Flavie, une vie pour sauver les animaux

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Un visage et un nom qui ne vous sont peut-être pas familiers. Et pourtant, Flavie Leux, alias Animouf Mouf sur les réseaux sociaux, est à la tête du Service de Protection Animale de Polynésie. Sa vie, elle la consacre aux animaux depuis près de 20 ans. Portrait d’une engagée.

Publié le 23/07/2021 à 14:40 - Mise à jour le 23/07/2021 à 15:45

Un visage et un nom qui ne vous sont peut-être pas familiers. Et pourtant, Flavie Leux, alias Animouf Mouf sur les réseaux sociaux, est à la tête du Service de Protection Animale de Polynésie. Sa vie, elle la consacre aux animaux depuis près de 20 ans. Portrait d’une engagée.

« Stérilisez vos animaux », tel est le message de Flavie Leux, la présidente du SPAP, le service de protection animale de Polynésie. Auparavant nommé Fare Animara, le SPAP a été créé dans le but de pallier la misère animale en Polynésie. Lorsque les moyens le permettent, l’association récupère les animaux abandonnés afin de leur prodiguer les soins nécessaires et les placer en famille d’accueil, avant de les proposer à l’adoption.

Et comme toutes les associations de protection des animaux, le SPAP doit trouver des fonds pour financer la nourriture, les soins, et surtout les frais de vétérinaire. Car depuis 2018, son activité principale se base sur des campagnes de stérilisation pour permettre aux personnes en situation précaire de faire stériliser leur animal à moindre coût. Mais la recherche d’argent s’avère quelque peu fastidieuse. « Au début, on faisait des ventes, des marchés aux puces autant qu’on pouvait. On le fait toujours », explique Flavie. « On a tapé aussi un peu à toutes les portes, comme la Diren, pour avoir des fonds. Ça nous a été accordé mais ce n’est jamais suffisant, parce que parfois, une seule famille a besoin de 400 000 à 500 000 Fcfp pour opérer tous ses animaux. […] Après, pour les fonds propres de l’association qui sont donc hors campagne de stérilisation, on compte plus sur les dons des gens ».

Les animaux, une passion qui demande du temps

La première fois que Flavie s’engage auprès de l’association, elle a 15 ans. Elle vient tout juste de s’installer au fenua et est tout de suite frappée par la condition animale. « On avait un chat qui avait débarqué à la maison, je me suis rapprochée d’un vétérinaire, j’ai tout de suite demandé comment je pouvais m’occuper des animaux. On m’a orientée vers la Clinique du Lotus. C’est comme ça que j’ai connu taote Giraud, qui avait la présidence de l’association à ce moment-là. Je suis entrée comme ça. Et très vite, on m’a donné la ligne téléphonique. […] J’avais le pied directement dedans, j’étais déjà très active ».

Depuis, Flavie n’a plus quitté le SPAP et y a investi 20 années de sa vie. Aujourd’hui présidente, elle a participé à la stérilisation de plusieurs milliers d’animaux domestiques, même si elle admet qu’il reste énormément de travail à faire. « On ramasse les gouttes mais le robinet fuit. À un moment, il va falloir agir de manière un peu plus forte. Il y a des gens qui sont très biens mais qui n’ont pas beaucoup de moyens […], ils ne maitrisent pas les naissances. C’est là où moi je peux les aider ».

« À partir du moment où tu donnes des chiots que ta chienne a mis bas, tu participes forcément à une misère animale quelque part. »

Flavie Leux, présidente du SPAP

Son quotidien, elle le partage entre les animaux et les enfants, avec son métier de professeure des écoles. Et lorsqu’on lui demande comment elle gère ses deux casquettes, elle répond avec enthousiasme : « je ne sais pas ! (rire). Je vie au travers de ça en fait, j’adore mon métier donc j’y consacre énormément de temps. J’ai deux enfants aussi, donc j’essaye de m’organiser pour avoir du temps pour chaque chose. Pendant mon temps de travail, je ne m’occupe absolument pas de l’association, éventuellement le midi s’il y a une urgence. C’est quand je rentre le soir où là, j’essaye d’avoir une heure pour l’association, ensuite avec mes enfants, puis quand ils sont couchés, je retourne sur l’association. C’est sûr que ça fait bien longtemps que je ne sais plus ce que c’est de regarder un film. J’ai très peu de temps pour moi […] mais je suis épanouie comme ça ».

Le SPAP ne compte à ce jour que 6 bénévoles actifs. Une petite structure qui a du mal à trouver de nouveaux membres. « Si on est 6 aujourd’hui alors que ça fait plus de 20 ans qu’on existe, c’est justement parce que très peu de gens acceptent de donner autant de leur personne. En fait, c’est un vrai investissement ».

(crédit photo : Flavie Leux)

Pourquoi stériliser son chien ou son chat ?

Si la stérilisation semble être une évidence pour certains, pour d’autres, il est nécessaire de laisser sa femelle faire une ou plusieurs portées. Mais la stérilisation, si elle n’est pas obligatoire selon la loi comme l’est l’identification, reste nécessaire afin d’éviter la multiplication des chiens et des chats et leur divagation. « Ça va tellement vite. Une chienne encore, elle met bas 2 fois par an, mais une chatte, elle peut mettre bas 4 à 5 fois par an. 5 fois 5, tu te retrouves avec 25 chatons à la fin de l’année avec une seule chatte. Et il faut aussi compter les portées des chatons à leur tour. Ça fait un nombre incalculable !  […] Il faut s’engager sur un animal quand on sait qu’on peut s’engager, tout comme on fait un enfant quand on peut en faire un ».

« Beaucoup disent que la stérilisation est contre nature, qu’il faut laisser faire une portée. Ces personnes-là, si elles ne laissent faire qu’une portée, au moins après la femelle est stérilisée. Mais cette portée-là, chaque chiot va faire à son tour une portée, c’est un puit sans fond également. À partir du moment où tu donnes des chiots que ta chienne a mis bas, tu participes forcément à une misère animale quelque part. Ces chiots vont à leur tour donner des chiots, et il y a forcément un moment où ils vont se retrouver au bord des routes ou dans des cartons. Et quand bien même, tu arrives à trouver des propriétaires pour ces chiots et qu’ils sont tous opérés, […] ce sont des places qu’on aurait pu prendre pour des chiots qu’on a trouvés nous ».

Le commerce illégal d’animaux en Polynésie, un fléau encore méconnu

Aujourd’hui, il est courant d’acheter un chien de race en ligne, sur les réseaux sociaux, ou même sur certains sites internet où des rubriques sont d’ailleurs entièrement consacrées à la vente d’animaux et d’accessoires. On y trouve des Shar-pei, des dogs allemands mais surtout des bichons. Pourtant, la vente de chiens de race est illégale en Polynésie lorsqu’elle n’est pas encadrée par un éleveur agréé.

« Je respecte l’élevage quand il est légalisé », reconnait Flavie. « Le chien est racé, avec un pedigree, il est acheté très cher. L’éleveur fait ce qu’il faut et il s’en occupe bien. Ce qui représente 1% des élevages ici en Polynésie. La plupart des chiens « de race » vendus ici ne sont pas racés, ce sont des faux bichons, et on se fait de l’argent sur le dos de la femelle. Le bichon, c’est le pire. C’est la race qu’on trouve le plus à Tahiti et c’est aussi celui qu’on trouve le plus en mauvais état au bord des routes. C’est le chien de race qu’on récupère le plus avec le pitbull. […] Le commerce illégal, ça me choque. Ça me choque de se faire de l’argent sur la vie d’un animal ».

(crédit photo : Flavie Leux)

Un gouvernement et une juridiction trop peu impliqués

Pour Flavie, les autorités accordent peu voire pas du tout d’importance à la cause animale. Un constat qui la révolte elle, mais aussi bon nombre d’associations similaires à la sienne. « Je pense que ça les arrange (NDLR: les autorités du Pays) qu’on fasse autant de choses. Parce que j’imagine même pas à quel nombre d’animaux on serait aujourd’hui s’il n’y avait pas eu toutes les associations et bénévoles hors associations qui ont fait toutes ces stérilisations ».

Elle déplore également la complexité des démarches administratives qui lui permettent d’obtenir une subvention, parfois minime. « Il faut faire énormément de papiers pour avoir 200 000 – 300 000 Fcfp. […] Une stérilisation chienne au tarif association, c’est entre 15 000 et 20 000 Fcfp. Et il suffit que les femelles soient pleines ou que les animaux aient quelque chose en plus, ça monte dans les prix. Finalement, avec 1 million de Fcfp, tu peux t’occuper de 10 à 15 familles. C’est pas énorme. Il devrait y avoir un budget pour ça, parce que c’est aussi aider les gens. Eviter que les personnes qui sont dans une situation précaire déjà se retrouve en plus dans un milieu insalubre, avec des excréments, etc ».

« Si on avait un appui juridique où les plaintes étaient vite prises en compte, on s’en sortirait mieux »

Flavie Leux, présidente du SPAP

Malgré tout, Flavie reconnait qu’il y a un certain avancement, avec moins de chiens mourants en bord de route et une meilleure prise de conscience. Ce qu’il manque concrètement, c’est le soutien financier de la part du gouvernement, mais aussi la prise en compte réelle des plaintes relatives à des faits de maltraitance animale. « Si on avait un appui juridique où les plaintes étaient vite prises en compte, on s’en sortirait mieux. Là les gens sont très souvent impunis de leurs actions, même quand on a les preuves, ça met des mois, des années. 100 000 Fcfp d’amende, ce n’est pas grand-chose, alors que ça devrait être sévèrement puni. Quelqu’un qui sera vraiment mauvais avec un animal, on ne peut pas me faire croire qu’il sera bon avec un humain. Il faut punir l’acte de méchanceté ».

D’après la loi, tout auteur de maltraitance animale encourt une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 3,6 millions de Fcfp d’amende. Mais en réalité, peu de plaintes sont traitées et lorsque certains cas de violence animale sont enfin jugés, les peines sont bien moindres. En 2014 par exemple, le cas d’une jeune chienne égorgée, nommée Blanc Blanc, avait ému la Toile. Son bourreau, reconnu coupable, avait écopé d’une amende de 15 000 Fcfp et d’une interdiction de détenir un animal. Les dommages et intérêts versés à la fondation Brigitte Bardot, ne s’élevaient alors qu’à un total de 60 000 Fcfp.

Si vous souhaitez devenir famille d’accueil, bénévole actif ou faire un don à l’association, contactez le SPAP par téléphone au 89 704 124 ou en envoyant un mail sur [email protected]

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