Philippe Cathelain : « En janvier 2024, si Moetai Brotherson s’y prend bien, on pourra commencer à produire du cannabis »

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Le président du syndicat du chanvre polynésien, Philippe Cathelain était l’invité du journal de TNTV, ce lundi soir. L’occasion de faire le point sur le chantier de la légalisation du cannabis à des fins thérapeutiques au Fenua. Philippe Cathelain considère que la Polynésie pourrait commencer à en « produire » à compter de janvier 2024, si tous les textes nécessaires étaient adoptés d’ici là. Il estime que le marché intérieur pourrait représenter « un milliard » de Francs. Mais selon lui, c’est surtout grâce aux exportations que le Pays aurait beaucoup à gagner.

Publié le 09/05/2023 à 11:05 - Mise à jour le 09/05/2023 à 11:13

Le président du syndicat du chanvre polynésien, Philippe Cathelain était l’invité du journal de TNTV, ce lundi soir. L’occasion de faire le point sur le chantier de la légalisation du cannabis à des fins thérapeutiques au Fenua. Philippe Cathelain considère que la Polynésie pourrait commencer à en « produire » à compter de janvier 2024, si tous les textes nécessaires étaient adoptés d’ici là. Il estime que le marché intérieur pourrait représenter « un milliard » de Francs. Mais selon lui, c’est surtout grâce aux exportations que le Pays aurait beaucoup à gagner.

TNTV : Savez-vous pourquoi la signature de la convention avec l’ILM par le procureur de la République tarde ?

Philippe Cathelain : « Nous n’avons pas cette information. Ce que l’on peut dire, c’est que dans notre syndicat, nous avons été assez critiques sur le contenu de cette dérogation accordée à l’ILM par le président Fritch, en mars 2022, puisqu’elle se basait sur des saisies judiciaires. Or, si l’on veut développer une filière de cannabis médicale, ce n’est pas sur les saisies judiciaires que l’on pourra faire les meilleures analyses parce qu’on parle de fleurs de cannabis à maturité. Or, le gendarme qui vient saisir des pieds de cannabis chez vous ne va pas attendre que les plantes soient à terme ».

TNTV : Il y a des milliers de plants saisis chaque année au Fenua. Ne pensez-vous pas que l’on puisse en prélever une partie pour les analyses ?

Philippe Cathelain : « Même si l’ILM identifiait une belle génétique parmi les saisies judiciaires, il n’aurait pas accès à cette génétique puisque la Justice détruit systématiquement les saisies de stupéfiants. Donc, cela ne mènera à rien.

TNTV : Entendez-vous discuter de ce sujet avec le futur gouvernement ?

Philippe Cathelain : « Ce qu’il faut savoir, c’est que le président Fritch a pris un deuxième arrêté qui va permettre à l’ILM de produire du cannabis dans un cadre de recherche scientifique. Il est question d’identifier différentes variétés de cannabis qui viendront répondre aux besoins des malades. Si l’on se réfère à l’expérimentation française, on va avoir besoin de cannabis fort en THC, de cannabis fort en CBD, et du cannabis sur un ratio 1 sur 1. Ces différentes formulations de cannabis répondent à diverses pathologies et tout cela est contrôlé par l’ANSM (L’Agence Nationale de Sécurité du médicament, Ndlr) et c’est une bonne chose. J’aimerai remercier la direction de l’ILM, puisque c’est un travail qu’il fallait faire. La légalisation du cannabis, ça suppose aussi que le Pays anticipe le contrôle de cette production. Donc il faut un organisme public de contrôle qui viendra analyser les productions destinées à la fabrication de médicaments ».

TNTV : Il reste encore, selon vous, un long chemin à faire avant le lancement d’une filière de cannabis thérapeutique en Polynésie ?

Philippe Cathelain : « Nous avons déjà perdu beaucoup de temps puisque c’est un sujet que nous avons porté en 2020 avec le ministre de la Santé, Jacques Raynal. Le Tapura en avait fait une priorité mais ils ont en quand même mis trois ans à réformer la loi sur les substances vénéneuses. Mais il manque encore près d’une dizaine de délibérations et d’arrêtés d’application qui doivent notamment venir définir les différentes variétés cultivées, les méthodes d’analyses, quel médicament pourra être fabriqué, est-ce que la fabrication de médicaments est une compétence du Pays ? Il faut répondre à toutes ces questions ».  

TNTV : Quel rôle joue votre syndicat dans ces discussions ?

Philippe Cathelain : « Depuis plus d’an un que nous existions, nous avons réussi à fédérer pas mal de profils : des médecins, des pharmaciens, des chimistes. Nous avons également des partenaires à l’international. Nous sommes en contact avec la Nouvelle-Zélande. Car si on légalise le cannabis médical demain, on ne pourra pas produire des médicaments ici, en Polynésie française. Cela voudra dire qu’il faut importer des médicaments. A partir de la France ? Ou pouvons nous travailler avec la Nouvelle-Zélande ? Nous avons encore beaucoup de questions en attente de réponses ».

TNTV : Mais la Polynésie a-t-elle des atouts pour produire elle-même ?

Philippe Cathelain : « Oui. L’approvisionnement par l’importation vient répondre à un besoin urgent des malades. Nous n’avons pas encore de médicament fabriqué, ici, à Tahiti.  Mais il serait opportun de profiter, dès le départ, de ces cultures expérimentales, c’est ce que fait l’ILM, pour pouvoir les homologuer. Car ces variétés doivent être homologuées par un arrêté du prochain gouvernement qui pourra être mis à disposition des futurs acteurs, agricoles notamment, pour fournir les laboratoires pharmaceutiques qui auraient la charge de la fabrication des médicaments ».

TNTV : Avez-vous une idée des retombées financières possibles pour la Polynésie ?

Philippe Cathelain : « Si l’on parle du marché intérieur, avec une projection de 3000 patients, cela représente un marché d’une valeur d’un milliard Fcfp. Un milliard Fcfp ce n’est pas rien. On peut imaginer une fiscalité à 20%, donc cela ferait quand même une rentrée fiscale de 200 millions Fcfp par an. Mais l’intérêt de légaliser le cannabis médical, ici, ce n’est pas simplement de répondre à un besoin (…) mais de proposer une alternative thérapeutique à tous les patients qui le souhaitent. Au-delà de ça, ce que nous voulons, c’est développer les exportations. C’est là où le Pays va trouver son intérêt par l’importation de devises. Et le marché qui s’ouvre à nous, en premier lieu, c’est la France. On parle d’un marché de 700 000 à 1 million de patients par an, ce qui nous fait une valeur de marché entre 40 et 50 milliards Fcfp. Je ne dis pas que la Polynésie française va fournir les 50 milliards Fcfp mais on peut participer, car la France n’est pas prête ».

TNTV : Moetai Brotherson devrait être élu, vendredi, à la tête du Pays. Avez-vous déjà un rendez-vous de pris avec lui ?

Philippe Cathelain : « Nous n’avons pas encore ce rendez-vous mais nous avons déjà pris contact avec Moetai (Brotherson, Ndlr). Nous attendons qu’il installe son gouvernement. Une fois que son gouvernement sera installé, il nous conviera à des réunions de travail afin que nous puissions apporter notre expertise puisque, comme je le disais, nous avons des partenaires à l’étranger qui sont en attente. Nous avons aussi des investisseurs locaux et étrangers qui se positionnent déjà et beaucoup de patients en état d’urgence qui veulent que ça aille beaucoup plus vite, puisque c’est avant tout une question des souffrance des personnes ».

TNTV : Vous comptez donc mettre à profit les 5 années à venir pour y parvenir…

Philippe Cathelain : « Si on se tient à la loi que le Tapura a fait voter en janvier, il y a un délai d’un an pour faire voter les délibérations et les arrêtés d’application. Cela veut dire qu’en janvier 2024, si Moetai (Brotherson, Ndlr) s’y prend bien, on pourra commencer à produire du cannabis, ici, en Polynésie française ».

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