Le « manger local » – La restauration scolaire engagée dans la transition alimentaire

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Le lycée hôtelier de Tahiti prépare ses élèves à la transition alimentaire, afin de favoriser l’introduction des produits locaux dans sa cantine scolaire. Comme 6 autres cuisines centrales de Polynésie, l'établissement se veut être un acteur central dans le développement du secteur primaire.

Publié le 05/02/2022 à 10:44 - Mise à jour le 24/03/2022 à 13:45

Le lycée hôtelier de Tahiti prépare ses élèves à la transition alimentaire, afin de favoriser l’introduction des produits locaux dans sa cantine scolaire. Comme 6 autres cuisines centrales de Polynésie, l'établissement se veut être un acteur central dans le développement du secteur primaire.

Depuis plusieurs années déjà, le pays veut promouvoir le « manger local ». En novembre dernier, l’Assemblée de la Polynésie française a d’ailleurs adopté, à l’unanimité, le projet de loi du Pays relatif à la promotion des produits locaux dans la restauration scolaire avec des quotas minimaux, dès la rentrée d’août 2022, pour les établissements du 1er et du 2nd degré, sur l’ensemble des archipels.

Tout comme 6 autres établissements pilotes répartis sur l’ensemble du territoire, le lycée hôtelier de Punaauia souhaite favoriser l’introduction des produits locaux dans les assiettes de ses étudiants : « On essaie de valoriser les produits locaux au-delà du ma’a Tahiti. Le lycée hôtelier est connu et reconnu pour ses capacités à transformer les produits locaux de manière gastronomique, donc c’est pour ça que c’est un partenaire très important pour nous, à la direction de l’agriculture. (…) Je pense qu’il y a une réelle prise de conscience, notamment chez les jeunes, de l’importance de l’alimentation sur la santé et sur l’environnement. Il est très important pour notre pays de se positionner comme une nation du Pacifique qui soit vraiment très engagée dans cette transition alimentaire » explique Boris Lee, ingénieur agronome à la direction de l’agriculture et chargé de mission sur les projets alimentaires territoriaux.

Un schéma directeur sur 10 ans

Une transition alimentaire qui se découpe en plusieurs volets : le volet production, le volet transformation, le volet consommation et le volet anti-gaspillage alimentaire. « Sur chacun de ces volets, il y a un travail particulier à faire. On veut installer plus d’agriculteurs et pour ça, on a besoin de plus de surfaces agricoles. On a besoin de chambres froides et de grandes structures de congélation pour pouvoir conserver les produits transformés sur le long terme. Au niveau des cantines, on a besoin que les cuisiniers et les acheteurs publics soient formés. Il faudrait essayer de mettre en place des coopératives sur chaque archipel, pour vraiment être compétitifs sur le marché. Notre schéma directeur planifie tout ce travail sur dix ans : de 2020 à 2030. Et on espère sur ce temps-là, en collaboration aussi avec l’Union européenne et les projets qui sont faits par PROTEGE notamment sur l’agroécologie, offrir des produits qui soient non seulement locaux mais également sains issus de l’agriculture biologique et idéalement de l’agroécologie » précise Boris Lee, qui déplore que le code des marchés publics ne favorise pas suffisamment l’accès des petits producteurs à certains appels d’offres, rendant difficile pour eux de répondre à la demande.

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Une demande qui est aujourd’hui bien réelle : « Ce qui est produit est généralement déjà vendu et bien consommé, donc on a un réel besoin et une réelle demande au niveau de la production de produits locaux. Nous encourageons les agriculteurs et les porteurs de projets à vraiment se tourner vers la valorisation et la production de produits locaux. On peut produire plusieurs types de choses pour la restauration scolaire. Ce qui est très pratique, c’est le surgelé. Les agents de cuisine n’ont pas le temps pour les grandes cantines d’éplucher, de nettoyer, découper les produits locaux, donc ils ont besoin que ces produits soient prêts à l’usage pour gagner un maximum de temps et répondre à la demande en temps et en heure ». En effet, quand il faut préparer entre 500 et plus d’un millier de menus par jour, outre le coût qui est multiplié par deux, le conditionnement des produits est essentiel pour un gain de temps et de productivité.

Si la production locale doit donc s’intensifier, des formations sont plus que nécessaires pour réussir pleinement cette transition alimentaire : « Les agriculteurs ont besoin d’être formés en bio ou en agroécologie, les transformateurs ont besoin d’être formés pour respecter les normes d’hygiène, et les agents de cuisine ont besoin d’être formés pour réapprendre à valoriser un peu ces produits ».

« Tout le monde doit faire un effort aujourd’hui’

Les professionnels sont en tous les cas ravis d’intégrer et de privilégier les produits locaux. Ils se disent prêts à travailler quotidiennement avec ces mets de choix, bien que cela demande du temps, notamment pour les produits vivriers. « Avec de la farine de manioc, on fait des cookies, des wraps, des quatre-quarts, du pain… Nous devrions faire un effort sur les produits vivriers, mais on ne le fait pas car la charge de travail que doit avoir une cantine pour du vivrier est énorme. Éplucher un tarot, un ananas… ça prend du temps. À Tahiti et dans les îles, qui cherche à se rapprocher de la culture se rapproche forcément de la nature et de sa nature, car il va s’approprier les produits d’ici, et cela favorise le dialogue car il y a une dimension de transmission, des techniques que l’on sait faire à la maison et que l’on peut appliquer ici à l’école. Tout le monde doit faire un effort aujourd’hui » indique Nicolas Sanquer, professeur au lycée hôtelier.

Les recettes réalisées par le lycée hôtelier se veulent facilement réalisables à la maison du plus grand au plus petit : « Si le bateau qui emmène la farine et le riz ne vient plus jusqu’à nous, il va quand même falloir qu’on fasse quelque chose à manger. Il faut qu’on se prépare à se rapprocher du produit, à le comprendre, et là, je pense qu’on aura tout gagné. Et on aura des circuits plus courts en allant directement au producteur car on est un petit pays, et on n’a pas besoin d’autant de savoir-faire pour manipuler un produit qui est déjà extraordinaire » conclut Nicolas Sanquer. Ses recettes réalisées avec les mets locaux devraient prochainement avoir un QR code qui permettra de les retrouver en ligne, avec une vidéo explicative qui se veut simplifiée et ludique à retrouver sur YouTube, afin de rendre le « manger local » accessible au plus grand nombre.

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