TNTV : On l’a vu dans un reportage précédent. Dans l’attente de la mise en service du nouvel accélérateur de particules du service de radiothérapie du CHPF, une centaine de patients sera évasanée. Comment les avez-vous choisis ?
Philippe-Emmanuel Dupire : « Ces machines sont prévues pour travailler en miroir. C’est-à-dire qu’elles fonctionnent en permanence dans la journée au CHPF. Là, on va vivre sur une seule machine. Il était donc indispensable de diminuer la pression en activité et de proposer des évasans aux patients. Ceux à qui on va proposer des évacuations sanitaires sont de nouveaux patients qui vont arriver et tous ceux qui ont une capacité à supporter un tel voyage. Il y a quand même 23 heures d’avion. Mais aussi une capacité à être en métropole, dans un endroit différent, avec l’éloignement de leur famille. On va sans doute proposer des accompagnements et faire en sorte qu’ils soient très bien logés et bien pris en charge avec un accompagnement de la CPS en particulier ».
TNTV : Ce nouvel équipement permettra une meilleure prise en charge des patients. D’autres investissements majeurs sont-ils prévus au CHPF ?
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Philippe-Emmanuel Dupire : « L’hôpital est un consommateur de gros matériels relativement couteux. Là, cette machine, un accélérateur linéaire, va coûter quand même 400 millions de francs. Ce sont de gros investissements, souvent basés sur un investissement Etat/Pays. Il y a également une machine pour la médecine nucléaire qui permet de discriminer davantage les images pour avoir des précisions sur l’évolution du cancer et la machine qui va avec, qui permet de faire le médicament. Un médicament à base de fluor 18. Cela s’appelle un cyclotron qui représente également 400 à 500 millions de francs d’investissement. Ce sont donc des investissements lourds pour le CHPF ».
TNTV : On le sait, le CHPF va mal. Le personnel médical est épuisé et surchargé. Le secteur n’est plus vraiment attractif au fenua. Y a-t-il des solutions à mettre en place rapidement ?
Philippe-Emmanuel Dupire : « Les solutions sont notamment de former localement. Je sais qu’il y a des projets pour rouvrir l’école d’infirmières. Tous les soignants, pas seulement les médecins, sont concernés (…) Il y a déjà des écoles de formation ici, notamment pour les sage-femmes et les préparateurs en pharmacie et cela fonctionne très bien. Ensuite, il faut aussi rendre du sens aux métiers des soignants. Ils ont été un peu bouleversés par l’épidémie de Covid. Si en métropole, des réformes ont eu lieu pour rendre le métier plus attractif, pour permettre à nouveau aux soignants de pouvoir communiquer tranquillement avec leurs patients (…) et prendre son temps pour les soigner …aujourd’hui, ce n’est plus tellement le cas. Il faut donc augmenter la ressource en personnels, mais pour cela il faut être attractif, car le métier est devenu difficile ».
TNTV : Il était question, sous le précédent gouvernement, de réformer le statut des médecins. Où en est-on ?
Philippe-Emmanuel Dupire : « Le gouvernement, aujourd’hui, en est parfaitement conscient (…) Tous les soignants ont envie de voir ce statut être un peu modernisé. Il est un peu ancien. Il date de 1994. Le recrutement se fait essentiellement en métropole. Il est temps de pouvoir rendre la Polynésie française plus attractive pour les soignants, car on ne forme pas tous les corps de métiers en Polynésie française. C’est beaucoup trop compliqué. Il n’y a qu’une première année de médecine, de pharmacie et de dentaire, ce qui est déjà très bien. Mais pour que les jeunes reviennent ensuite ici, après 15 ans d’expérience métropolitaine, il faut que ce soit attractif ».
TNTV : La présentation du budget 2024 de l’hôpital devrait être faite dans les prochains jours. Quelles sont vos attentes ?
Philippe-Emmanuel Dupire : « On sera vigilants. D’abord parce qu’en tant que président de la Commission médicale d’établissement, je représente le corps médical (…) On sera attentifs pour que nos patients soient pris en charge comme il le faut, c’est-à-dire avec les ressources médicamenteuses et de santé utiles et nécessaires. On essaye de porter des projets pour améliorer à chaque fois la prise en charge et moderniser le mieux possible nos soins. En même temps, il faut aussi que les soignants soient bien pris en compte dans leur demande de reprendre du sens dans le métier, de pouvoir à nouveau soigner les patients. Il faut que le temps de travail soit adapté. Il est encore un peu lourd en Polynésie française, notamment en nombre de gardes et d’astreintes. C’est un peu compliqué. Mais le ministre de la Santé a bien pris la notion de tout ça ».
TNTV : Vous êtes également un expert en pharmaceutique. Vous avez travaillé sur le texte du cannabis médical soutenu par le gouvernement. Où en est-on aujourd’hui ?
Philippe-Emmanuel Dupire : « Il y a un texte qui est en train d’être réécrit et qui ne pose, à mon avis, pas de problème, puisqu’il s’oriente essentiellement sur le cannabis médical. Le cannabis est une plante qui possède des substances actives, donc il n’y a pas de raison de ne pas les utiliser dans les indications qui sont validées en médecine humaine, en particulier pour les soins palliatifs, la douleur chronique, l’épilepsie chez l’enfant. Ces médicaments existent. Le texte doit être modifié pour que l’on puisse les importer et en faire bénéficier les patients. Pour moi, cela ne pose aucun problème. Le texte suit son cours tranquillement ».
TNTV : Vous avez bon espoir qu’il soit adopté à l’Assemblée en janvier…
Philippe-Emmanuel Dupire : « Oui. Je ne veux pas faire de prédictions, mais l’Assemblée semble tout à fait assurée que ce texte est important ».
TNTV : D’après le dernier bulletin de veille sanitaire, on observe une recrudescence des cas de Covid. Est-ce quelque chose que vous surveillez de près au CHPF ?
Philippe-Emmanuel Dupire : « Oui. Compte tenu de l’épidémie que l’on a subie il y a quelques années (…) On veille de façon très précise à ce que les cas n’augmentent pas. Cela dit, ce n’est plus le même virus, il mute en permanence. Donc, c’est peut-être un virus qui a moins d’impact. Il faut aussi tenir compte de la grippe. La grippe, c’est une vraie maladie. Ce n’est pas simplement le nez qui coule et la gorge qui gratte. Pour cela, il y a des vaccins. Cela reste (…) la meilleure prévention pour l’éviter. Et on veille systématiquement à l’hôpital à ce qu’il n’y ait pas de contagion entre les patients. Il y a des mesures barrières qui sont mises en place. Il y a aussi toutes les mesures barrières que les gens ont apprises pendant le Covid. Il faut les maintenir ».