Et comme Gaston Flosse dans un communiqué, Antony Géros estime que certains voyageurs pourraient ne plus vouloir repartir. Il s’inquiète de la clientèle « bon marché » que le low cost va attirer. « Des vrais backpackers vous en aurez certainement. Mais il n’y en aura pas beaucoup (…) Ce qui nous inquiète vraiment ce sont les « vrai faux » backpackers, ce sont les long term backpackers et ceux là croyez moi, ils seront légion. Ils viendront sans souci de durée de séjour ou de formalité administrative comme le ferait un ressortissant national de la communauté européenne qui se déplacerait de Bruxelles à Toulouse, tout comme d’une ville à une autre d’Europe. Aucune formalité substantielle ne lui sera demandée si ce n’est que le passeport et la fiche ESTA, uniquement à cause de l’escale américaine. Et lorsqu’ils seront ici eh bien, ils seront chez eux. Et tout ceci à l’heure où nous rencontrons de réelles difficultés en matières d’offres de logement social, à l’heure où nous n’arrivons que très difficilement à satisfaire nos demandeurs d’emploi et à l’heure où nous n’arrivons pratiquement plus à assurer l’équilibre de nos comptes sociaux », estime l’indépendantiste.
Dans une interview à Outremer 360, le président Edouard Fritch en déplacement en métropole avait répondu indirectement aux inquiétudes du Tahoeraa. La ministre du Tourisme Nicole Bouteau a adopté le même discours face à l’UPLD ce jeudi, opposant également des chiffres. « Il s’agira du troisième opérateur entre l’hexagone et la Polynésie, avec Air Tahiti Nui qui représente aujourd’hui 63% de parts de marché, et Air France, qui achemine les 37% restant. En 2016, toujours sur cette ligne, nous avions quasiment 243 000 sièges offerts. Les taux moyens de remplissage avoisinent les 90% pour Air France, et dépassent les 80% pour Air Tahiti Nui sur cette ligne.
L’offre de French Blue, pour 2018, représenterait une augmentation de moins de 30% avec 66 000 sièges. Les prévisions qui nous ont été transmises par la compagnie font état de 22 000 passagers A/R transportés pour 2018, et 34 000 en année pleine en 2019. Soit une augmentation maximale prévisionnelle, pour 2018, de l’ordre de 10% du nombre de touristes, et de l’ordre de 17% en 2019 par rapport à aujourd’hui. Il s’agit là, vous en conviendrez, d’une opportunité notable d’accroissement du flux touristique, sans constituer non plus une vague subite et démesurée. »
Nicole Bouteau indique avoir « organisé une série de consultations. J’ai ainsi rencontré les représentants les plus représentatifs du secteur touristique polynésien (Hôtellerie classée, Hôtellerie familiale, Agences de voyages et agences réceptives, Transport aérien domestique) ainsi que le MEDEF et la CPME. Ils sont unanimement favorables à la venue de French Blue. »
Sur la menace que pourrait être French Blue pour Air Tahiti Nui et Air France, Nicole Bouteau admet que « ce nouvel entrant va provoquer une mise en tension des 2 compagnies desservant actuellement cette ligne. Le marché le plus exposé étant le marché hexagonal, où French Blue est déjà positionné — avec le soutien notable d’Air Caraïbes. C’est donc sur ce marché que les efforts de croissance devront se concentrer dans un premier temps. »
Concernant la capacité hôtelière qui inquiète le leader du groupe UPLD à l’assemblée, la ministre estime, comme le président du Pays, qu’en « dehors du flux familial et affinitaire, cette nouvelle clientèle devrait donc majoritairement s’orienter vers de la petite et moyenne hôtellerie (2 à 3 étoiles et les pensions de famille), voire vers des types d’hébergements alternatifs, comme les meublés du tourisme et les locations saisonnières de type AirBnB qui se développent également. »
Enfin, la ministre estime qu’Antony Géros va « très, trop loin en agitant l’épouvantail du péril extérieur qui menace notre Pays.
Sur votre question concernant une convention liant le Pays avec la compagnie aérienne, je vous la retourne Monsieur le Représentant. La Polynésie a-t-elle signé des conventions avec Air New Zealand, Hawaian Air Lines, Latam, Air Calin, ou même avec Air France ? Jamais ! Mais selon vous il faudrait le faire avec French Blue ? Parce que vous en avez peur ? Parce que vous n’aimez pas ce qui est nouveau ? Parce qu’elle vient de France ?
Vous nous dites que les « ressortissants nationaux » devraient être « contrôlés » par des mesures administratives exceptionnelles — uniquement ceux de French Blue, pas ceux qui sont transportés par ATN ou Air France ? Il faut, à vous entendre, qu’ils soient fichés. Il leur faudrait des garants, des surveillants individuels. Ce sont vos mots. Il faudrait un « registre de domiciliation ». Et pourquoi pas un tatouage au poignet. Une puce électronique. Un suivi permanent. Et puis quoi encore ? Big Brother, jusqu’où souhaitez vous emmener ce Pays ? Accepteriez-vous que de telles mesures nous soient appliquées lors de notre entrée sur le sol d’autres territoires français ou en Métropole ? On va où, là ?
Vos questions sont édifiantes, leur tournure reflète un état d’esprit que je n’ose qualifier.
Alors oui, Monsieur le Représentant, nous organisons et continuerons d’organiser la croissance touristique et la croissance économique de notre Pays, pour que notre Population puisse en bénéficier, pour que l’emploi continu de se développer.
Nos visiteurs, nos Manihini, ont toujours été accueillis avec chaleur et ils ne cesseront de l’être. Qu’ils descendent d’un avion bleu tiare ou blue frenchie », conclut Nicole Bouteau
La question d’Antony Géros à l’assemblée
Mais mis à part ce point de détail, il est un point beaucoup plus important à nos yeux et qui mérite que l’on s’y attarde. C’est le point polémique. Pour en parler je ne peux m’empêcher d’évoquer une anecdote vieille de quelques années et qui me donne l’impression qu’en matière de desserte aérienne, et de politique touristique, nous progressons, certes, mais de contradictions en contradictions. Ainsi il y a de cela 2 ans déjà, interrogé sur les raisons de la non répercussion de la baisse du cours du baril sur le prix du billet de notre compagnie, le président de la compagnie Air Tahiti Nui cumulant la casquette de président du GIE Tahiti tourisme, déclarait, que compte tenu de la capacité d’accueil hôtelière de la Polynésie, et du taux d’occupation actuel de nos chambres d’hôtel, nous serions incapables d’absorber l’afflux de touristes supplémentaires, lié à cette opportunité et qu’il fallait sans aucun doute absolument augmenter préalablement notre capacité hôtelière avant de procéder à la baisse du coût du billet (…) Bingo, à seulement quelques encablures 2 mois plus tard, une compagnie aérienne low cost vient d’être autorisée de part la nature de son activité, à pratiquer une grille tarifaire permettant justement l’accès à des billets bon marché. Sauf que pour rendre crédible cette nouvelle je pose la question de savoir où sont donc passés les nouveaux hôtels ?
A moins bien sûr que vous ayez décidé de miser sur un autre type de clientèle. Celle que l’on qualifie de bon marché ou plus techniquement dans les pays anglosaxons, de backpackers. Des vrais backpackers vous en aurez certainement. Mais il n’y en aura pas beaucoup. Tout au plus ils viendront de tous bords, de toutes horizons lors des grands événements sportifs du horue ou du va’a, et s’en iront aussi vite qu’ils sont venus, comme l’ont déjà fait les équipes de fans de Kelly Slaters ou de Tom Witackers en leur temps. On les appelle les shorten backpackers. Mais ce qui nous inquiète vraiment ce sont les « vrai faux » backpackers, ce sont les long term backpackers et ceux là croyez moi, ils seront légion. Ils viendront sans souci de durée de séjour ou de formalité administrative comme le ferait un ressortissant national de la communauté européenne qui se déplacerait de Bruxelles à Toulouse, tout comme d’une ville à une autre d’Europe. Aucune formalité substantielle ne lui sera demandée si ce n’est que le passeport et la fiche ESTA, uniquement à cause de l’escale américaine. Et lorsqu’ils seront ici eh bien, ils seront chez eux. Et tout ceci à l’heure où nous rencontrons de réelles difficultés en matières d’offres de logement social, à l’heure où nous n’arrivons que très difficilement à satisfaire nos demandeurs d’emploi et à l’heure où nous n’arrivons pratiquement plus à assurer l’équilibre de nos comptes sociaux.
Madame la ministre, monsieur le vice-président, vous pensez bien que ma prose sur ce sujet peut durer davantage, mais plutôt que de la poursuivre, permettez-moi maintenant de vous poser les questions qui s’imposent : en nous rassurant, par le détail des conditions d’exploitation de cette desserte par la compagnie low cost French blue, et de nous dire si une convention aurait par exemple aurait déjà été signée et quelles en sont les modalités ou les principales conditions. En terme d’impact sur les compagnies aériennes exploitant actuellement la même desserte, quelles décisions comptez-vous prendre pour permettre à la notre de faire face à cette concurrence ? Quelles mesures administratives de contrôle envisagerez-vous prendre vis-à-vis des ressortissants de la communauté européenne qui voyageraient à bord de cette compagnie ? Aujourd’hui il n’y en a pas. Peut-être que vous en prendrez, je n’en sais trop rien. Avez vous l’intention de mettre en place par exemple une fiche d’information relative aux raisons de leur séjour, leur lieu de résidence, la durée de résidence ou le montant qu’ils envisagent de dépenser lors de leur séjour, l’identité etc. Avez vous l’intention de faire tenir un registre de domiciliation dans chaque commune, ouvert à tout ressortissant à partir de leur 3e mois de résidence ? Ça a fait l’objet d’une proposition de loi nationale en 2014. »
La réponse de Nicole Bouteau
Pour répondre à vos questionnements, le Pays a bien été sollicité par la compagnie French Blue, pour une demande d’exploitation de services réguliers de passagers, frets et courriers, sur la ligne Papeete/San Francisco ; le tronçon Paris/San Francisco étant du ressort de l’Etat.
Vous nous interpelez, en indiquant que la politique tarifaire de cette compagnie défie l’entendement. Vous vous inquiétez de l’impact de cette nouvelle offre, de cette concurrence, pour les compagnies qui assurent actuellement la liaison entre Papeete et Paris, à savoir Air France et Air Tahiti Nui. Vous vous interrogez sur la capacité réceptive de notre destination, et sur l’équilibre actuel existant entre l’offre de sièges dans l’aérien et l’offre de chambres en hôtellerie classée.
Sur cette première partie de votre question, French Blue, souhaite en effet exploiter, à partir de mai 2018 deux vols hebdomadaires depuis Paris Orly vers Tahiti, via San-Francisco. Une troisième fréquence est envisagée, en haute saison, de mi-juin à fin août. Les vols seront opérés en partage de code avec Air Caraïbes, au moyen d’aéronefs de type A350 (411 sièges, dont 35 Premium Eco et 376 Economique) et A330 (378 sièges, dont 28 Eco Premium et 350 Economique).
Il s’agira du troisième opérateur entre l’hexagone et la Polynésie, avec Air Tahiti Nui qui représente aujourd’hui 63% de parts de marché, et Air France, qui achemine les 37% restant. En 2016, toujours sur cette ligne, nous avions quasiment 243 000 sièges offerts. Les taux moyens de remplissage avoisinent les 90% pour Air France, et dépassent les 80% pour Air Tahiti Nui sur cette ligne.
L’offre de French Blue, pour 2018, représenterait une augmentation de moins de 30% avec 66 000 sièges. Les prévisions qui nous ont été transmises par la compagnie font état de 22 000 passagers A/R transportés pour 2018, et 34 000 en année pleine en 2019. Soit une augmentation maximale prévisionnelle, pour 2018, de l’ordre de 10% du nombre de touristes, et de l’ordre de 17% en 2019 par rapport à aujourd’hui. Il s’agit là, vous en conviendrez, d’une opportunité notable d’accroissement du flux touristique, sans constituer non plus une vague subite et démesurée.
S’agissant de la politique tarifaire, French Blue annonce un prix d’appel qui se situerait à 20% en dessous du tarif actuel des compagnies existantes. La compagnie propose par ailleurs un tarif « à la carte », en fonction des options et des services souhaités par le passager. Les dirigeants de French Blue qualifient eux-mêmes leur compagnie non pas de « low cost » mais de « smart cost ».
Sur la pertinence et l’opportunité que constitue le positionnement de cette nouvelle compagnie sur la Polynésie, sachez que dès le dépôt de la demande d’autorisation déposée par French Blue, j’ai organisé une série de consultations. J’ai ainsi rencontré les représentants les plus représentatifs du secteur touristique polynésien (Hôtellerie classée, Hôtellerie familiale, Agences de voyages et agences réceptives, Transport aérien domestique) ainsi que le MEDEF et la CPME. Ils sont unanimement favorables à la venue de French Blue.
J’ai également entendu Air France et Air Tahiti Nui qui considèrent French Blue comme un concurrent sérieux. C’est vrai que ce nouvel entrant va provoquer une mise en tension des 2 compagnies desservant actuellement cette ligne.
Le marché le plus exposé étant le marché hexagonal, où French Blue est déjà positionné — avec le soutien notable d’Air Caraïbes. C’est donc sur ce marché que les efforts de croissance devront se concentrer dans un premier temps.
Sur le marché américain, il va falloir un peu de temps pour que cette nouvelle compagnie intègre un réseau de commercialisation et un réseau d’alliances aériennes et de code-share, dont disposent déjà Air Tahiti Nui avec notamment la force de frappe du réseau American Airlines et Air France grâce à son alliance puissante avec Delta Airlines et Delta Vacations.
Le choix de French Blue de desservir la Polynésie via San Francisco permettra une diversification des marchés sources et nous pensons, à ce sujet, au nord-ouest des Etats-Unis et au marché Canadien qui représente un potentiel de croissance avéré à moyen terme.
Sur la clientèle, vous l’avez également évoqué, une compagnie proposant un tarif plus bas devrait attirer de nouveaux venus. En dehors du flux familial et affinitaire, cette nouvelle clientèle devrait donc majoritairement s’orienter vers de la petite et moyenne hôtellerie (2 à 3 étoiles et les pensions de famille), voire vers des types d’hébergements alternatifs, comme les meublés du tourisme et les locations saisonnières de type AirBnB qui se développent également.
Votre question sur nos capacités d’hébergement trouve donc une réponse. Oui, nous sommes en capacité d’accueillir 10% de flux touristique supplémentaire en 2018, parce que nous sommes sur des segments de clientèle différents, des circuits de commercialisation différents, et un positionnement différent. L’enjeu tient aussi en notre capacité à disperser ses flux tout en permettant l’évolution de notre offre hôtelière. Nous soutenons aussi les pensions de famille dans ce nouveau défi, au travers d’un programme d’accompagnement qui vise à renforcer leur capacité à accueillir, comme il se doit, cette clientèle supplémentaire.
S’agissant de Air Tahiti Nui, est-ce que cette arrivée bouleverse leur stratégie ? C’est une évidence.
Est-ce que cette nouvelle concurrence représente un défi supplémentaire pour ces équipes ? Oui, c’est un fait.
Est-ce que Air Tahiti Nui saura adapter sa stratégie ? Je n’en doute pas.
Vous avez tous pu entendre récemment les propos du PDG de la compagnie au journal télévisé de TNTV qui indiquait qu’Air Tahiti Nui se préparait à l’arrivée de French Blue et que la compagnie était tout à fait armée pour résister. La stratégie qu’elle propose de déployer sera d’ailleurs très prochainement présentée au conseil d’administration.
Nous avons confiance dans les femmes et les hommes qui sont au cœur d’Air Tahiti Nui, le personnel et les dirigeants. Nous connaissons leur détermination, leur professionnalisme. ATN est une compagnie d’excellence, elle continuera de l’être. C’est par l’excellence, reconnue, récompensée maintes fois, qu’elle continuera à accompagner le Pays dans sa volonté de développement et de croissance économique et touristique.
Je voudrais ajouter que refuser l’accès d’une nouvelle compagnie à notre destination, au prétexte qu’elle viendrait bouleverser et bousculer « notre » compagnie, serait un très mauvais signal envoyé à l’industrie du tourisme, aux investisseurs, à l’international. Cela signifierait que nous nous satisfaisons de ce que certains qualifient de « bulle de confort ». Ce n’est en tout cas pas le signal que notre gouvernement souhaite envoyer.
Je voudrais terminer mon propos sur la seconde partie de votre intervention car, Monsieur Geros, je trouve que vous allez très, trop loin en agitant l’épouvantail du péril extérieur qui menace notre Pays.
Sur votre question concernant une convention liant le Pays avec la compagnie aérienne, je vous la retourne Monsieur le Représentant. La Polynésie a-t-elle signé des conventions avec Air New Zealand, Hawaian Air Lines, Latam, Air Calin, ou même avec Air France ? Jamais ! Mais selon vous il faudrait le faire avec French Blue ? Parce que vous en avez peur ? Parce que vous n’aimez pas ce qui est nouveau ? Parce qu’elle vient de France ?
Vous nous dites que les « ressortissants nationaux » devraient être « contrôlés » par des mesures administratives exceptionnelles — uniquement ceux de French Blue, pas ceux qui sont transportés par ATN ou Air France ? Il faut, à vous entendre, qu’ils soient fichés. Il leur faudrait des garants, des surveillants individuels. Ce sont vos mots. Il faudrait un « registre de domiciliation ». Et pourquoi pas un tatouage au poignet. Une puce électronique. Un suivi permanent. Et puis quoi encore ? Big Brother, jusqu’où souhaitez vous emmener ce Pays ? Accepteriez-vous que de telles mesures nous soient appliquées lors de notre entrée sur le sol d’autres territoires français ou en Métropole ? On va où, là ?
Vos questions sont édifiantes, leur tournure reflète un état d’esprit que je n’ose qualifier.
Alors oui, Monsieur le Représentant, nous organisons et continuerons d’organiser la croissance touristique et la croissance économique de notre Pays, pour que notre Population puisse en bénéficier, pour que l’emploi continu de se développer.
Nos visiteurs, nos Manihini, ont toujours été accueillis avec chaleur et ils ne cesseront de l’être. Qu’ils descendent d’un avion bleu tiare ou blue frenchie.
Ia ora na, Manava e Maeva — les mots ont un sens, Monsieur Géros.