Franck ou le combat d’un père pour l’honneur de son fils

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Franck et sa famille traversent depuis des mois, voire des années, des moments difficiles. Leur fils aurait été victime de harcèlement scolaire de la part d’autres élèves. C’est pourtant lui qui a subi les foudres de la direction de l’établissement en étant sanctionné. Une décision annulée, mardi, par le tribunal administratif. Franck s’apprête désormais à déposer une plainte au pénal pour laver l’honneur de son fils, mais aussi pour que les autorités prennent conscience de ce qu’il a vécu afin que de tels faits ne se reproduisent plus. Témoignage.

Publié le 14/06/2023 à 16:44 - Mise à jour le 14/06/2023 à 17:06

Franck et sa famille traversent depuis des mois, voire des années, des moments difficiles. Leur fils aurait été victime de harcèlement scolaire de la part d’autres élèves. C’est pourtant lui qui a subi les foudres de la direction de l’établissement en étant sanctionné. Une décision annulée, mardi, par le tribunal administratif. Franck s’apprête désormais à déposer une plainte au pénal pour laver l’honneur de son fils, mais aussi pour que les autorités prennent conscience de ce qu’il a vécu afin que de tels faits ne se reproduisent plus. Témoignage.


Il a longuement hésité à témoigner à visage découvert, mais son fils souhaitait qu’il ne prenne pas la parole anonymement. Franck est encore à fleur de peau. Mardi, le tribunal administratif a annulé la sanction prononcée à l’encontre de son fils par la direction de ce collège de Papeete. Une première victoire judiciaire au goût de délivrance. « Quand il a appris qu’il était reconnu comme quelqu’un qui a été bafoué, il a chanté », témoigne, ému, son père.

L’adolescent revient de loin, selon lui. Dès ses premiers mois dans l’établissement, où sa mère exerce également comme enseignante, il aurait été la cible d’un groupe de quatre élèves. « Le fiston ne nous a pas tout de suite parlé de ce qu’il vivait pour ne pas déranger les parents (…) La première chose qui lui est arrivé, c’est qu’on l’a traité de ‘bougnoul’ car mon épouse est d’origine kabyle. Il s’est renseigné et a compris que c’était quelque chose qui n’était pas beau (…). Et ça a continué. De ‘bougnoul’, on est passé à des insultes en tout genre », explique-t-il. Son fils est ensuite régulièrement traité de « violeur », de « pédophile », par ses harceleurs présumés.

Franck dit avoir rapidement, et à de multiples reprises, alerté la direction du collège et les professeurs. On lui a plusieurs fois assuré que des démarches seraient entreprises pour trouver des solutions. Vœux restés lettre morte, selon lui.

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« Le principal qui a dû gérer l’affaire venait d’arriver (…) donc il ne connaissait rien de tout ça, mais dans une administration comme un collège, il y a des gens qui sont là depuis longtemps et qui savent ce qui se passe (…). Mon premier acte, c’est d’avoir écrit à la principale de l’époque (…). Dans le courrier, j’explique bien que le fiston est harcelé, qu’il est stigmatisé sur son origine ethnique. Et la réponse qu’on me donne, c’est : ‘après questionnement, il s’avère, qu’en fait, vous qualifiez ça de harcèlement, mais ce n’est pas du harcèlement. Quant au fait qu’il est dérangé pour son origine ethnique, ce n’est pas le cas‘ ».

« Il aurait dû être protégé »

Franck et sa femme ne baissent pas les bras pour autant. Ils continuent de tirer la sonnette d’alarme auprès de la direction, du CPE et de l’équipe enseignante. Ils sont de nouveau reçus par le principal du collège… qui leur annonce que leur fils va être sanctionné pour des « gestes déplacés envers des élèves ».

« Je lui dis : ‘stop. Vous venez d’arriver. Je vais vous expliquer (…) C’est ce qu’on lui dit depuis deux ans. On le traite de violeur, de pédophile (…) Mon épouse était certaine qu’on nous appelait parce que c’était bon, qu’on allait résoudre le problème (…) J’ai expliqué tout ce que le fiston avait vécu. Il me dit : ‘est-ce que vous avez des preuves ? Pas de preuve, pas de harcèlement’ (…) Finalement, il a été renvoyé 3 jours avec comme motif : ‘le protéger’. Ce monsieur veut le protéger en le renvoyant trois jours, mais quand il revient, il le remet dans la classe », soupire Franck.

Ces « gestes déplacés » supposés sont « fermement contestés » par l’avocat de la famille, Me Brice Dumas : « Il semblerait que la direction de l’établissement faisait référence aux rumeurs qui circulaient à l’encontre de la jeune victime et c’est justement à cause de ces rumeurs qu’il a été sanctionné », déplore le conseil.

Après avoir eu gain de cause devant le tribunal administratif, les parents devraient déposer une plainte contre X au pénal ce lundi. Plainte qui visera notamment les harceleurs présumés et la direction de l’établissement. « Il aurait dû être entrepris, à mon sens, des signalements auprès des services de police. Il aurait dû être protégé du harcèlement et non pas sanctionné. Des actes en réalité basiques qui n’ont pas du tout été mis en place, à ma connaissance (…). Il y a matière à enquête et, c’est mon intime conviction, il y aurait matière à condamnation », estime Me Dumas.

« On a été salis »

Franck veut aussi et surtout laver l’honneur de son fils et celui de sa famille. « Michel-Ange disait : ‘la rumeur, elle blesse l’honneur et elle donne la mort’. On a été salis. Et elle donne la mort sociale. Pendant plus d’un an, mon épouse a été complètement ostracisée (…) C’est un cri (…). Mon fils est tombé dans les pommes dans mes bras (…), fatigue psychique, il n’en pouvait plus », témoigne-t-il des sanglots dans la voix.

L’adolescent a été suivi par un pédopsychiatre qui a estimé qu’il garderait des « séquelles irréversibles ». « Les cauchemars, ça lui arrive encore. Mais il y a de la résilience ». Franck dit ne pas vouloir « de bagarre harceleurs/harcelé » mais souhaite que les choses changent. « On va aller au pénal parce qu’on doit le faire et après, peut-être, qu’on essaiera de trouver tous ensemble une solution. Mais il y a forcément une solution et je pense que le juridique est une réponse ».

Il y a quelques mois, dans un commerce, une élève du collège de son fils est venue spontanément à sa rencontre pour lui dire : « Je suis désolée de ce que j’ai fait à votre enfant. J’ai suivi. J’ai compris que c’était grave vu ce qu’il se passe. Je vous demande pardon ». « Il y a donc de l’espoir », sourit-il. Aujourd’hui, son fils est scolarisé à domicile et va « mieux ». « Ce n’est plus le même. Il apprend sans qu’on le bouscule, sans qu’on lui vole quelque chose dans son sac », conclut le père de famille.

Contacté par TNTV, le ministère de l’Éducation n’a pas autorisé le principal du collège à s’exprimer sur cette affaire.

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