Loïs Bastide : « il y a une forme de honte sociale » autour de la question des violences familiales

Publié le

Un rapport de l’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire vient tout juste de sortir. Synthèse d’une enquête réalisée par le maître de conférences Loïs Bastide de l’université de la Polynésie française, le document traite du problème de violences et de maltraitances au sein des familles du Fenua. Loïs Bastide aborde le thème grâce à un travail de terrain, aux recherches ou encore aux nombreuses rencontres. Il était notre invité :

Publié le 20/01/2021 à 11:37 - Mise à jour le 20/01/2021 à 12:05

Un rapport de l’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire vient tout juste de sortir. Synthèse d’une enquête réalisée par le maître de conférences Loïs Bastide de l’université de la Polynésie française, le document traite du problème de violences et de maltraitances au sein des familles du Fenua. Loïs Bastide aborde le thème grâce à un travail de terrain, aux recherches ou encore aux nombreuses rencontres. Il était notre invité :

TNTV : C’est un rapport bien fourni de 90 pages. Combien de temps cela vous a pris pour effectuer cette enquête sur le terrain ?
Loïs Bastide, maitre de conférence en sociologie :
« L’enquête a commencé en février 2018. Au moment où j’ai rédigé le rapport, cela faisait 2 ans qu’on était en train de faire de la recherche sur cette thématique. »

Pourquoi cette thématique ?
« C’est un programme de recherche que je coordonne à la Maison des sciences de l’Homme du Pacifique, qui a un peu vocation à traiter de ce type de problématique sociale bien identifiée sur un territoire. Et c’était le cas des violences familiales. On sait que c’est un problème important ici. C’est le cas aussi d’autres problématiques qui sont abordées comme l’ice qu’on aborde aussi dans notre axe au sein de la MSHP. Donc voilà pourquoi on s’est intéressés à cette question-là. Pour proposer aussi des savoirs sur cette question pour laquelle on manquait d’éléments, de connaissances. »

Deux ans de travaux pour entamer les discussions, les prises de contact avec les familles…
« C’est ça. Il y a une vraie difficulté comme on peut l’imaginer assez facilement, à faire parler les personnes sur ces problématiques-là. Que ce soit d’ailleurs du côté des victimes, ça on le comprend bien, mais aussi des auteurs. Il y a une forme de honte sociale autour de ces questions-là où ce sont des expériences tellement douloureuses qu’elles sont difficiles à restituer en entretien. Donc on a eu beaucoup de difficultés à trouver les personnes qui acceptaient de parler. »

Quelles sont les facteurs déclencheurs les plus récurrents en terme de violences familiales ?
« Ça, on ne peut pas vraiment le dire pour l’instant parce que ce qu’on a fait c’est une enquête qu’on dit qualitative, donc on essaie de mettre en lumière des mécanismes au sein des familles, mais on n’a pas pour l’instant l’enquête quantitative qui nous permettra de montrer que certaines configurations sont plus fréquentes que d’autres. Donc il va falloir attendre cette enquête quantitative. Après, sur les mécanismes il y a des choses qu’on repère. Evidemment il y a la question économique par exemple. Qui ramène l’argent à la maison ? Il y a la question aussi des foyers polynucléaires qu’on retrouve très souvent. Donc le modèle de la maison de famille qui peut produire des situations conflictuelles. Il y a un certain rapport à la situation amoureuse aussi qu’on a identifié comme pouvant porter au développement de la violence au sein des couples… »

Toutes ces informations, vous permettent de dire que finalement, les violences intra-familiales, ce n’est pas un phénomène culturel
« Non je ne pense pas que ce soit un phénomène culturel. Après il faut hiérarchiser les facteurs qu’on identifie et ce qu’on voit c’est que, très souvent ce qui va déclencher la violence, ce sont des situations de tension qui s’installent sur un temps relativement long et ces situations de tension elles sont produites par tout un tas de phénomènes : des tensions qui sont liées à l’économie du foyer, des tensions qui peuvent être liées au modèle résidentiel par exemple. Donc il y a tout un ensemble de conditions sociales qui font qu’on se retrouve avec des situations qui sont propices au développement de situations de violence, de relations de violence. »

Alors ce rapport c’est une première étape, un large programme de recherche. Quel sera la prochaine étape ?
« La prochaine étape c’est ce volet quantitatif sur lequel on est en train de travailler. J’en profite pour faire un appel : tout un chacun peut aller remplir le questionnaire qu’on a mis en ligne (cliquez ICI). Ça concerne tout le monde, tous les résidents du territoire et ça va nous permettre de repérer les facteurs de risque de manière quantitative. Et ça c’est très important dans notre approche des violences familiales. On a déjà les mécanismes, on comprend comment on en arrive à la violence. Maintenant, ce qu’on essaie de savoir c’est quels sont les situations familiales les plus à risque. C’est l’étape actuelle qui va nous prendre encore un peu de temps… »

Dernières news