Najat Vallaud Belkacem: « Polynésie un jour, Polynésie toujours »

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Publié le 23/10/2016 à 11:51 - Mise à jour le 23/10/2016 à 11:51

L’Etat verse 63 milliards Fcfp par an pour l’Education en Polynésie, c’est plus par élève qu’en Métropole. Et pourtant….37% des jeunes sont illettrés, le taux de réussite au brevet a chuté de 11 points en trois ans et le taux de décrochage scolaire est très élevé. Est-ce-que vous n’avez pas l’impression que l’efficacité de l’enseignement, ici, n’est pas à la hauteur des moyens que vous y allouez ?

« Les défis que vous venez d’évoquer sont complètement perçus et pris en compte par les autorités polynésiennes. Je suis venue dire tout simplement que la république française est aux cotés des autorités polynésiennes pour faire réussir ces élèves. C’est vrai qu’il y a un taux d’illettrisme très important et la meilleure façon d’y remédier (…) c’est de mettre en place des plateformes de suivi des jeunes décrocheurs pour leur permettre d’avoir une seconde chance de revenir. Nous avons signé un protocole dernièrement qui nous permet de mettre des psychologues scolaires, des enseignants à disposition de ces jeunes. (…) La meilleure réponse à apporter, c’est en amont. C’est à dire veiller à ce que les jeunes ne décrochent pas, qu’ils aient de bons résultats dès les premières années de leur scolarité. C’est pour cela que j’ai voulu que l’on donne plus de moyens aux établissements scolaires, notamment à ceux que l’on a placés en Réseau d’Education Prioritaire Renforcé. (…) Depuis 2015, il y a cinq collèges qui bénéficient de plus d’enseignants, de systèmes de tutorats renforcés, et quand je suis allée à Papara et à Rangiroa, on m’a démontré que les résultats étaient là depuis deux ans.(…) »

Le décrochage scolaire est parfois du à une difficulté pour les élèves de se rendre à l’école. L’internat est une solution, mais en 2015, la participation de l’Etat dans les transports scolaires a baissé de 35%. Là vous annoncez que cela remonte un petit peu, mais ce n’est même pas au niveau de 2014 ?

« Effectivement, le transport scolaire participe aussi au décrochage scolaire. Etre obligé de se lever à trois ou quatre heures du matin pour rejoindre un collège quand on a onze ans ou douze ans, c’est très difficile. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu annoncer que la république française allait aider à la construction et à la rénovation de trois internats supplémentaires (…) cela veut dire 300 places supplémentaires pour ces jeunes gens. Sur les transports scolaires, (…) j’ai annoncé que cette année, c’est 30 millions Fcfp supplémentaires qui vont être mis en place pour aider davantage aux transports scolaires (…) En ce moment même, il y a une loi qui est en discussion au Parlement, la loi Egalité Réelle pour les Outremers, qui apportera des réponses à ce problème. »

La réforme du numérique est vraiment un sujet qui vous tient à cœur. Mais vous vous êtes rendue compte que dans les îles, la connexion internet est catastrophique. N’aurait pas t’on mis la charrue avant les bœufs ?

« (…) En rentrant à Paris, je plaiderais pour que la Polynésie puisse aussi solliciter le concours du fonds Haut Débit que nous avons mis en place au niveau national pour installer ces infrastructures et la fibre optique, et derrière cela, sachez que nous finançons (NDLR: Le ministère de l’éducation) la moitié des équipement numériques, c’est à dire, les tablettes, les ordinateurs qui seront ensuite distribués dans les collèges et les écoles ».
 
Un des problèmes majeurs de l’éducation en Polynésie, c’est aussi la vétusté des établissements scolaires, selon vous, est ce que l’Etat doit accompagner plus le Pays dans la restauration de ceux-ci ?

« Il y a quelques années c’était un autre gouvernement en France qui avait mis fin à la dotation globale d’investissement. Nous avons restauré cette dotation depuis 2013, c’est ce qui nous permet de soutenir la Polynésie lorsqu’elle rénove ses établissements scolaires ou construit des internats ».

Nous avons une question d’une internaute, qui vous demande s’il ne serait pas possible d’envisager l’augmentation de postes pour les professeurs de tahitien ?

« Il y a dans le premier degré, des heures d’enseignements qui sont fixées, stabilisées ce qui fait que tous les élèves ont accès à l’apprentissage de cette langue. La réforme du collège donne plus d’heures, ce qui se traduit par plus d’enseignants. désormais la langue vivante 2, qui peut être le tahitien, est apprise dès la cinquième et non plus en quatrième comme c’était le cas, ce qui veut dire, plus d’heures et de façon plus précoce (…) donc, en effet vous allez voir arriver davantage d’enseignants sur ce sujet (…) ».

A quelques mois des présidentielles, en tant que membre du parti socialiste, vous n’avez pas profité de cette occasion pour rencontrer le Tavini qui pourtant est le parti auquel vous êtes lié en Polynésie, dites nous qu’elles sont les alliances que votre parti souhaite mettre en place en Polynésie ?

« Je ne souhaite pas m’exprimer sur les échéances politiques à venir,(…) La réussite éducative de notre jeunesse, c’est cela qui m’intéresse (…) cette question là, de la réussite éducative de notre jeunesse, doit transcender les clivages partisans, et c’est très important que l’on ai signé cette convention décennale, qui coure donc sur dix ans, c’est une façon de dire notre confiance dans l’avenir et que ce type de convention ne doit pas être remis en cause au gré de telle ou telle alternance. »
 
Vous avez déclaré que vous allez être l’ambassadrice de la Polynésie en France, il vous reste quelques mois avant la fin du quinquennat, comment comptez vous vous y prendre ?

« Alors là, vous pouvez compter sur moi, car j’ai été très sensible à tout ce que j’ai vu ici, et par exemple sur le numérique je compte bien plaider à ce que la Polynésie puisse être suffisamment aidée sur le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble des îles, parce que c’est essentiel, quasiment vital ici. Donc je le ferais. Pour le reste, je garderais en mémoire un accueil extraordinairement chaleureux, et j’ai adoré aller au contact des élèves, les écouter. Je les ai trouvé d’un courage et d’une dignité impressionnante, (…)  Polynésie un jour, Polynésie toujours. »
 

Rédaction Web

L’intégralité de l’interview de Najat Vallaud Belkacem par Tamara Sentis

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