Il y a d’abord eu son rendez-vous avec la vie dans les îles. Car si Heinui est né il y a 30 ans à Tahiti, c’est sur l’atoll de Tikehau, aux Tuamotu, qu’il grandit, élevé par sa grand-mère paternelle jusqu’à ses 13 ans.
« C’était une éducation à l’ancienne, se souvient-il. On vivait à Raro, au bout de l’atoll, à l’opposé de l’aéroport, loin du village principal et de la modernité. Il n’y avait pas d’électricité à la maison, elle n’est arrivée que plus tard. Ma grand-mère me déposait tous les jours à l’école avec sa bicyclette, car elle ne pouvait pas m’offrir de vélo. Ça représentait environ 5 km de trajet par jour, et ce n’était pas toujours évident, surtout quand il pleuvait… »
Après le décès de sa grand-mère, en 2000, Heinui retourne vivre chez ses parents. Ces derniers vivaient de la pêche, du coprah et de l’artisanat en confectionnant des colliers de coquillages. « Ils n’avaient pas de revenus fixes et n’étaient pas souvent au village, reprend Heinui. Ils étaient obligés de partir en bateau et camper sur les motu pendant des semaines voire des mois pour ramener de quoi manger. »
> « On se sent prisonnier quand on n’est pas chez soi… »
« En terminale, j’ai eu quelques problèmes familiaux, comme la plupart des étudiants qui viennent des îles, par rapport à l’hébergement, confie-t-il. Aller chez la famille, ce n’est pas toujours facile, ça peut créer beaucoup de tension. On se sent prisonnier quand on n’est pas chez soi… Je n’étais pas mauvais élève, mais je n’avais plus de motivation pour l’école à cause des problèmes que j’avais chez la famille. Et j’ai commencé à me rebeller, à manquer à l’appel. Parfois je ne rentrais pas à la maison le week-end, j’allais dormir chez des potes. On faisait la fête sans limite et ça pendant des mois. Sauf qu’après, le lycée ne voulait plus me garder à cause des absences répétées. Mon père a décidé de me retirer du lycée et d’arrêter mes études. »
> Retour au bercail
C’est alors que son rendez-vous avec le GSMA arrive. « Quelques mois après, le maire avait convoqué tous les jeunes déscolarisés de l’atoll, filles et garçons, pour le recrutement du Groupement du service militaire adapté. Ils venaient recruter des volontaires pour effectuer 10 mois de formation dans différents domaines, bien sûr avec l’encadrement militaire qui va avec. Le premier jour, c’était marrant, nous étions une vingtaine de jeunes, et le lendemain pour signer le contrat, on était deux. J’ai quand même signé. »
Heinui retourne donc à Tahiti, du côté du RIMaP-P de Arue, où il fait ses classes avec la 2e compagnie. En marge de sa formation, il obtient aussi son permis VL « en deux semaines intensives », puis part sur Hao, aux Tuamotu, suivre une formation en électricité. « J’étais parmi les plus doués, pour ne pas dire le meilleur, dit-il avec le sourire. Donc forcément, j’ai vite été repéré par mon chef de section et le capitaine, qui a sélectionné les deux meilleurs de la promo (on était 30) pour suivre une formation complète et plus évoluée en métropole. »
> « L’opportunité de me sortir de la galère »
Après 10 mois de formation, Heinui sort major de sa promo avec son CAP d’électricien d’équipement et du bâtiment en poche. Il accepte ensuite un poste de volontaire technicien au sein du régiment. « De stagiaire je suis passé à aide moniteur, c’est-à-dire que j’étais le bras droit du formateur. Je faisais partie de l’encadrement, et à mon tour je devais enseigner aux nouveaux arrivants. C’était génial, en trois ans je suis monté au grade de caporal », se réjouit-il.
> À la découverte de l’impression 3D
Celui qu’on « surnommait MacGyver depuis tout petit » troque un iPhone qu’il n’utilisait plus contre une imprimante 3D. « Elle était en fin de vie, précise-t-il. Les pièces étaient tordues et il y avait beaucoup de défauts que je découvrais petit à petit car je n’avais aucune expérience en la matière. »
Mais comme on n’obtient pas le surnom de MacGyver sans raison, Heinui se met à démonter son imprimante pièce par pièce. Et grâce à des tutoriels trouvés sur YouTube, il parvient à changer les pièces usagées, à remettre l’imprimante en état, et à modéliser ses premiers prototypes : un porte-clés USB à l’effigie du drapeau polynésien.
> Un rendez-vous avec une nouvelle activité
C’est ainsi que l’idée d’en faire une vraie activité à côté de son emploi salarié a germé. Après s’être bien renseigné et avoir effectué toutes les démarches nécessaires, TKH Print est née. TKH comme le trigramme de Tikehau, « tout simplement pour ne pas oublier d’où l’on vient », sourit-il. « Je mets en avant mon atoll car il me manque, c’est ma façon de le mettre en valeur aux yeux de tous ! »
Son activité a officiellement démarré le 3 janvier. Heinui propose des porte-clés et porte-clés USB, des magnets, un original cube lumineux, et bien d’autres objets à découvrir sur sa page Facebook TKH Print. Et si vous vous posiez la question : oui, il livre en Polynésie !