Le 23 juin dernier, un vraquier philippin de 132 mètres de long, le Thorco Lineage, s’échouait sur le récif de Raroia. Son capitaine et la compagnie étaient poursuivis au pénal pour « défaut de transmission d’un rapport lors d’un événement de mer et défaut de signalement lors d’un accident de mer », comme le veut la loi à travers la convention Marpol applicable dans la plupart des mers du monde.
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Le président du tribunal a d’abord rappelé l’enchaînement des faits, accablants pour l’équipage du navire. À partir du 14 juin, une série d’avaries a provoqué des pannes moteur à répétition. « Des problèmes de pompes à injection », expliquera lors des auditions le chef mécanicien qui incrimine alors la mauvaise qualité du carburant.
Le 15 juin, le 16, le 19 et le 21, le navire tombe à nouveau en panne. À partir de ce jour, à force d’avoir utilisé des pièces de rechange… il n’y en a plus. Et le navire dérive. Jusqu’au 23 juin, quand l’équipage ne peut éviter le pire et que le bâtiment échoue sur le récif de Raroia.
Mais pendant ces 9 jours, le capitaine décide de ne jamais prévenir les autorités, alors que la convention Marpol l’y oblige à partir du moment où le navire est entré dans les eaux territoriales françaises. Lui-même entendu par les gendarmes à Papeete –après que le navire a été tracté depuis Raroia jusqu’à Tahiti grâce à l’intervention du Jasmin et du Aito Nui 1–, le capitaine a expliqué qu’il avait prévenu sa compagnie, mais pas les autorités car il estimait que son navire « n’était pas en danger » !
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Pour Maître Piriou, les 10 987 tonnes de calcine de zinc et 500 tonnes de fioul nécessaires à la propulsion du navire représentaient évidemment un grave danger environnemental en cas de fuite. « C’est notre patrimoine commun qui a été mis en danger. » Une fuite qui n’a pas eu lieu, notamment grâce à la double coque du navire, « et grâce à la chance ! », s’est exclamé l’avocat du Pays.
Quant à savoir pourquoi le capitaine, qui a reconnu les faits, n’a pas prévenu les autorités, Me Piriou a imaginé que « la course au profit et à l’économie » avait dicté sa conduite. Car le dépannage réalisé ensuite par les deux bâtiments de l’État et du Pays a un coût, plusieurs dizaines de millions d’euros, entièrement réglé depuis par l’assurance de la compagnie. Me Piriou a enfin demandé deux millions de Fcfp d’indemnités au titre du préjudice moral et du préjudice d’image.
De son côté, l’avocat du capitaine et de la compagnie, Me Guilloux, a rappelé qu’il n’y avait pas eu de pollution ni d’élément intentionnel de la part du capitaine, ce que conteste le Pays. Il a également demandé la clémence du tribunal à l’égard du capitaine, jamais condamné, proche de la retraite, et au salaire relativement peu élevé (418 000 Fcfp par mois).
La procureure pour sa part a requis une peine de prison de 12 mois avec sursis pour le capitaine et une amende de 200 000 euros (24 millions de francs), le maximum prévu par la loi. Des réquisitions suivies à la lettre par le tribunal qui a spécifié par ailleurs que la compagnie devrait prendre en charge l’amende à hauteur de 195 000 euros.
Le tribunal a en revanche rejeté les demandes d’indemnité du Pays.