Dans les violences familiales, les auteurs de coups ont, selon les spécialistes, du mal à exprimer et mettre des mots sur leurs émotions. L’alcool n’est que le facteur déclencheur d’un cumul de tension. « C’est de la tension, du stress qu’on a accumulés. Il y a un événement déclencheur : d’un seul coup on ressent une émotion très forte. Et puis on récupère l’émotion du moment et toutes celles qu’on a accumulées avant. Et tout sort d’un coup. En général quand on ne boit pas, on arrive à peu près à revenir à une perception normale de la situation. Et quand on boit ou qu’on prend des drogues, parce qu’il n’y a pas que l’alcool, eh bien on n’a plus rien qui nous empêche d’éclater. Donc, finalement, on va déverser d’une façon très violente tout ce que l’on ressentait depuis des semaines ou peut-être des mois, et ça va être disproportionné par rapport à l’événement qu’on a à vivre, explique le docteur. Après, chacun réagit en fonction de soi, de ce qu’il a vécu, de sa personnalité, de l’éducation qu’il a reçue sur la gestion de sa colère ou autre. Donc c’est la personne. Et l’alcool est juste un facteur qui est désinhibant, qui va déclencher des réactions qui ne seront plus contrôlées. »
Ernest Sin Chan anime des ateliers de paroles pour des victimes et des auteurs de violences conjugales. Dans 4 situations sur 5, le facteur alcool intervient dans les tensions du couple. « C’est la réalité de tous les jours. Dans la mesure où on consomme pas mal d’alcool et surtout le week-end, à partir du vendredi. D’ailleurs, les faits de violence au sein des couples ou intrafamiliale se passent souvent les week-end parce qu’il y a prise d’alcool ou de paka », témoigne-t-il.
Selon Ernest Sin Chan, la société actuelle est aussi génératrice de violence et de frustration. « Il y a une représentation qui est véhiculée comme quoi la violence est culturelle, est polynésienne. Mais je ne pense pas parce que la violence passe partout, dans le monde entier. Déjà il faut lever cette représentation-là. Par contre, effectivement, qu’il y ai de la violence en Polynésie, qui augmente, s’explique certainement par différents facteurs et en particulier des facteurs sociologiques du fait de l’évolution de la société et de la place que certaines personnes et certaines classes en particulier peuvent difficilement avoir. Ils vivent dans la frustration. Du coup, cela génère de l’agressivité. Et si cela génère de l’agressivité chez une personne, cela peut retentir indirectement aussi au niveau du couple. (…) On sait que la société est génératrice de frustration et d’agressivité », explique-t-il au micro de Tahiti Nui Télévision.
Chaque mois une quarantaine de personnes âgées de 18 à 60 ans et auteurs de violences, participent à des groupes de paroles. Ils sont un outil de prévention à la récidive.
Docteur Marie-Françoise Brugiroux du Centre de consultations spécialisées en alcoologie et toxicomanie
Ernest Sin Chan, psychologue ethnoclinicien et écrivain, qui anime des groupes de parole