Beaucoup d’appelés et peu d’élus : c’est le triste constat des armateurs qui courent après les officiers qualifiés. « Un poste de matelot, de chef mécanicien ou d’officier pont, sont des métiers extrêmement demandés. Et pour répondre à la demande des armateurs, que ce soit pour la croisière, les transports maritimes, les charters nautiques ou la pêche, on a besoin d’être formés à ces métiers de la mer dans des standards qui correspondent à la réalité du territoire » précise Alexandre Luczkiewicz, représentant du cluster maritime français.
Les difficultés de recrutement sont telles au fenua que la crise sanitaire avait obligé certains opérateurs à réduire les rotations. À l’époque, même la flottille administrative et les capitaines à la retraite ne pouvaient plus répondre à la demande. L’armateur du Tuha’a Pae s’en souvient. « On a plus de marins pour armer nos bateaux. Pendant le Covid, on a tenu bon… Avec le Tuhaa Pae IV, nous avions dû faire deux relâches, c’est-à-dire que que nous avons été obligés d’arrêter le bateau parce qu’on avait des marins malades, qu’on ne pouvait pas les remplacer et qu’on ne pouvait plus assurer la desserte » déplore Boris Piel, l’armateur du navire.
Pourtant, les formations existent bien en Polynésie avec le Centre des métiers de la mer (CMM), le RSMA, et bientôt l’arrivée d’un Campus des métiers et des qualifications de la mer. Mais selon le responsable pédagogique du CMM, Fabien Duval, « la pénurie est mondiale » et le chef de l’Etat a lui-même donné des orientations. « Le président Emmanuel Macron a demandé la formation de 2 700 officiers supplémentaires à l’école nationale supérieure maritime, avec laquelle nous sommes en partenariat pour pallier ce manque d’officiers rapidement » annonce le responsable.
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Si les formations existent, on évoque aussi le caractère dissuasif d’un parcours d’étude de plus en plus difficile alors que les navires sont toujours plus gros et assortis de technologies toujours plus complexes. « On observe une évaporation entre les matelots qui découvrent le métier et le poste de commandant d’un navire qui demande des compétences très pointues et des connaissances de plus en plus développées sur de nouveaux secteurs comme la cybersécurité, ou l’environnement » reconnaît le responsable.
Mais d’autres freins sont identifiés comme l’attractivité d’un métier exigeant et souvent méconnu de la jeunesse. « On part loin et longtemps sur des navires complexes, et ça peut rebuter des jeunes de se dire : ‘je vais être éloigné du fenua pendant longtemps’. (…) La mer, on la voit au quotidien ici, on en est entouré, mais est-ce qu’ils le comprennent, est-ce qu’ils ont envie d’aller en mer, est-ce qu’ils ont envie de vivre de la mer, et est-ce qu’ils ont envie d’embrasser ces métiers ? » s’interroge Alexandre Luczkiewicz. Des questions que le cluster maritime du fenua prend très au sérieux.
« Les Polynésiens sont un peuple de marins. Nous avons tous un rapport avec l’océan. 99,9% de notre territoire, c’est l’océan. Donc on a quand même une vocation a rentrer dans ce milieu-là » souligne Fabien Duval avant de pointer du doigt un « manque d’informations, de diffusions, de possibilités, ou d’accessibilité de la formation ». D’où l’intérêt du forum de l’économie bleue, des forums des métiers à Arue, ou des journées portes ouvertes dans les lycées. « ça participer à attirer les jeunes dans nos métiers qui sont les plus beaux du monde » ajoute le responsable.
D’ici 2025, le CMM vise la formation d’une centaine d’officiers. Ce qui correspond à la demande actuelle des armateurs de Polynésie. Le déménagement du CMM dans ses nouveaux locaux à Arue devrait d’ailleurs permettre d’accueillir plus de stagiaires.