Les banques digitales s’intéressent à la Polynésie

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Revolut, N26... vous avez certainement déjà entendu parler de ces banques nouvelle génération. Et peut-être même avez-vous essayé de créer un compte. Pour gérer votre argent plus simplement... ou vos cryptomonnaies. Mais ces services sont pour l'instant officiellement fermés à la Polynésie. Wigl,, un français, nouveau sur le marché, envisage de s'ouvrir au fenua.

Publié le 29/06/2022 à 12:00 - Mise à jour le 30/06/2022 à 11:05

Revolut, N26... vous avez certainement déjà entendu parler de ces banques nouvelle génération. Et peut-être même avez-vous essayé de créer un compte. Pour gérer votre argent plus simplement... ou vos cryptomonnaies. Mais ces services sont pour l'instant officiellement fermés à la Polynésie. Wigl,, un français, nouveau sur le marché, envisage de s'ouvrir au fenua.

Gérer ses comptes, faire des virements, transferts d’argent, depuis son smartphone… Les neo banques ou banques mobiles, digitales, se multiplient dans le monde. En Polynésie, aucune n’est pour l’instant officiellement disponible, et les établissements locaux n’ont pas encore totalement franchi le cap du tout numérique.

Présente au premier Polynesian Island Crypto Summit, Chloé Desenfans CEO de Feel mining, une plateforme française proposant des solutions d’investissement dans les cryptomonnaies, venait présenter son dernier projet : Wigl, une neo banque proposant -entre autres- un service de gestion de compte et de paiement, aussi bien en euros qu’en cryptomonnaies. Une banque nouvelle génération qui envisage très sérieusement de s’ouvrir à la Polynésie.

« Ouvrir notre solution à la Polynésie est stratégique car les DOM TOM font rarement partie des marchés ciblés pour des applications similaires. Ce marché est probablement qualifié de marché de niche par la plupart mais on l’a constaté, le besoin est vraiment présent. L’accueil que nous ont fait les Polynésiens lors de l’événement du PICS l’a vraiment prouvé et nous a conforté dans nos souhaits de proposer des solutions bancaires et de paiement en outre-mer », explique Chloé Desenfans.

Une neo banque « crypto friendly » bientôt accessible au fenua ? Avant de concrétiser son rêve polynésien, Wigl devra obtenir un agrément, souligne le directeur de l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) Fabrice Dufresne. « L’accès est totalement libre mais en principe elles n’ont pas mandat pour pouvoir intervenir directement en Polynésie française ou dans les collectivités d’outre-mer (…) Puisque la Polynésie française ne fait pas partie de l’Union européenne, dès lors qu’une banque quelle qu’elle soit souhaite intervenir en Polynésie française, elle doit nécessairement obtenir un agrément de l’Autorité de contrôle qui est l’Autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR) au niveau national. Elle ne peut pas faire comme Revolut qui utilise en fait un passeport européen. Le passeport financier européen ne peut pas être utilisé comme tel en Polynésie. Il y a une nécessité d’obtenir un agrément de l’ACPR.« 

Si elle parvient à s’ouvrir officiellement aux utilisateurs polynésiens, Wigl déclare ne pas vouloir venir concurrencer les banques locales. La banque 2.0 espère même travailler avec les structures existantes. « Pour le moment, nous n’avons pas pris contact avec des banques locales mais nous pensons que cela pourrait être très pertinent pour pouvoir permettre le dépôt d’espèces. Par exemple, ce ne sera pas possible au lancement de Wigl », annonce Chloé Desenfans.

Banque digitale… et crypto-actifs

Wigl a également bien compris l’attrait des Polynésiens pour les cryptomonnaies. Même si la « monnaie virtuelle » connaît en ce moment une chute spectaculaire. En Polynésie, aucune réglementation n’encadre l’utilisation de cryptomonnaies, et les banques classiques restent frileuses. Aucun établissement local contacté n’a d’ailleurs souhaité réagir dans cet article.

Il faut dire que ces monnaies n’en sont pas à proprement parler. Indépendantes de tout système de régulation, elles ne répondent pas aux caractéristiques d’une monnaie conventionnelle. À l’IEOM, Fabrice Dufresne précise : « Ce sont des crypto actifs. Ce sont des actifs numériques puisqu’ils ne remplissent pas les 3 fonctions essentielles de la monnaie : réserve de valeur, unité de compte, instrument d’échanges. Premier élément. Ensuite, ces crypto actifs, ne sont fondés sur aucun élément physique tangible contrairement à une action d’une entreprise dont le cours varie en fonction du marché, de la demande et de l’offre. Mais il est représentatif d’une part de l’entreprise. Donc, une action, c’est vraiment quelque chose de tangible, de réel tandis qu’un crypto actif ne repose sur aucun élément physique ».

Ce qui n’a pas empêché certains pays comme le Salvador ou la Centrafrique de faire du bitcoin une monnaie officielle.
Certains crypto actifs adossés à des monnaies, les « stablecoins » pourraient apparaître comme plus sûrs. Mais même là, Fabrice Dufresne met en garde, prenant l’exemple du token TerraUSD : « L’UST est adossé au dollar américain. Mais à la faveur des derniers mois, on a bien vu que l’UST, notamment en mai dernier, a subi une forte volatilité de son cours. Et en fait la stablecoin, la crypto actif ne rempli pas forcément les souhaits ou objectifs auxquels il s’était assigné permettant d’avoir une meilleure stabilité. Ce qui n’est vraiment pas le cas. »

« Il faut faciliter l’innovation financière »

Fabrice Dufresne, directeur de l’Institut d’émission d’outre-mer

Pour Fabrice Dufresne, les crypto actifs ne sont pas pour autant à bannir. « Les crypto actifs ont une utilité. De plus en plus on utilise des moyens de paiement qui ne sont plus vraiment des billets ou des pièces bien que les billets les pièces restent des monnaies à part entière qui décroissent avec le temps mais qui sont toujours utilisées. Néanmoins il y a une frange de la population, plus ou moins jeune d’ailleurs, qui a tendance à vouloir utiliser des moyens de paiement complètement dématérialisés, digitalisés, et donc évidemment, il faut faciliter l’innovation financière. Et il y a des startups technologiques qu’on appelle des fintechs qui sont là pour répondre aux besoins des usagers, de la population, puisque nous avons envie de faciliter nos moyens de paiement. Sans pour autant remettre en question l’ensemble des projets qui sont en cours, il faut avant tout un certain nombre de règles à la fois pour sécuriser de manière juridique les transactions d’une part. Et puis sécuriser sur le plan informatique les transactions. Dans ces systèmes de crypto actifs, il n’y a pas de régulation. Donc il faut à un moment donné, faire intervenir un régulateur, un tiers de confiance. Et c’est pour cela que la Banque de France comme plusieurs banques centrales européennes, ont mis aussi en projet de faire émerger, grâce à des opérateurs privés, souvent issus du monde des fintechs, des projets de cryptomonnaies bientôt utilisables dans le cadre complètement régulé et de manière à protéger l’ensemble des conservateurs. »

Wigl travaille d’ailleurs avec la fintech française, filiale du groupe Société générale Treezor.

Le système bancaire s’intéresse également de près à la technologie sur laquelle reposent les crypto-actifs : la blockchain. « C’est vrai qu’il y a une technologie intéressante et il faut bien entendu développer l’innovation financière. Et pour cela, je donne un exemple, c’est la Banque de France qui a utilisé la blockchain dès l’année 2016 dans un projet qui s’appelle Madre, permettant d’échanger à l’intérieur de la communauté bancaire, des identifiants créanciers en utilisant la technologie de la blockchain. Plus récemment, la Banque de France a mis en expérimentation l’usage d’une monnaie numérique de banque centrale permettant d’échanger sur la base d’une monnaie numérique, des échanges entre les banques et entre la Banque de France. Ça c’est en expérimentation. Et puis le troisième pilier, c’est l’Euro numérique sur lequel plusieurs banques centrales européennes de l’Eurosystème travaillent actuellement pour, dans quelques temps, mettre en place un euro numérique. »

Mais revenons à Wigl. Si la neobanque se veut ouverte aux cryptomonnaies, elle n’en reste pas moins et avant tout une banque nouvelle génération : « Même si Wigl a pour vocation de démocratiser l’utilisation et l’accès aux cryptomonnaies, notre solution ne reste pas moins de proposer une application pour la gestion de son argent. Faciliter ses transferts et ses dépenses au quotidien reste la priorité. L’utilisation de la cryptomonnaie au sein de l’application n’est absolument pas obligatoire ou imposée » souligne sa directrice.

Et selon le directeur de l’IEOM, d’autres initiatives pourraient apparaître au fenua : « Le marché est encore limité en Polynésie française mais il y a quelques initiatives qui pourraient émerger. Nous savons qu’il y a quelques grands opérateurs notamment nationaux voire européens qui souhaiteraient intervenir en Polynésie française. Ne serait-ce que pour faciliter les transactions des touristes qui souvent sont Américains ou français et qui peuvent utiliser ce genre de moyens de paiement digitalisés. Donc effectivement il y a des possibilités pour des opérateurs polynésiens de pouvoir valoriser et innover dans ce domaine de la finance. »

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