L’île polynésienne de Marlon Brando transformée en laboratoire contre le Zika

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Publié le 31/03/2016 à 8:38 - Mise à jour le 31/03/2016 à 8:38

Sur l’île de Tetiaroa, le biologiste français Hervé Bossin, chef du service d’entomologie de l’Institut Louis Malardé de Papeete –la capitale de Tahiti et ses cinq archipels, 118 îles où vivent quelque 285.000 habitants– a lâché depuis septembre 2015 plus d’un million d’insectes mâles génétiquement modifiés pour devenir porteurs d’une bactérie, la Wolbachia.

Quand cet insecte transgénique s’accouple avec les femelles du moustique Aedes aegypti, qui transmettent le virus du Zika et que l’on trouve à Tetiaroa, « le développement embryonnaire se bloque et les femelles se retrouvent stérilisées ». « Leurs nouveaux oeufs ne pourront jamais éclore », a expliqué à l’AFP le chercheur.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié d’urgence mondiale l’épidémie depuis qu’elle a commencé à sévir en octobre au Brésil, pays le plus touché avec un million de personnes contaminées. La crise du Zika s’est étendue à une vingtaine d’autres pays sud-américains.

Le type de recherche mené à Tetiaroa à partir de moustiques transgéniques et de la bactérie Wolbachia est mené dans plusieurs endroits du monde depuis plusieurs années, car l’Aedes aegypti est également vecteur d’autres maladies ravageuses comme la dengue ou le chikungunya.

En parallèle, 18 laboratoires tentent de mettre au point un vaccin anti-Zika.

L’OMS a averti il y a quelques semaines que le premier anti-virus ne devrait pas être au point avant au moins 3 ans et elle anticipe quelque quatre millions de personnes contaminées cette année.

L’étude en Polynésie française, financée par 300.000 dollars provenant des gouvernements français et polynésien en plus d’autres entités privées, est particulièrement porteuse d’espoir, parce qu’elle est en voie de parvenir à une « élimination interne » du moustique Aedes aegypti sur l’île.

« Nous avons obtenu une réduction à 1/20ème (des moustiques femelles) par rapport aux anciennes saisons des pluies », qui vont de novembre à mars, souligne M. Bossin.

« En poursuivant les lâchés, la population de moustiques va continuer à s’effondrer, on devrait tendre vers l’élimination puisqu’on a une population de moustiques qui est relativement isolée dans l’atoll de Tetiaroa » et qui ne va pas pouvoir se renouveler, poursuit-il.

Certains critiques s’alarment cependant du manque d’informations sur l’impact de l’éradication du moustique, ou le lâchage d’insectes transgéniques sur l’environnement. 

 

– Plus besoin d’insecticide – 

 

La Polynésie française avait souffert d’une épidémie de Zika entre octobre 2013 et mars 2014, celle-ci touchant entre 60% et 70% de sa population. Elle l’a surmontée avec des campagnes de sensibilisation, vaporisation d’insecticides et élimination des eaux stagnantes, principal nid de reproduction des moustiques.

Un an avant cette crise, Hervé Bossin avait déjà observé qu’un atoll de Tetiaroa réunissait les conditions « idéales » pour mener une étude pilote: « Il nous permet d’avoir un environnement bien cerné, où l’on peut contrôler une population de moustiques isolée ».

L’ancien acteur américain Marlon Brando était tombé amoureux de l’île pendant le tournage en 1962 des « Révoltés du Bounty » et en avait fait son refuge loin de la frénésie d’Hollywood jusqu’à sa mort en 2004.

Dans son testament, il stipule que Tetiaroa doit contribuer à la préservation de l’environnement et à l’étude de la biodiversité.

Ses héritiers, qui ont ouvert il y a quelques années l’hôtel de luxe « The Brando », ont cédé à Hervé Bossin et son équipe un atoll de 75 hectares qui fait partie de l’île qui s’étend sur 6 km2.

« Tetiaroa ressemble à un petit village. Il n’y a qu’entre 150 et 200 personnes qui travaillent (dans l’hôtel). Il nous permet de vérifier l’efficacité (de l’étude) avant de s’attaquer à des systèmes plus complexes ».

La diminution des moustiques femelles est telle que « plus personne n’utilise dorénavant d’insecticide » dans l’île pour se protéger, fait valoir le biologiste comme preuve du succès de l’expérience.

Si les résultats positifs se confirment en juillet, à la fin attendue de l’étude, Hervé Bossin veut transférer sa technologie vers des îles plus grandes comme Tahiti, Moorea ou Bora Bora, plus fréquentées par les touristes, pour qu’elle puisse ensuite être appliquée dans d’autres zones touchées par le virus.
 

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