pour alimenter nos chaudières et nos groupes électrogènes. Et je suis revenu au diesel pour que l’on puisse faire des économies. » 

Par ailleurs, puisque le prix d’achat du coprah est fixe, cette hausse du prix de l’huile n’entraine pas une hausse de la production. La production est même en baisse ces dernières années.  

Aujourd’hui, même si le coprah coute cher au pays, la politique agricole pour la filière prévoit de planter 500 hectares de cocotiers par an et d’augmenter de 75% de la production des noix de coco d’ici 2020. Cette hausse permettra bien sûr de créer de l’emploi mais coutera inéluctablement plus cher au pays en subvention.

Dans son rapport, la chambre regrette que cet objectif, même s’il est loin d’être atteint pour l’instant, ne soit pas associé à un plan de diversification des produits issus des cocotiers. C’est pourtant là que se dessine un avenir pour nos cocoteraies.

Car si le prix de l’huile de coprah a fortement augmenté, il reste bien inférieur à celui d’autre produits issus de la cocoteraie. L’eau de coco par exemple, dont les stars hollywoodiennes ne peuvent plus se passer, ou encore l’huile vierge de coco, vantée par la presse féminine comme un produit miracle pour l’alimentation et la beauté.  

A Bora Bora, Tikehau, Niau, de plus en plus d’iles réserve leur coco pour la fabrication de cette huile vierge en petites quantités. Mais c’est désormais à l’huilerie de Tahiti, d’amorcer une reconversion. Un projet qui, d’après nos informations, est envisagé, mais qui demande des moyens logistiques important, car les cocos doivent être cueillis à des stades de maturité différente.
 

Tamara Sentis

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