Au départ, rien ne prédestinait Joy à être naturopathe. Après un baccalauréat scientifique obtenu à Tahiti et des envies d’ailleurs, elle s’envole au Canada pour une licence en psychologie souhaitant devenir pédopsychologue : « Vers la fin de ma licence, je me suis rendue compte que l’alimentation m’intéressait de plus en plus, et je ne voulais pas refaire une licence pour être nutritionniste. Et j’ai découvert la naturopathie. Mais ce sont des études qui coûtent très cher car ce ne sont que des écoles privées ». Toujours à Montréal, la jeune femme décide alors de suivre d’abord pendant un an un programme pour être coach de santé. Des cours à distance qui lui permettent de travailler en parallèle et de mettre des sous de côté afin de faire par la suite ses 4 années d’études en naturopathie. Des études différentes mais complémentaires : « La psychologie m’aide à comprendre un peu le background des gens, ça apprend aussi la tolérance ».
Mais la naturopathie, c’est quoi au juste ? Si son nom évoque la « thérapie par la nature », l’OMS (Organisation mondiale de la santé) la définit comme « un ensemble de méthodes de soins visant à renforcer les défenses de l’organisme par des moyens considérés comme naturels et biologiques ». Avec la naturopathie, « on vient rééquilibrer le mode de vie d’une personne pour que son corps soit capable de combattre n’importe quelle maladie. Même quand il y a des maladies qui ne peuvent pas être guéries, on peut au moins en alléger les symptômes » précise Joy.
Le déclic pour la naturopathie, elle l’a eu progressivement : « J’ai toujours été très gourmande de tout ce qui est biscuits etc. mais je faisais beaucoup de sport et je restais très fine ». Arrivée au Canada, entre l’hiver et sa nouvelle vie loin de sa famille, Joy prend du poids : « et j’avais une peau acnéique. J’avais tout essayé et rien ne fonctionnait. Je ne me sentais pas bien, je n’étais pas en bonne santé. Et cela ne me ressemblait pas ».
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Après un retour à Tahiti pour les vacances, celle qui deviendra naturopathe décide de se reprendre en main : « Lors de ma deuxième année au Canada, je me suis intéressée à l’alimentation. Je ne voulais pas tomber dans les régimes alimentaires, compter les calories. J’ai commencé à beaucoup me documenter ». Véganisme, régime crudivore… Pendant 4 ans, Joy revoit totalement son alimentation : « Cela a changé ma vie. j’ai découvert un autre monde ». Aujourd’hui, Joy n’est plus vegane mais elle ne mange ni viandes ni produits laitiers : « J’étais vegane pour ma santé, les animaux et l’environnement. (…) Au Canada, il y a de plus en plus de petites entreprises locales qui font des œufs bio de poules élevées en plein air, qui font de la pêche responsable… et je trouvais que c’était bête de ne rien acheter parce que je suis vegane, et ce n’est pas comme ça qu’on sauve la planète. Je trouvais que, justement, de soutenir ces gens-là ça pouvait encore plus aider, donc j’achetais leurs produits mais je ne les mangeais pas, je les donnais à mon copain. Et en voyant mon copain en manger, ça commençait à me retenter ». À Tahiti, Joy remange du poisson cru et choisit ainsi de réintégrer le poisson dans son alimentation. Car la clé, c’est avant tout de s’écouter.
S’écouter et arrêter de se mettre la pression tout en s’aidant de la nature
Après 8 ans passés au Canada, Joy revient au fenua en 2020 qui est alors en pleine crise sanitaire. Une alimentation saine, une activité physique régulière et une bonne gestion du stress sont les 3 bases fondamentales de la naturopathie. Et niveau stress, la Covid-19 n’a pas arrangé les choses : « C’est surtout tous ceux qui sont passés en télétravai,l parce que finalement ils me disent que c’est pire au niveau de la charge de travail, et il n’y a plus d’horaires. Ils sont complètement déséquilibrés ».
« On s’aide de la nature, mais c’est aussi à la personne de faire beaucoup d’efforts dans son quotidien pour s’ajuster »
Plusieurs choses rentrent en compte quand on va voir un naturopathe. Chaque séance est personnalisée et adaptée à la personne. Des pistes lui sont données par s’aider à s’aligner, mais il n’y a pas de programme précis à suivre contrairement à un diététicien ou un nutritionniste, qui peuvent se voir en complément d’un naturopathe.
En effet, la médecine va venir soulager un symptôme ou guérir une maladie tandis que la naturopathie pourra soutenir le corps de la personne pour un retour à la santé au long terme. L’idée étant de rétablir les déséquilibres qui auraient pu, au départ, causer la maladie : « Si la personne suit un traitement particulier qui peut occasionner des effets secondaires, on peut, en naturopathie accompagner le traitement et limiter les effets indésirables possibles. Pour moi, c’est vraiment important que les médecines puissent travailler de pairs et je ne diminuerai jamais l’importance de la médecine conventionnelle. (…) Je ne suis pas coach sportive, donc je ne fais pas de programme. Mais par exemple, quelqu’un qui me dit qu’il va au crossfit tous les jours, je peux savoir par rapport à sa composition corporelle, à ce qu’il fait dans la vie, si c’est trop pour lui, et lui conseiller du pilate, du yoga… On va s’aider de la nature quand on va vouloir se supplémenter avec des huiles essentielles, des tisanes, des vitamines, des minéraux. J’ai aussi une sphère gestion du stress. Il y a aussi les relations personnelles qui rentrent en compte. On a les fleurs de Bach qui travaillent beaucoup sur tout ce qui est émotionnel. Donc on s’aide de la nature, mais c’est aussi à la personne de faire beaucoup d’efforts dans son quotidien pour s’ajuster ».
« Au final, la naturopathie, c’est juste un retour à avoir une bonne hygiène de vie »
Une supplémentation peut parfois s’avérer nécessaire : « Une pomme aujourd’hui et une pomme d’il y a 50 ans, ce n’est pas pareil. Aujourd’hui, elle n’est plus assez riche, elle a perdu des minéraux car nos sols s’appauvrissent. Même si on le voulait, c’est difficile d’avoir tous les minéraux et nutriments qu’on a besoin=, donc je pense que les compléments alimentaires ont aussi leur place ».
L’orthorexie ou l’obsession du manger sain
En plus de s’écouter, il faut également arrêter de culpabiliser : « Personne a dit qu’il fallait suivre telle ou telle règle pour être en bonne santé. Ce n’est pas parce qu’on a mangé super sainement pendant 4 jours et des cochonneries le 5ème jour qu’on va être malade. On se rééquilibre le lendemain, ce n’est pas grave. Je pense qu’on a crée une nouvelle maladie, l’orthorexie, où les jeunes veulent suivre les tendances qu’ils voient sur les réseaux sociaux du manger sain, et dès qu’ils vont manger un truc qui n’est pas normalement dans la diète, ils vont se rendre malades. Il ne faut pas trop se mettre de règles et de pression, sauf si ce sont des convictions autres comme environnementales ou religieuses, mais si c’est pour notre santé, il faut savoir lâcher prise« .
Aller au plus simple
« Souvent, on se dit qu’il faut manger sainement pour être en bonne santé et au final, on se crée beaucoup de stress par rapport à ça. On se pose beaucoup trop de questions. (…) Les Tahitiens avant, ils mangeaient très bien. Il n’y avait que des produits frais, des légumes racines, du poisson frais » rappelle la naturopathe. « Il faut faire du mieux qu’on peut. Il ne faut pas oublier qu’on peut aussi jouer avec la lactofermentation qui apporte des enzymes, des minéraux, des germinations… On peut transformer les aliments et faire des choses super simples et qui ne coûtent pas beaucoup d’argent. Par exemple, on peut faire germer des lentilles et avoir des petites pousses. Mais déjà, si on évite tout ce qui est fast food et transformé, c’est bien, il faut aller au plus simple. (…) Et on a plein de ressources aujourd’hui pour faire un peu de sport chez soi, on a YouTube. On a une vision trop carrée de la santé, et les réseaux, ça n’aide pas forcément ».
Les réseaux sociaux justement, Joy s’en sert régulièrement. Une façon de communiquer pour elle, mais aussi de vulgariser l’information. Elle y distille des recettes ou encore des conseils et des posts informatifs : « Je veux que les gens comprennent qu’être en bonne santé, ce n’est pas si compliqué, il y a plein de petites astuces ».
La clientèle de Joy est principalement féminine, et vient souvent pour des déséquilibres hormonaux : « La plus jeune femme que j’ai a 18 ans, et après j’en ai pour des problèmes de ménopause. J’ai eu beaucoup de cas d’endométriose et d’ovaires polykystiques, toujours liés à de l’infertilité. C’est un peu le combat que j’aime bien mener. Je me focalise surtout sur les femmes qui ont du mal à tomber enceinte« .
« On aurait moins besoin de naturopathes si l’éducation était bien faite »
Même si on prépare le corps et qu’on le rééquilibre, pour son esprit, le tout est d’informer en amont : « On n’apprend pas assez les choses aux femmes à l’école sur leur cycle menstruel. Comme le fait que d’avoir mal au ventre au point que c’est handicapant, quand on a ses règles, ce n’est pas normal. Il y a des choses que l’on peut faire pour éviter ça. Ou prendre la pilule parce qu’on a de l’acné et pas de relation, ce n’est peut-être pas la meilleure solution. Et qu’un cycle doit durer 28 jours, sinon c’est pas un cycle normal, c’est pas vrai non pus. (…) On est toutes différentes. Il y a plein de nuances. Et c’est vraiment important que les jeunes filles soient au courant. C’est comme l’endométriose, on peut attendre 7 ans avant d’être diagnostiqué, et je pense aussi que c’est parce que les filles ne sont pas au courant qu’il peut y avoir une pathologie derrière leurs douleurs de règles ».
« On aurait moins besoin de naturopathes si l’éducation était bien faite. Quand on voit aujourd’hui toutes les maladies qu’on a, les taux d’obésité, l’infertilité… Il y a un gros travail au niveau de l’éducation à faire » insiste Joy.
« Nos fringales et nous »
Du haut de ses 27 ans, Joy a déjà publié un livre dont l’écriture a débuté au Canada et s’est achevée à Tahiti : « C’est plus un livre pour rapprocher les gens de l’alimentation intuitive, donc savoir s’écouter, savoir contrôler nos fringales, pourquoi on a envie de sucre, de café, de salé, et se poser les bonnes questions à chaque fois. (…) J’avais ce besoin de partager tout ce que j’avais appris ».
On retrouve 3 exercices à la fin du livre qu’on peut imprimer et faire tous les jours : « ils sont faits pour noter et décortiquer toutes les envies qu’on a, pour pouvoir les analyser ». Et Joy ne compte pas s’arrêter là : « Je ne pense pas que ça sera le dernier, j’ai encore plein d’idées ». Elle aimerait également plus tard « travailler dans un immeuble ici avec d’autres praticiens que ce soit des sages-femmes, des acupuncteurs, et d’autres médecines alternatives mais aussi conventionnelles. Je trouve qu’on a tous beaucoup à s’apporter ».
La naturopathie, une pratique pas encadrée en Polynésie
En Polynésie, il n’y a pas encore d’ordre des naturopathes, la profession n’est peu voire pas encadrée déplore Joy Pouliquen. « Moi, je suis certifiée car j’ai été diplômée d’une école ». Elle fait également partie d’une association au Québec. Plusieurs associations de naturopathie sont reconnues et exigent un certain parcours. En Polynésie, il n’y a pas d’associations ou de fédération pour les naturopathes ni de formations certifiantes à l’instar de l’ENTC qui ne dispense que des cours de kinésiologie via une enseignante locale qui fait partie de la Fédération Française de Kinésiologie.
Pour rappel, la naturopathie ne concerne pas que les adultes, tous les âges sont concernés. À Tahiti par exemple, Ljubav Ciceron est spécialisée en naturopathie pour les bébés.
Plus d’informations :
Les consultations peuvent se faire chez Joy à Punaauia ou par Whatsapp.
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– [email protected]