Paka : la confiscation des terres est légalement possible, mais…

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Publié le 10/10/2018 à 16:24 - Mise à jour le 10/10/2018 à 16:24

« Les terres qui ont servi à planter du paka peuvent être saisies si le juge en décide. (…) Pour les Polynésiens, ce serait évidemment quelque chose de très lourdement subi. Mais il y a des actes à avoir pour lutter contre ces phénomènes de stupéfiants », avait déclaré mercredi le haut-commissaire René Bidal, déclenchant moult réactions de toutes parts. Rien que sous l’article publié sur notre page Facebook, pas moins de 430 commentaires sont apparus en 24 heures.
 
Et pourtant, la saisie et la confiscation en matière pénale sont des pratiques prévues par la loi depuis déjà plusieurs années. La loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter ces pratiques avait permis de moderniser et de simplifier les procédures de saisies pénales. Des saisies à titre provisoire, qui peuvent être définitives en cas de récidive, et qui concernent des condamnations de plus d’un an pour des faits de trafic de stupéfiants, mais aussi d’escroquerie, de corruption, de production de fausse monnaie ou de proxénétisme, par exemple. C’est le juge des libertés et de la détention qui autorise ou non la saisie pénale immobilière.

> Une disposition déjà appliquée dans certaines affaires

La confiscation des avoirs criminels peut porter sur tout bien du condamné, quelle que soit son origine, licite ou illicite, et quelle que soit sa date d’acquisition par rapport à la date de l’infraction. Mais cette disposition a-t-elle déjà été appliquée au fenua, et ailleurs sur l’hexagone ? « Bien sûr, confie le procureur de la République Hervé Leroy. Ça s’est fait en métropole mais également ici. On a eu quelques procès retentissants au terme desquels les trafiquants de stupéfiants se sont vu confisquer, après saisie préalable, des biens immobiliers, des maisons ainsi que des appartements et des terrains. » Ces derniers concernaient surtout des affaires d’ice. Mais dans le cas particulier de trafic de cannabis, à la connaissance du procureur, il n’a encore été procédé à aucune saisie de terre.

> « Est-ce une bonne solution ? »

Au-delà de faire réagir les internautes, les propos tenus par René Bidal ont également surpris dans les rangs de la magistrature. Au barreau, quelques réserves sont émises. « C’est une mesure légalement possible, mais est-ce une bonne solution ? », s’interroge Me Thibaud Millet. « En pratique, je vois difficilement mettre en œuvre ce genre de mesure avec les problèmes d’indivision qu’on peut avoir, poursuit-il. Et il me semble que ça irait à rebours de l’histoire. Dans le monde aujourd’hui, on n’est pas dans le sens d’une aggravation de la répression en matière de cannabis, on est plutôt en train de se poser la question de la légitimité de cette classification du cannabis en stupéfiant et de la légitimité de la politique répressive qui ne sert manifestement à rien depuis sa mise en œuvre dans les années 50. On le voit avec la France qui est le pays le plus répressif d’Europe et où la consommation est la plus importante… »
 
 

Rédaction Web avec Laure Philiber, Jean-Baptiste Calvas et Naea Bennett

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