La Puff : un succès commercial qui menace la santé des jeunes

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Choco noisette, raisins glacés, marshmalow ou bubble gum : les arômes rappellent ceux des confiseries et leurs couleurs vives ont de quoi attirer l’attention des enfants. La « Puff », cette cigarette électronique jetable à usage unique, a développé une stratégie marketing agressive à destination des jeunes. Contenant parfois de la nicotine, elle est normalement interdite aux mineurs. Elle se répand pourtant chez les adolescents du fenua.

Publié le 24/05/2023 à 9:43 - Mise à jour le 25/05/2023 à 11:51

Choco noisette, raisins glacés, marshmalow ou bubble gum : les arômes rappellent ceux des confiseries et leurs couleurs vives ont de quoi attirer l’attention des enfants. La « Puff », cette cigarette électronique jetable à usage unique, a développé une stratégie marketing agressive à destination des jeunes. Contenant parfois de la nicotine, elle est normalement interdite aux mineurs. Elle se répand pourtant chez les adolescents du fenua.


Plus de 10 ans après sa mise sur le marché, la cigarette électronique a séduit de nombreux Polynésiens, mais aussi des spécialistes du sevrage tabagique. Un succès mondial qui a aiguisé les appétits des fabricants et des revendeurs. Jamais en manque d’imagination sur le sujet, ces derniers proposent depuis plus d’un an la « Puff », une cigarette jetable pouvant contenir de la nicotine, et qui est une porte d’entrée vers le tabagisme. L’académie nationale de médecine pointe d’ailleurs du doigt « un piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents ».

« Il faut faire le distinguo entre la cigarette électronique classique non jetable, celle qu’on remplit avec des petites fioles de liquide avec les normes AFNOR et CE, qui aide les patients fumeurs de tabac au sevrage. Et les cigarettes électroniques jetables, les « Puff » qui, elles, ciblent directement les jeunes non-fumeurs, souvent des mineurs, avec un marketing fort et des risques pour la santé qui sont considérables. Les taux de nicotine sont alarmants, et cela augmente le risque addictif chez les plus jeunes« , précise Romain Bourdoncle, médecin-chef du centre de prévention et de soin des addictions. « Plus tôt on commence à consommer, plus le risque addictogène est important. En plus de ça, les sels de nicotine qui sont dans ces cigarettes électroniques jetables ont un impact vraiment sur les poumons, sur la capacité respiratoire. Il faut donc être très vigilant. (…). Il faudrait mettre ces cigarettes électroniques jetables hors de circulation du marché ».

Romain Bourdoncle, médecin-chef du centre de prévention et de soin des addictions, invité du journal de TNTV :


« Le marketing est fait pour vraiment toucher un sujet qui est très jeune », remarque, lui aussi, le docteur Yann Larochelle, médecin addictologue. « C’est-à-dire qu’elles sont colorées. Il y a des goûts, des couleurs qui rappellent celles des bonbons de grande consommation. Finalement, les chiffres de par le monde montrent qu’il y a une réduction de la consommation de tabac chez les jeunes et donc les « Puff » représentent une manière pour les industriels du tabac de faire entrer les jeunes dans cette addiction pour maintenir une part de marché ».

Pour protéger les utilisateurs, l’Agence de régulation de l’action sanitaire et sociale (ARASS) indique dans un courrier que toutes les e-cigarettes importées « sont prohibées lorsque le dosage en nicotine est supérieur ou égal à 20mg/ml ».

Un dosage que l’on retrouve en pourcentage sur les emballages. Ainsi une « Puff » dosée à 20mg/ml représente 2% de nicotine. Pourtant, certains revendeurs de la place proposent aussi des « Puff » dosées à 50mg/ml. Soit plus de deux fois la dose préconisée par l’ARASS. « D’un point de vue médical, on imagine une dépendance beaucoup plus intense et une installation beaucoup plus rapide. C’est vrai que je suis étonné. Normalement, les taux sont censés être limités à 2% (…) Une ‘Puff’ d’utilisation courante, comme on voit beaucoup de jeunes en prendre, avec 600 bouffées à 20mg/ml, correspondrait à environ 40 cigarettes, donc deux paquets. Voir des « Puff » à plus du double, effectivement, c’est inquiétant. On se dit qu’on aura peut-être beaucoup plus de patients plus tard ».

Pour Jérôme Renaud, revendeur spécialisé installé en Polynésie depuis quelques années, l’arrivée de ces « Puff » surdosées soulève une question sur le plan éthique. « Concrètement, je trouve ça inquiétant. La première des raisons, c’est que sur ces trois paquets on voit que le taux de nicotine est extrêmement élevé, c’est-à-dire deux fois le taux autorisé en Polynésie. 5%, c’est 50mg de nicotine. En Polynésie, c’est 20mg comme en France. Ce qui est déjà un taux relativement élevé. La deuxième chose, c’est que tout est écrit en anglais. On ne sait pas ce qu’on achète, on ne sait pas ce qu’il y a dedans. Ce n’est pas clair. C’est triste de voir que ça rentre sur le territoire. On devrait avoir des contraintes plus strictes ».

Torea Gille dont la boutique propose des « Puff » contenant 5% de nicotine, assume complètement la vente de ces produits : « Je pense que je suis l’un de ceux en Polynésie qui connait le mieux la cigarette électronique. Pour moi, il est préférable de vendre du 5% parce que, derrière, vendre du 2% et du 1%, c’est inciter les jeunes consommateurs à se mettre à la cigarette électronique ».

Contactée par la rédaction, l’ARASS n’a pas souhaité répondre à nos questions sur l’application de la réglementation et sur la rigueur des contrôles. Du côté de l’Hexagone, le ministre de la Santé, François Braun, s’est dit favorable à l’interdiction définitive de la e-cigarette jetable dans le cadre du nouveau plan tabac 2023-2028.

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