Le processus du deuil bouleversé par la crise sanitaire

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Distanciation physique, limitation du nombre de personnes lors des enterrements et des veillées : en raison de la crise sanitaire, les rituels du deuil sont restreints. Dans ce contexte, difficile pour les familles de dire adieu aux défunts et de lui rendre hommage. Yasmina Taerea, chercheuse en socio-anthropologie, était notre invitée plateau lundi soir. Elle est revenue sur cette problématique.

Publié le 14/09/2021 à 10:04 - Mise à jour le 14/09/2021 à 11:10

Distanciation physique, limitation du nombre de personnes lors des enterrements et des veillées : en raison de la crise sanitaire, les rituels du deuil sont restreints. Dans ce contexte, difficile pour les familles de dire adieu aux défunts et de lui rendre hommage. Yasmina Taerea, chercheuse en socio-anthropologie, était notre invitée plateau lundi soir. Elle est revenue sur cette problématique.


Quelles sont les grandes étapes du deuil ? Qu’est-ce qui a été malmené finalement ?
« Ce qu’elles [NDLR : les familles] n’ont pas pu réaliser comme ce qu’on fait habituellement, ça va être l’accompagnement en fin de vie. Ces personnes qui vont bientôt décéder, il n’y a pas eu cet accompagnement. Elles ont dû être isolées, ces personnes contaminées par le covid, mais aussi, les familles n’ont pas pu être auprès de ces personnes. Ensuite, la deuxième chose, ça va être la veillée. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on ne veille pas un défunt comme on va le faire habituellement. On va rompre toutes les étapes habituelles du deuil et donc ces familles endeuillées n’ont pas eu l’occasion de rendre un dernier hommage au défunt autour de la dépouille, parce que la dépouille est absente. Elles n’ont pas eu l’occasion de dire les derniers mots, les dernières prières en présence de la dépouille. Et par la suite, ça va être l’accompagnement jusqu’à la dernière demeure, c’est-à-dire la tombe. Et là, on va avoir affaire à des familles dont le temps va être écourté parce qu’elles ne peuvent pas justement aller jusqu’au bout de leur travail de deuil ».

Finalement, quelles sont les clés ? Comment se délier d’un être cher lorsqu’on ne peut pas procéder à ce rituel du deuil ?
« En fait, les personnes sont fondamentalement liées à la personne qui est décédée. Ce qui va être douloureusement vécu, ça va être ce moment collectif. Autour de la dépouille va se créer un rassemblement de la famille, c’est-à-dire qu’on va veiller ensemble un défunt et par conséquent, on va aussi faire en sorte qu’il devienne un ancêtre commun ».

Il n’y a pas de solution finalement pour réussir à se sortir d’une situation qu’on vit depuis plus d’un an et demi déjà ?
« Il y a un fait particulier en Polynésie française, c’est-à-dire qu’on est fondamentalement lié par des liens entre feti’i. Ce qui va être un peu délicat à vivre, ça va être l’isolement. Qu’est-ce qu’on va faire de la personne qui va survivre ? Je parle notamment du cas d’une vieille personne qui va décéder, qu’est-ce qu’on va faire de la personne qui était auprès d’elle depuis plusieurs années ? Et là va se jouer les liens de solidarité, les liens familiaux qui sont très forts en Polynésie. Et c’est ce qui va permettre de passer un cap mais pas de faire le deuil à proprement parler ».

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