« Il a fallu sept ans pour modifier cette loi et enlever cette notion de risque négligeable. Entre temps, on avait élargi les zones géographiques, on avait étendu la liste des maladies… Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui ont été faites, mais ça ne fonctionnait pas. On voit bien la différence entre les sept ans qui ont pu indemniser une centaine de dossiers, et cette dernière année, 2017-2018, qui montre bien que depuis qu’on a enlevé cette notion de risque négligeable, le CIVEN peut fonctionner correctement. On a multiplié par plus de 10 le nombre de dossiers reçus. Alors bien sûr, il faut aller plus loin. Je crois que l’État aujourd’hui est vraiment partie prenante, en tout cas depuis deux ans, et dans la lignée des accords de l’Élysée, c’est ce qui s’est décidé. On est dans la reconnaissance du fait nucléaire. Il faut maintenant que ça se traduise par des actes clairs de réparation. »
Vous revenez de Paris où vous avez justement fait entendre votre voix sur la question. Vous êtes parvenue à modifier l’article 1 du projet de loi de la réforme du toilettage du statut. Sa rédaction initiale avait été vivement contestée à cause du terme « contribution ». Qu’est-ce qui vous a déplu ?
« Ce n’est pas que ça m’a déplu. C’est un travail collégial. Nous avons œuvré avec le gouvernement et l’État à la rédaction de cet article premier. Avant de parler de la modification, il faut parler de l’article en lui-même. (…) Cet article premier vient consacrer la reconnaissance de l’État, du fait nucléaire, d’avoir utilisé la Polynésie. Et donc il y a trois paragraphes à l’intérieur de cet article dans lesquels on introduit la prise en charge des malades, des victimes des essais nucléaires; le suivi de Mururoa et Fangataufa, les conséquences écologiques sur lesquelles il faudra travailler parce qu’il n’y a pas que ces deux atolls; et le troisième volet qui est le volet économique. On sentait qu’il y avait une lecture un peu différente de ce terme ‘contribution’, et l’Assemblée a effectivement souhaité à l’unanimité préciser ce terme, pour bien expliquer que ce n’était pas une volonté de la Polynésie qu’il y ait des essais nucléaires ici, mais que c’était bien la volonté de l’État. »
Pour Édouard Fritch, cette modification relève de la littérature, selon ses propres termes. Pourquoi, au contraire, ce changement est-il essentiel pour vous ?
« Je ne vais pas commenter les commentaires. Chacun sa sensibilité. J’espère qu’un jour il comprendra, et surtout, bien expliquer que cela n’a rien à voir avec le reste. Le but, c’est au contraire d’apaiser les choses et de faire en sorte que tous les Polynésiens, quelque soit leur sensibilité politique, puissent se retrouver dans cet article qui doit nous réunir avant tout. Le plus important, ce n’est pas cette modification, c’est tout le contenu de cet article premier. »
On va parler d’autres sujets, parce que bien évidemment, il n’y a pas que le nucléaire dans cette réforme du statut… Il y a un sujet qui vous tient particulièrement à cœur : le foncier.
« Avant de parler du foncier, je crois que c’est très important de bien expliquer à tout le monde que cette réforme statutaire contient une quarantaine d’articles qui vont venir modifier notre loi organique, modifier notre statut. C’est une réforme qui a été travaillée, je le rappelle, sur presque cinq années, deux gouvernements de suite, dans laquelle oui, il y a ce volet sur la question du nucléaire qui était très importante, à haute charge symbolique pour nous, et puis il y a aussi un volet fonctionnel. On voulait moderniser le droit, faire en sorte qu’on améliore les relations entre l’État, le Pays et les communes. On vient préciser la capacité des communes à intervenir dans le champ économique, dans le champ social… c’est quelque chose de très demandé. Il y a également un volet sur la coopération régionale : la Polynésie va pouvoir demain siéger dans des organisations internationales en dehors du Pacifique. Bref, il y a énormément de choses à l’intérieur qui seront utiles pour le bon fonctionnement du Pays.
Et enfin, le dernier volet, celui du foncier, oui, il me tient particulièrement à cœur parce que je l’ai suivi plus précisément. Notamment cette dernière année, avec la loi Letchimy, depuis laquelle on a effectivement introduit des modifications du code civil. Il faut juste préciser un chose : on a créé le tribunal foncier, et depuis 2015, on a travaillé à modifier ce code civil. Ce n’était pas facile, et je voudrais remercier ceux qui se sont associés à cette démarche : la Direction des Affaires Foncières (DAF), les juges, les notaires etc. et bien sûr, le ministère de la justice. On va introduire cinq modifications majeures pour demain. »
« Vous savez, je suis revenue hier… Évidemment que notre objectif à tous les 4 (…), c’est vraiment pour l’instant de rester en marge de cette campagne en attendant qu’on soit tous les 4 réunis. »
Vous confirmez que vous resterez en marge de la campagne des Européennes ?
« Tout à fait, c’est une décision qu’on a prise de manière collégiale avec Lana Tetuanui, Nicole Sanquer et Nuihau Laurey en attendant cette rencontre. On souhaite être au complet pour pouvoir en débattre avec le Président. On respecte cette décision, c’est le choix du conseil politique, du comité de majorité, soit, mais cela a de réels impacts pour nous au niveau de Paris, et donc nous allons en discuter. Pour l’instant, nous restons en marge. Je voulais juste faire une petite précision : cela n’a rien à voir avec le candidat. (…) On apprécie tous Tearii Alpha, il n’y a pas de souci. Cela n’a rien à voir avec ce ministre que l’on trouve tous compétent, qui est maire, et je pense, qui est tout à fait apte à être sur une liste aux Européennes. C’est pas le sujet. »
Vous envisagez de continuer ensemble, comme le stipule le slogan du Tapura ?
« Bien sûr ! Vous savez, dans toutes les grandes familles, il y a un moment où n’est pas toujours d’accord à 100%. (…) Il y a d’autres décisions sur lesquelles on n’a pas toujours été d’accord, mais celle-ci est vraiment très grave pour nous 4 au niveau de Paris. Donc on souhaiterait pouvoir exprimer notre position et faire comprendre qu’on aurait vraiment souhaité pouvoir en discuter avant que ce soit décidé. Parce que malheureusement, cela n’a pas été le cas. »