Patricia Grand : « on guérit du cancer » si on consulte « tôt »

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Publié le 31/03/2019 à 9:26 - Mise à jour le 31/03/2019 à 9:26

En vidéo, l’interview de Patricia Grand

Informer le grand public sur le cancer, c’est quelque chose de toujours indispensable aujourd’hui… 
« Tout à fait indispensable puisque les médecins constatent, en particulier les gynécologues, que trop de femmes arrivent encore avec des énormes tumeurs qu’on ne voit plus du tout en France. »

C’est ce qu’expliquait le docteur Spielmann (cancérologue et médecin, NDLR) hier lors de sa conférence. Il a remarqué qu’ici en Polynésie, les femmes tardent trop à consulter un spécialiste en cas d’anomalie. Comment est-ce que vous l’expliquez ?
« je crois que malheureusement, beaucoup encore de femmes ne savent pas ce qu’est le cancer. Beaucoup pensent que ça n’arrivera qu’aux autres et pas à elle. Pourtant, pour le cancer du sein, les recommandations sont simples : une fois par mois, après les règles, se palper les seins. Si on a une petite boule : consulter. Lorsque le constat est fait, lorsque le médecin dit « vous avez un cancer », qu’il préconise un traitement, il faut se faire traiter. Encore beaucoup de Polynésiennes attendent, veulent essayer les ra’au Tahiti et quand elles reviennent, c’est souvent trop tard. 
Et à partir de 50 ans, la mammographie est gratuite. C’est le gouvernement de la Polynésie, le ministère de la Santé qui paie. Bientôt certainement, l’échographie sera aussi gratuite, ce qui permettra de trouver des tumeurs vraiment petites qui devront être opérées bien sûr. À partir de là, les chances de survie sont beaucoup plus grandes. »

Lorsque le cancer est détecté plus tôt, les chances de guérison sont importantes…
« Les chances de guérison sont à peu près de 85% lorsque les tumeurs sont petites. Les nouveautés aussi, ce que M. Spielmann nous a apporté, c’est que peut-être, bientôt, avec des tests supplémentaires, on pourra peut-être même réduire le nombre de séances de chimio, réduire le nombre de séances de radiothérapie, ce qui va faire que les femmes seront moins fatiguées. Et le coût pour la société sera beaucoup moins élevé. »

Quels sont les signes qui doivent inciter les femmes ou les hommes à consulter ?
« Pour les femmes, un petit écoulement du titi, il faut se poser des questions. Lorsqu’on a 55 ans, bien évidemment qu’on n’attend pas de bébé. Il faut consulter. Des rides… Et le premier signe : il faut se palper le sein. Si on sent une boule, on n’attend pas. Toutes les boules ne sont pas des cancers donc raison de plus pour ne pas rester dans l’angoisse. Ensuite il faut consulter, faire sa mammographie. »

Lors des conférences, on entend beaucoup de messages d’espoir. Aujourd’hui, on connait mieux la maladie et on meurt moins. 
« Ça c’est évident. Regardez, moi, ça fait 11 ans que j’ai eu un cancer. Je suis encore en bonne santé. Ce qui est important de dire c’est que maintenant on guéri du cancer si on y va tôt. »

Donc ce n’est pas une fatalité… 
« C’est une fatalité dans le sens où si on pouvait ne pas l’avoir, ce serait bien. Mais effectivement, on n’en meurt plus comme avant. Il y a toujours des personnes qui auront des cancers agressifs. Mais honnêtement, maintenant on peut guérir 85% des cancers du sein si on y va tôt. » 

Les taux de cancer en Polynésie sont ils plus élevés qu’ailleurs ?
« Les chiffres que j’ai ne sont pas beaucoup plus élevés. Ce sont sensiblement les mêmes pour 100 femmes que ce soit en Polynésie ou en France. Le seul bémol peut-être serait pour le cancer du poumon où on a un taux plus élevé. La thyroïde, on n’y reviendra pas. On a un taux plus élevé. Certains diront « c’est la bombe atomique »… Il y a effectivement un nombre plus élevé, mais il faut savoir qu’en Nouvelle-Calédonie le taux est encore plus élevé, 4 ou 5 fois plus élevé. »

Donc vous pensez que le nucléaire a quand même favorisé les cas de cancer…
« Je pense, qu’il y a certainement des cas de cancer, pas beaucoup de ce que je sais, d’après les informations de M. Florent de Vathaire qui est un chercheur qui a travaillé dessus, il y a certainement eu des cas de cancer chez les personnes qui ont travaillé ou habité dans les zones proches de Moruroa. Je ne dis pas le contraire. Mais quand j’entends certaines personnes m’affirmer que tous les cancers sont liés à la bombe, là j’avoue que les bras m’en tombent. »

La prise en charge des malades au fenua est-elle satisfaisante selon vous ? 
« Je dirais que la prise en charge est satisfaisante parce qu’on n’a pas à se plaindre. On a un bon service de radiothérapie. Il nous manque peut-être encore, et le ministre ne va pas se fâcher si je lui répète encore, peut-être qu’il faudrait veiller à ce qu’on ait un peu plus d’oncologues. C’est ce que le président à l’époque avait promis. Pour le reste on a un très bon matériel. On est soignés très correctement. D’ailleurs docteur Spielmann le confirme parce qu’il est à l’IGR ( Institut de Cancérologie Gustave Roussy, NDLR) donc il sait exactement ce dont la Polynésie dispose. 
Je voulais juste rajouter un petit mot. Puisqu’on parle de la semaine du cancer. Le cancer de la prostate, c’est 110 nouveaux cas par an. À partir de 50 ans, si les hommes pouvaient penser à faire une prise de sang pour le taux de PSA et c’est le médecin qui dira si le taux a monté, ça nécessitera un suivi. »

D’autres conférences sont-elles prévues ? 
« Effectivement, une autre conférence est prévue le 6 avril à Uturoa. Nous avons contacté le maire de Uturoa Sylviane Terooatea, Thomas Moutame et Cyril Tetuanui pour qu’ils fassent le ramassage. J’espère que ce sera fait puisque c’est vraiment une grande opportunité d’autant que docteur Spielmann est un grand spécialiste et il s’exprime vraiment simplement. Toutes les femmes qui ont eu des questions à poser ont eu une réponse. Il n’y a aucun souci pour ça. On leur dit d’ailleurs « posez vos questions, même si vous pensez qu’elles sont idiotes. Il n’y a pas de questions idiotes ». Docteur Spielmann est quelqu’un qui met en premier l’humanité dans la prise en charge des patients. Ça, c’est vraiment important et ça se ressent dans ses conférences. » 

PRATIQUE

Conférence débat du docteur Spielmann dédiée aux patients et leur entourage
Samedi 6 avril 
Raiatea, mairie de Uturoa, de 9 h à midi 

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