Tout jeune déjà, il développe un goût prononcé pour la lecture, la philosophie… « J’ai toujours aimé tout ce qui était intellectuel », explique-t-il. Pourtant personne dans sa famille n’a particulièrement de lien avec la politique ou n’a fait de très longues études. « Mon père est sans emploi et ma mère est couturière. »
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Au lycée, Manatea s’oriente vers une filière littéraire… option mathématiques. « Je ne trouvais pas mon bonheur en S. Il n’y avait pas assez de littérature et en L il me fallait quand même quelque chose de scientifique donc j’ai pris L option maths. J’adore les maths. »
Il obtient son baccalauréat avec une mention Très bien et décide de ne surtout pas s’arrêter là :« Tout de suite ça m’est venu : il faut que je parte, que je fasse de grandes choses ».
> Dispensé de l’écrit grâce à son dossier
« J’ai toujours voulu faire quelque chose d’assez général et quelque chose d’ancré aux enjeux actuels. Sciences Po, on y parle de l’actualité, de l’histoire, c’est un peu un mélange de tout et j’adore ça. » Le concours d’entrée à Sciences Po est réputé difficile. Mais Manatea franchit l’étape avec aisance : « Il y avait une sélection sur dossier, un concours écrit dont j’ai été dispensé grâce à mon dossier, et un oral. C’était dossier plus écrit, plus oral. »
Pour passer l’oral malgré la distance avec la métropole, il a fallu trouver une solution : « J’ai demandé des facilités pour passer l’oral, à ce que je puisse le faire par Skype, mais dans des conditions d’examen, c’est-à-dire que j’étais à l’université, il y avait des surveillants d’université et je passais mon oral par Skype avec des gens de Sciences Po. Du coup c’était un horaire assez arrangé, vers 5 heures du matin pour moi, 5 heures de l’après-midi pour eux. »
> Responsable d’équipe, à seulement 19 ans
En août, Manatea va entamer sa deuxième année à l’université. Il était de retour à Tahiti à l’occasion des Championnats du monde de va’a vitesse. À seulement 19 ans, il a été chargé de s’occuper des médias locaux et internationaux, mais aussi des bénévoles. « C’était vraiment une expérience incroyable. Gérer une équipe, je ne savais pas du tout comment m’y prendre et c’est venu tout seul. Ça s’est très bien passé et je suis content de tout ce qu’on a pu réaliser avec mon équipe. »
Exit le stage planqué derrière un bureau du matin au soir, Manatea était sur le terrain aux aurores et repartait au crépuscule, courant à droite et à gauche au grès des demandes des journalistes et des besoins des bénévoles. « À Sciences Po, ils ont mis en place le stage civique de terrain parce qu’ils trouvaient que les politiques s’éloignaient trop de la réalité et créaient une élite au-dessus du peuple. Donc ils ont décidé de mettre en place ce stage civique pour que les politiques prennent conscience de ce qui se passe dans la société. »
Gérer une équipe à seulement 19 ans, pas facile. Et pourtant, Manatea a trouvé ses marques assez facilement. « Il faut savoir bien expliquer, ne pas prendre de haut. Il faut aller avec eux, les suivre et leur expliquer en étant avec eux. Il ne faut pas se détacher d’eux, il faut faire partie de l’équipe et faire comprendre quand même que c’est toi qui donnes les missions ».
Tout ça, il ne l’a pas appris sur les bancs de l’université. « À Sciences po c’est plus de la théorie, c’est-à-dire qu’on apprend tout ce qui est de la démocratie, comment fonctionnent les lois, la constitution, à quoi sert le Sénat… C’est tout ce qu’on apprend, mais on n’apprend vraiment rien de tout ce qui est pratique : gérer une équipe, la vie de tous les jours. Ce stage a été mis en place par Sciences Po pour ça. Un stage de terrain pour voir comment ça se passe et pas seulement rester dans un bureau. »
> Etudier un an à Washington
En deuxième année, le Tahitien va se spécialiser en « politique et gouvernement ». Il se voit bien un jour faire de la diplomatie, être député, sénateur, ambassadeur… Pour atteindre ses objectifs, il envisage de partir un an aux États-Unis. « Il faut savoir qu’à Sciences Po, la 3e année se fait en échange international. Je pense aller à Washington dans une grande université pour acquérir des connaissances sur la politique américaine et la politique en général parce que Washington c’est le pôle politique américain et je pense que c’est une des villes où il se passe le plus de choses au niveau politique donc je pense passer une année à travailler là bas. »
Après son bachelor, Manatea envisage déjà de poursuivre ses études en « master diplomatie et relations internationales ou en affaires publiques, tout ce qui prépare aux grandes responsabilités politiques. »
> Travailler en Polynésie ?
De hautes études, une motivation sans faille…. On imagine Manatea dans quelques années, revenir au fenua pour bousculer le paysage politique local. Mais ce n’est pas dans ses projets.
« En fonction des opportunités qui se présentent peut-être, mais pour l’instant ce n’est pas mon premier souhait de revenir travailler ici. La politique ici c’est assez traditionnel, ancré dans le bipartisme entre indépendantistes et autonomistes. C’est assez fixe. Peut-être dans les années à venir, apporter un renouveau à cette politique vieillissante, mais pour l’instant ce n’est pas encore le moment je trouve. «
Manon Della-Maggiora