La consommation excessive d’alcool, un facteur de la violence

Publié le

Publié le 18/09/2015 à 11:17 - Mise à jour le 18/09/2015 à 11:17

De plus en plus de faits de violence extrême sont rapportés au fenua. Et bien souvent, la consommation excessive d’alcool est un facteur déclenchant. L’alcool est un inhibiteur. Ses effets perturbent le comportement. Une personne qui a trop bu peut devenir violente. Elle perd le contrôle de ce qu’elle dit et fait, et elle n‘anticipe plus les conséquences de ses actes. « L’alcool c’est ce qui fait que l’on passe d’une situation où on se contrôlait à une situation où on ne se contrôle plus. Le fait de ressentir des émotions de façon même intense est quelque chose qui est normal. Chacun de nous y répond à sa façon et certains d’entre nous ne sont pas du tout outillés pour y répondre. Comme ça génère une souffrance, ils vont aller boire. Et le fait de boire va faire qu’ils vont perdre le contrôle de la situation, c’est-à-dire : de ce qu’ils pensent, de l’intensité qu’ils vont donner aux faits et gestes de la personne en face. Ils vont également avoir des idées plus importantes de fausse jalousie et autre. Ça va, au moment où ils vont devenir violents, décupler leurs forces parce qu’ils n’auront plus le contrôle de leur force. Donc ils vont laisser libre cours à toute leur violence. Et surtout, ils vont perdre cette notion de conséquence. C’est-à-dire si je fais ça, voilà les conséquences », explique le docteur Marie-France Brugiroux, spécialiste des addictions. 

Dans les violences familiales, les auteurs de coups ont, selon les spécialistes, du mal à exprimer et mettre des mots sur leurs émotions. L’alcool n’est que le facteur déclencheur d’un cumul de tension. « C’est de la tension, du stress qu’on a accumulés. Il y a un événement déclencheur : d’un seul coup on ressent une émotion très forte. Et puis on récupère l’émotion du moment et toutes celles qu’on a accumulées avant. Et tout sort d’un coup. En général quand on ne boit pas, on arrive à peu près à revenir à une perception normale de la situation. Et quand on boit ou qu’on prend des drogues, parce qu’il n’y a pas que l’alcool, eh bien on n’a plus rien qui nous empêche d’éclater. Donc, finalement, on va déverser d’une façon très violente tout ce que l’on ressentait depuis des semaines ou peut-être des mois, et ça va être disproportionné par rapport à l’événement qu’on a à vivre, explique le docteur. Après, chacun réagit en fonction de soi, de ce qu’il a vécu, de sa personnalité, de l’éducation qu’il a reçue sur la gestion de sa colère ou autre. Donc c’est la personne. Et l’alcool est juste un facteur qui est désinhibant, qui va déclencher des réactions qui ne seront plus contrôlées. »

Ernest Sin Chan anime des ateliers de paroles pour des victimes et des auteurs de violences conjugales. Dans 4 situations sur 5, le facteur alcool intervient dans les tensions du couple. « C’est la réalité de tous les jours. Dans la mesure où on consomme pas mal d’alcool et surtout le week-end, à partir du vendredi. D’ailleurs, les faits de violence au sein des couples ou intrafamiliale se passent souvent les week-end parce qu’il y a prise d’alcool ou de paka », témoigne-t-il. 

Selon Ernest Sin Chan, la société actuelle est aussi génératrice de violence et de frustration. « Il y a une représentation qui est véhiculée comme quoi la violence est culturelle, est polynésienne. Mais je ne pense pas parce que la violence passe partout, dans le monde entier. Déjà il faut lever cette représentation-là. Par contre, effectivement, qu’il y ai de la violence en Polynésie, qui augmente, s’explique certainement par différents facteurs et en particulier des facteurs sociologiques du fait de l’évolution de la société et de la place que certaines personnes et certaines classes en particulier peuvent difficilement avoir. Ils vivent dans la frustration. Du coup, cela génère de l’agressivité. Et si cela génère de l’agressivité chez une personne, cela peut retentir indirectement aussi au niveau du couple. (…) On sait que la société est génératrice de frustration et d’agressivité », explique-t-il au micro de Tahiti Nui Télévision. 
Chaque mois une quarantaine de personnes âgées de 18 à 60 ans et  auteurs de violences, participent à des groupes de paroles. Ils sont un outil de prévention à la récidive.
 
 

Rédaction Web (Reportage : Thomas Chabrol)

Docteur Marie-Françoise Brugiroux du Centre de consultations spécialisées en alcoologie et toxicomanie

Ernest Sin Chan, psychologue ethnoclinicien et écrivain, qui anime des groupes de parole

Dernières news