« Les trois destinations de la planète ice… c’est l’hôpital, la prison ou la mort. »

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Publié le 08/10/2017 à 12:59 - Mise à jour le 08/10/2017 à 12:59

Aujourd’hui, à l’aube d’une nouvelle vie, il a accepté de revenir sur ces sombres années, dont quatre passées à Nuutania. « Si j’accepte de témoigner c’est parce qu’il ne faut pas avoir honte de quoi que ce soit. J’assume ce que j’étais à l’époque, et ce que je suis aujourd’hui ».

A l’époque Maoake était promis à un bel avenir avec les autres membres du groupe Maruao. Après s’être fait un nom sur les scènes locales, le groupe s’était produit sur la scène du Festival de Montreux, excusez du peu. Lorsque l’on sait que les Rolling Stone ou Deep Purple se sont produits là-bas, on mesure mieux les perspectives qui s’offraient à eux.

Sauf que quelques grammes de poudre vont casser cette dynamique. Cette drogue encore assez anecdotique à l’époque sur le territoire est devenu de nos jours un véritable fléau… l’ice.

« J’ai découvert l’ice il y a une dizaine d’années. J’ai été attiré par cette drogue sans vraiment savoir pourquoi. Et c’est parce que j’ai enfin compris pourquoi, que j’ai pu m’en sortir. »

A l’époque Maoake cherchait à chasser les fantômes de son passé. Il était constamment à la recherche de « paradis artificiels », non pas pour se sentir bien, mais pour accentuer son mal être. Un écorché vif. « Je cherchais à me détruire. J’ai vécu des choses difficiles durant mon enfance. En consommant de l’ice, j’arrivais à me rapprocher de cette fêlure. Chose que je ne pouvais faire dans un état normal. C’est cela qui m’attirait. »

L’ice a vite envahi son horizon, gommant de son esprit tout ce qu’il lui était cher. Ses proches, sa fille et le goût de vivre. « Je consommais énormément. Tout l’argent partait là-dedans. Et à un moment donné, il a fallu que je braque une banque pour assouvir mes besoins. » C’était le 4 janvier 2012.  A l’époque de son procès il déclarait: « J’ai commis cet acte sur un coup de tête, je me suis décidé le jour même. » L’ice avait pris le contrôle.

« J’étais accroc et je ne pouvais plus m’en sortir. » Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. « Je suis allé à l’hôpital pour me faire soigner, mais ça n’a pas marché. J’ai rechuté. J’ai fait une tentative de suicide, et Dieu merci, je suis encore en vie. Puis je suis allé en prison… ».

Il déglutit, marque un temps puis lâche, « C’est cela la destination de la planète ice. L’hôpital, la prison ou la mort. Il faut être conscient de cela. »

Si il parle aujourd’hui, c’est avant tout pour les jeunes. « Je suis un exemple concret de ce que cette drogue peut causer comme ravage. Dire aux jeunes qu’une fois que tu as touché à cela, c’est difficile pour t’en sortir. »

Pour s’extirper de son addiction et de son mal être, Maoake a bénéficié de soutien de psychologues en prison qu’il voyait, au début, toutes les semaines, puis toutes les deux semaines et enfin tous les mois. « C’est grâce à cela que j’ai pu comprendre comment j’en étais arrivé là. Je continue à voir mon psy tous les deux mois, pour faire le bilan et voir où j’en suis. »

Pour se fournir en ice, il n’y avait pas trente-six solutions. Il fallait dealer. « Pour fumer gratuitement, je dealais. Avant, il m’arrivait de claquer jusqu’à 500 000 Fcfp par mois pour m’acheter de l’ice. »

Désormais, ce temps est loin derrière lui. « J’ai retrouvé un équilibre. Car pour repartir à zéro, il faut un équilibre. Et l’équilibre, c’est une femme, une famille. J’ai refondé une famille, j’ai une petite fille de deux mois. J’ai ma fille de douze ans que j’ai retrouvée, depuis que j’ai arrêté la drogue, et grâce à cela, elle me fait plus confiance maintenant. Elle voit que j’ai changé ».
 
Mais pour tirer un trait définitif sur ses vieux démons, il faut se séparer de certains « amis ». « Des bons amis, des vrais amis, il n’y en a pas beaucoup. Ceux qui t’appellent pour savoir comment tu vas. Pas ceux qui t’appellent pour savoir si tu as quelque chose à fumer, ou si tu peux en avoir. Il faut trier ses amis. Couper les ponts. »

Pour lui qui revient de loin, il se montre inquiet quant à la place qu’a pris l’ice dans la société polynésienne. « On en trouve partout. Ce n’est pas normal. Ça me fait peur pour nos jeunes. Ils ne réalisent pas le danger ». Qui de mieux placé que lui pour asséner: « Avec l’ice, tu perds tout. Si tu as une famille, un équilibre, et bien tu vas tout perdre. »

Pour autant, il ne se sent pas sauvé. « Le combat, c’est tous les jours. Il faut être fort mentalement. S’accrocher à ce que l’on a. Il n’y a pas plus beau que d’avoir une belle vie de famille. Mais je pense que je ne rechuterai pas. »

Cela fait deux ans, soit depuis qu’il est sorti de prison, qu’il a tout arrêté. Paka, alcool, ice. « Reprendre, ce serait tout foutre en l’air. Je n’ai plus le droit à l’erreur. »

Quant à ceux qui seraient tentés d’essayer, « Une fois que tu as touché à l’ice, c’est fini. Tu ne peux plus t’en sortir. Tu es entraîné dans une spirale et au bout, c’est soit l’hôpital, soit la prison, soit la mort. »
 

Pascal Bastianaggi avec Brandy Tevero et  JB. Calvas

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