Basé à Fidji, Sean Casey a notamment coordonné la réponse de l’OMS dans la région Pacifique avant de venir lui-même en Polynésie. Appuyé par toute une équipe de l’organisation mondiale de la santé, l’expert accompagne la coordination, la gestion des cas, la prévention et le contrôle. Sa priorité ? Organiser la réponse le plus vite possible, et espérer couper la route au coronavirus. Nous l’avons rencontré :
Tahiti Nui Télévision : Pourquoi une telle structure s’impose ?
Sean Casey : « Il y a bien sûr un volet technique, avec des spécialistes qui travaillent sur des protocoles cliniques de contrôle des infections, mais derrière tout ce travail, il y a forcément un soutien logistique, suivi d’une communication.
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S’il faut ajouter des lits d’hôpitaux, c’est un résultat clinique, mais ça veut dire qu’il y a soutien logistique. L’idée, c’est de consacrer un espace et une équipe au sein d’une cellule de crise, c’est de rassembler tout le monde au même endroit, pour que tout le monde sache en temps réel qu’elle est la situation.
Les experts santé pourront maintenant faire leurs demandes directement à la logistique, puisqu’ils sont assis côte à côte. Idem pour l’équipe communication qui pourra faire suivre à la presse l’avancement des travaux. L’idée, c’est vraiment de court-circuiter les lenteurs administratives, de diviser par deux le temps consacré à la paperasse. Le coronavirus se déplace incroyablement vite, on doit pouvoir avancer au moins aussi vite que lui. Et le seul moyen d’y arriver, c’est de travailler ensemble.«
Y a-t-il une stratégie spécifique à une île comme Tahiti ?
« En fait, nous n’avons pas eu beaucoup de cas sur des îles. Il y a la Polynésie, Guam, la Nouvelle-Calédonie et maintenant Fidji, donc c’est une nouvelle situation avec un nouveau virus dans une nouvelle région du monde. Les rares pays à ne pas avoir encore de cas sont dans le Pacifique. Nous n’avons pas beaucoup de points de référence, mais on sait que les approches testées dans le reste du monde marcheront ici, comme l’importance d’identifier le plus tôt possible les cas, et les isoler. Éviter les contacts, miser sur l’éloignement social, les tests et le suivi épidémiologique. »
Dans quelles conditions les autorités peuvent-elles être amenées à durcir les mesures de confinement ?
« On voit des ajustements aux mesures de confinement un peu partout dans le monde. Dans certains cas, ils se durcissent et dans d’autres, ils s’allègent. Quoi qu’il arrive, ça doit toujours être lié à la situation épidémiologique. Dans certains pays d’Asie, les mesures ont été d’abord durcies puis allégées trop tôt, le nombre de cas étaient alors repartis à la hausse. En revanche, si le nombre de cas reculent vraiment et que la confiance s’installe, alors oui, le gouvernement peut alléger les mesures. Si on voit plus de transmission, c’est l’inverse. »
Est-ce que le confinement est intervenu au bon moment ?
« Je trouve qu’ici le confinement a été prononcé assez tôt, plus tôt et de manière plus radicale que dans beaucoup d’autre pays, et je pense que la Polynésie a la chance d’être parmi les derniers pays touchés, ce qui lui permet de bénéficier des derniers résultats, c’est-à-dire les plus fiables. Parce qu’on a eu le temps de voir comment ça se passait ailleurs et d’en tirer des leçons. Les mesures sont intervenues après seulement quelques cas, et apparemment les gens les suivent puisque les rues sont désertes. »
Quelle est la marge de manœuvre des autorités si les hôpitaux et notamment les appareils d’assistance respiratoire sont saturés ?
« Le gouvernement est déjà en train d’ajouter des lits, de former le personnel, mais l’objectif principal, la priorité, c’est justement de ne pas arriver à ce stade. Aucun pays au monde ne peut absorber autant de malades. Le seul moyen de ne pas arriver à un tel scénario c’est de respecter les consignes. »
Les gants et les masques sont-ils vraiment utiles ?
« Bien sûr qu’ils sont utiles, ce sont des équipements de protections individuelles, mais il y a des conditions d’utilisation. C’est bien pour les malades et pour les professionnels de santé. L’OMS ne recommande pas à tout le monde de porter des masques, surtout si on les enlève pour manger, et qu’on se tripote le visage. Le plus important, c’est de se laver les mains et d’éviter les contacts, de tousser dans le creux du bras. C’est plus une question d’hygiène que d’équipement. »