La Chambre territoriale des comptes (CTC) s’attaque pour la première fois aux aides du Pays distribuées aux archipels et à leur « territorialisation ».
La juridiction « examine ainsi les aides qui transitent par des donneurs d’ordre publics dans les archipels (les communes) et celles pour lesquelles le Pays est maître d’ouvrage quand il réalise des programmes pour l’équipement structurant des archipels ou soutient par des dispositifs spécifiques certains secteurs » .
Dans son rapport, la CTC souligne que les aides versées sont diverses, en fonctionnement comme en investissement, et souvent mises en place dans le cadre d’un partenariat Etat-Pays.
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Les dispositifs d’aides inégalement répartis
Le montant total des aides et financements en faveur des archipels s’élève à environ 282,40 milliards de Fcfp en cinq ans. Ces fonds sont répartis entre les investissements directs du Pays (140,37 milliards de Fcfp), le fonctionnement (53,33 milliards de Fcfp), et les crédits du Fonds Intercommunal de Péréquation (88,70 milliards de Fcfp).
L’examen de la répartition de ces fonds par habitant fait apparaître des inégalités significatives. Par exemple, un habitant des Îles du Vent a reçu environ 668 000 Fcfp au cours de cette période, tandis qu’un habitant des Îles Sous-le-Vent a reçu 33 % de plus, et les écarts sont encore plus importants pour d’autres archipels éloignés.
Ce sont près de 668 000 Fcfp qui ont été consacrés, sur cette période, à un habitant des Îles du Vent, 891 000 Fcfp à celui des Îles sous le Vent, 1 352 000 Fcfp pour un habitant des Australes, 1 813 000 Fcfp pour celui des îles Marquises et enfin 1 826 000 Fcfp pour un habitant des Tuamotu-Gambier. « Les archipels éloignés, faiblement habités, sont donc proportionnellement bien dotés même si des disparités demeurent » , observe la chambre.
La CTC identifie notamment divers dispositifs spécifiques, tels que le soutien à la filière coprah (8,4 milliards), le coût du fret maritime de Tahiti vers les archipels éloignés (5 milliards), ou les évacuations sanitaires inter-îles (10 milliards), qui représentent autant que les mesures de soutien à l’emploi.
Fort investissement dans les équipements essentiels
Fort poste d’investissement du Pays, celui dit des « équipements de base essentiels« , tels que les infrastructures de transport et les services numériques, « indispensables au le désenclavement des îles et leur développement » , écrit la Chambre.
Ce niveau d’engagement marque un retard constaté dans les équipements de base, « indispensables au désenclavement des îles et à leur développement »
La collectivité a notamment présenté son programme mené au titre de l’égalité numérique par la fourniture du très haut débit dans les atolls des Tuamotu et des Marquises à partir de 2018, également arrivé en mai 2023 aux îles Australes, via le réseau de câbles Natitua.
Enfin la collectivité rajoute que la connectivité haut débit de l’archipel des Gambier pourrait être intégrée au projet de câble transpacifique entre le Chili et l’Asie. Dans l’attente, et depuis 2022, l’archipel a bénéficié d’une augmentation d’une augmentation de sa capacité satellitaire, indique la Chambre.
La déconcentration administrative toujours limitée
Point négatif, le rapport met en lumière des lacunes dans la déconcentration administrative, qui n’a pas été efficace malgré les besoins géographiques particuliers des îles éloignées. Les circonscriptions ne s’approprient pas toujours clairement leur mission. « Si des initiatives se font jour au sein des circonscriptions pour fédérer leurs actions, elles le sont à leur propre initiative sans feuille de route claire sur les stratégies prioritaires » , observe la CTC.
La mise en place d’un guichet unique (les Fare Ora, anciennement Fare Natira) permanent dans certaines îles (les plus peuplées) des archipels ne compense pas les manques su système polynésien de déconcentration. « Même si des progrès sont en cours (…) Vingt ans après sa mise en place, l’écart est manifeste entre l’ambition du départ et la réalité concrète du terrain » , constate la CTC.
« Les Tavana Hau souffrent toujours d’un déficit d’image aussi bien en externe qu’en interne qui limite leurs champs d’interventions au quotidien. Pour les habitants des îles éloignées, le maire reste le référent privilégié. Une enquête faite par le Pays en 2020 conclut sans équivoque que les habitants se rendent, en première intention du fait de sa proximité, en mairie pour effectuer leurs démarches administratives. Les missions de la circonscription administrative sont majoritairement peu connues des usagers et le rôle du Tavana Hau très faiblement perçu » , décrit le rapport.
Enfin, le problème de la traçabilité des dépenses en faveur des territoires persiste, le Pays ne disposant pas d’une base de données complète pour suivre les flux financiers. Cela conduit à des résultats sujets à des oublis et des approximations. La CTC recommande fortement d’améliorer la traçabilité des dépenses.
En dépit des efforts financiers du Pays pour retenir la population dans les archipels, la CTC constate que l’attraction de Tahiti reste forte, au vu de la hausse des coûts de la vie dans les îles les plus éloignées.
Les recommandations de la CTC :
- 1 : Améliorer, dès à présent, la disponibilité des données financières relatives aux dépenses réalisées dans les archipels.
- 2 : Favoriser, dès 2024, le portage interministériel des aides en faveur des archipels.
- 3 : Participer, dès à présent, au renforcement de l’acoompagnement des communes dans la réalisation de leurs projets d’investissement.
- 4 : Identifier, dès 2024, des indicateurs de résultats afin de mesurer les effets des actions entreprises en matière d’offre de soins pour les publics des îles éloignées.
- 5 : Renforcer, en 2024, les outils destinés à l’évaluation et au suivi des aides.
Le Rapport complet de la CTC :