Heinui Seino, le « MacGyver » de Tikehau, se lance dans l’impression 3D en métropole

Publié le

Publié le 24/03/2019 à 16:14 - Mise à jour le 03/02/2020 à 13:44

On dit souvent que dans la vie, il n’y a pas de hasard, seulement des rendez-vous. C’est probablement ce que pourra confirmer Heinui Seino, cet enfant du fenua aujourd’hui installé en métropole avec sa compagne et leur fille de 3 ans.

Il y a d’abord eu son rendez-vous avec la vie dans les îles. Car si Heinui est né il y a 30 ans à Tahiti, c’est sur l’atoll de Tikehau, aux Tuamotu, qu’il grandit, élevé par sa grand-mère paternelle jusqu’à ses 13 ans.

« C’était une éducation à l’ancienne, se souvient-il. On vivait à Raro, au bout de l’atoll, à l’opposé de l’aéroport, loin du village principal et de la modernité. Il n’y avait pas d’électricité à la maison, elle n’est arrivée que plus tard. Ma grand-mère me déposait tous les jours à l’école avec sa bicyclette, car elle ne pouvait pas m’offrir de vélo. Ça représentait environ 5 km de trajet par jour, et ce n’était pas toujours évident, surtout quand il pleuvait… »

Après le décès de sa grand-mère, en 2000, Heinui retourne vivre chez ses parents. Ces derniers vivaient de la pêche, du coprah et de l’artisanat en confectionnant des colliers de coquillages. « Ils n’avaient pas de revenus fixes et n’étaient pas souvent au village, reprend Heinui. Ils étaient obligés de partir en bateau et camper sur les motu pendant des semaines voire des mois pour ramener de quoi manger. »

> « On se sent prisonnier quand on n’est pas chez soi… »

Puis il y a eu ce rendez-vous avec l’éloignement. Le temps du collège venu, Heinui a dû rejoindre l’internat de l’atoll voisin, Rangiroa, afin de poursuivre sa scolarité au collège de Avatoru. « Ma mère est née là-bas, donc j’ai eu la chance d’y avoir de la famille. J’avais même un tonton, Lucien, qui était mon surveillant à l’internat. » C’est une fois qu’il a dû changer d’archipel et s’installer à Tahiti pour effectuer ses années de lycée que les choses ont commencé à se gâter.

« En terminale, j’ai eu quelques problèmes familiaux, comme la plupart des étudiants qui viennent des îles, par rapport à l’hébergement, confie-t-il. Aller chez la famille, ce n’est pas toujours facile, ça peut créer beaucoup de tension. On se sent prisonnier quand on n’est pas chez soi… Je n’étais pas mauvais élève, mais je n’avais plus de motivation pour l’école à cause des problèmes que j’avais chez la famille. Et j’ai commencé à me rebeller, à manquer à l’appel. Parfois je ne rentrais pas à la maison le week-end, j’allais dormir chez des potes. On faisait la fête sans limite et ça pendant des mois. Sauf qu’après, le lycée ne voulait plus me garder à cause des absences répétées. Mon père a décidé de me retirer du lycée et d’arrêter mes études. »

> Retour au bercail

De retour sur son île de Tikehau, « c’était encore plus compliqué car mon père m’a posé un ultimatum : trouver du travail par tous les moyens ». « Par chance, reprend-il, quelques semaines après, la mairie recrutait des volontaires pour travailler dans la maçonnerie, pour la construction de la route et de la digue en béton. » Le contrat n’aura duré que 4 mois et Heinui s’est à nouveau retrouvé au chômage. « À partir de là, je n’avais qu’une seule envie : quitter Tikehau pour trouver du travail ailleurs. »

C’est alors que son rendez-vous avec le GSMA arrive. « Quelques mois après, le maire avait convoqué tous les jeunes déscolarisés de l’atoll, filles et garçons, pour le recrutement du Groupement du service militaire adapté. Ils venaient recruter des volontaires pour effectuer 10 mois de formation dans différents domaines, bien sûr avec l’encadrement militaire qui va avec. Le premier jour, c’était marrant, nous étions une vingtaine de jeunes, et le lendemain pour signer le contrat, on était deux. J’ai quand même signé. »

Heinui retourne donc à Tahiti, du côté du RIMaP-P de Arue, où il fait ses classes avec la 2e compagnie. En marge de sa formation, il obtient aussi son permis VL « en deux semaines intensives », puis part sur Hao, aux Tuamotu, suivre une formation en électricité. « J’étais parmi les plus doués, pour ne pas dire le meilleur, dit-il avec le sourire. Donc forcément, j’ai vite été repéré par mon chef de section et le capitaine, qui a sélectionné les deux meilleurs de la promo (on était 30) pour suivre une formation complète et plus évoluée en métropole. »

> « L’opportunité de me sortir de la galère »

C’est ainsi que l’enfant des Tuamotu rejoint la France. « J’étais aux anges, je savais que c’était l’opportunité de me sortir de la galère, souffle-t-il. J’ai atterri au DSMA, le Détachement du service militaire adapté de Périgueux, où le régiment accueille des stagiaires venant spécialement des outre-mer. »

Après 10 mois de formation, Heinui sort major de sa promo avec son CAP d’électricien d’équipement et du bâtiment en poche. Il accepte ensuite un poste de volontaire technicien au sein du régiment. « De stagiaire je suis passé à aide moniteur, c’est-à-dire que j’étais le bras droit du formateur. Je faisais partie de l’encadrement, et à mon tour je devais enseigner aux nouveaux arrivants. C’était génial, en trois ans je suis monté au grade de caporal », se réjouit-il.

> À la découverte de l’impression 3D

À la fin de son contrat, il rejoint la vie civile, où il trouve un emploi salarié de chargé d’étude en fibre optique immeuble. Mais ce bricoleur dans l’âme, qui ne cesse de vouloir comprendre le fonctionnement des appareils, commence à s’intéresser, l’année dernière, à l’impression 3D.

Celui qu’on « surnommait MacGyver depuis tout petit » troque un iPhone qu’il n’utilisait plus contre une imprimante 3D. « Elle était en fin de vie, précise-t-il. Les pièces étaient tordues et il y avait beaucoup de défauts que je découvrais petit à petit car je n’avais aucune expérience en la matière. »

Mais comme on n’obtient pas le surnom de MacGyver sans raison, Heinui se met à démonter son imprimante pièce par pièce. Et grâce à des tutoriels trouvés sur YouTube, il parvient à changer les pièces usagées, à remettre l’imprimante en état, et à modéliser ses premiers prototypes : un porte-clés USB à l’effigie du drapeau polynésien.

> Un rendez-vous avec une nouvelle activité

« Au début, c’était pour le fun. J’ai posté une photo sur mon mur Facebook et très vite la communauté polynésienne a réagi à ma création. Je recevais beaucoup de commentaires et de MP de personnes qui voulaient commander et connaître le prix. C’était rigolo, je répondais que c’était personnel et pas à vendre, mais les gens continuaient, même des associations polynésiennes. »

C’est ainsi que l’idée d’en faire une vraie activité à côté de son emploi salarié a germé. Après s’être bien renseigné et avoir effectué toutes les démarches nécessaires, TKH Print est née. TKH comme le trigramme de Tikehau, « tout simplement pour ne pas oublier d’où l’on vient », sourit-il. « Je mets en avant mon atoll car il me manque, c’est ma façon de le mettre en valeur aux yeux de tous ! »

Son activité a officiellement démarré le 3 janvier. Heinui propose des porte-clés et porte-clés USB, des magnets, un original cube lumineux, et bien d’autres objets à découvrir sur sa page Facebook TKH Print. Et si vous vous posiez la question : oui, il livre en Polynésie !

Dernières news