Interview exclusive de Père Joël

Publié le

Publié le 25/04/2014 à 15:00 - Mise à jour le 25/04/2014 à 15:00

La religion catholique permet aux jeunes de « se trouver une identité propre en tant que soi dans la foi chrétienne. Le Christ est une rencontre personnelle ».

Comment se porte la foi en Polynésie ?
Le peuple océanien en général et polynésien en particulier a la foi. Depuis plus de deux cents ans que nous avons été évangélisés, la foi est arrivée à un moment charnière : ils ont accepté la foi chrétienne. Aujourd’hui, le Polynésien est toujours croyant, même s’il y a des exceptions. On vit une liberté responsable. La foi chrétienne est toujours présente parce qu’elle apporte quelque chose à la personne, ça donne un sens à sa vie, sinon la vie des gens s’arrête à auto-boulot-dodo et bringue le vendredi. A la longue tout devient de la routine. C’est là où la société de consommation à outrance prend le pas sur la foi chrétienne.
 
Cette routine que vous évoquez incite-t-elle les gens à se réorienter vers la religion? N’est-ce pas aussi parce que la religion sait se moderniser ?
Les réseaux sociaux, les médias, les critiques… sèment la confusion. Il y a deux réactions : un retour à la prise de conscience de qui je suis ; et un éloignement de la foi chrétienne en pensant que ce sont des popaa qui ont voulu notre pays.
 
Quelle génération rejette la religion parce qu’elle a une origine étrangère ?
Entre 30 et 45 ans et même jusqu’à 50 ans. Chez les jeunes non. Ils ont une certaine neutralité dans le sens où beaucoup se cherchent et ça donne un sens à leur vie. C’est ça qui est essentiel. Le rôle de l’école avec les parents est d’aider les enfants qui grandissent à penser par et pour eux. L’Église est dans cette démarche, avec la catéchèse. C’est stimuler la réflexion chez les jeunes en devenir, pour mieux se trouver une identité propre en tant que soi dans la foi chrétienne. Le Christ est une rencontre personnelle. Ce n’est pas faire le mouton de Panurge si je puis dire, mais une personnalisation de la foi chrétienne.
 
Quelle part de la population est catholique en Polynésie française ?
La majorité reste protestante mais depuis deux à trois décennies, probablement par l’enseignement et les œuvres sociales de l’Église catholique, nous avons pris beaucoup d’avance. Nous ne sommes pas majoritaires mais au moins un tiers, voire 40 %.
 
Beaucoup de jeunes semblent davantage pratiquer par foi que par tradition familiale. Voyez-vous une évolution de la pratique de la religion ?
Il y a toujours une évolution, positive ou négative. Il n’y a pas de neutralité dans la vie chrétienne. Il y a 10 à 15 ans, ça a beaucoup baissé. La pratique est passée de 80-85 % à peut-être 70%. Depuis la crise, même les crises mondiales et la crise sociale et économique -et je dirais même culturelle- j’ai senti un retour des fidèles de 30 à 50 ans voire même de 60 ans. Ça me surprend aussi de voir le retour de jeunes de vingt ou trente ans qui veulent célébrer les fêtes comme le mariage à l’église, mais après avoir réfléchi et qu’ils soient tous les deux prêts. Je sens maintenant une réflexion profonde sur le sens de la religion. Ils viennent par conviction personnelle.
 
La canonisation de Jean-Paul II est ce dimanche. L’avez-vous rencontré ?
Il est venu à Fidji où j’étais en séminaire. Je l’ai vu aussi quand nous sommes allés en pèlerinage à Castel Gandolfo. J’ai eu la joie de manger à trois mètres de lui. Je lui ai serré la pince -comme on dit couramment- c’était une grâce ! Il a un rayonnement ; il émanait de lui une force spirituelle qui ne laissait personne indifférent. Il avait une personnalité forte et un regard puissant ; ce regard bleu qui fait partir à l’infini, c’est incroyable.
 
Selon vous cette canonisation était-elle évidente?
Oui, je crois. Je suis de la génération Jean-Paul II. Je pense que ce n’est qu’un aboutissement de ce qui devait être.
 
Cette double canonisation, est-ce un moment important pour tous les catholiques ?
Oui, parce qu’il ne faut pas oublier qu’Église catholique veut dire Église universelle, c’est une ouverture sur le monde. Personne n’est oublié. Je viens de Rapa et la petite communauté de 32 catholiques se sent concernée par ça.
 
C’est un instant de communion international ?
Oui, comme dit Sainte Thérèse, une âme qui s’élève élève le monde. C’est formidable, tu sens quelque chose à l’intérieur de toi, ça te stimule, te renforce.
 
Comment célébrez-vous cet instant ?
Avec l’adoration et dimanche en communion avec Rome nous allons célébrer cette canonisation. Il y a un milliard 200 millions de catholiques, ce n’est pas rien ! Et surtout deux canonisations et deux papes du monde moderne.

C’est avant tout un moment de communion ?
C’est un moment de prière et de recueillement mais surtout un instant de joie et de renouveau, ne plus avoir peur ni honte mais partager ce que l’on a reçu parce que la foi est une grâce.
 
Qu’entendez-vous par renouveau ?  
Parce qu’en tant que chrétien, ça doit renouveler sa propre foi, qu’elle soit encore plus forte.

Dernières news